Le cinéma nous a habitués aux sorties internationales simultanées. Le même jour, dans toutes les villes, nous pouvons aller voir nos chers blockbusters dans notre langue natale. Jusqu’à présent les éditeurs étaient plus pépères. Un livre sortait aux États-Unis. Quand tout allait bien, trois ans plus tard on l’avait en France. Et quand un livre sortait en France, jamais les Américains n’avaient une chance de le lire. C’est en train de changer.

Depuis Milan, Fortykey réveille l’édition mondiale en publiant des essais et des nouvelles en trois langues simultanément. En plus, ils ne parient pas que sur des blockbusters mais aussi sur des auteurs comme Bruce Sterling, un des papes du mouvement cyberpunk que j’ai jadis découvert avec Islands in the net. Si je suis au fait de cette aventure, c’est parce que j’ai la chance d’y participer avec La stratégie du cyborg.

Un jour de mai dernier, j’ai reçu un mail de Giuseppe Granieri, le directeur éditorial de Fortykey me proposant de participer à l’aventure. Pourquoi moi ? Parce que Giuseppe écrit aussi sur la technologie, leurs implications sociales et politiques et que cela, hors de la passion pour l’édition numérique, est encore un point commun entre nous. Il me disait aimer citer ma définition d’un auteur :

Quelqu’un qui est le seul à pouvoir écrire ce qu’il a écrit. Il peut dire des énormités mais il les dit à sa façon. À travers le temps, on ne se souvient jamais de tous les auteurs mais, quand on se souvient, c’est d’un auteur.

Comme tous les auteurs, j’aime les flatteries et j’ai immédiatement accepté la proposition d’écrire un court essai justement sur la transformation du métier d’auteur au temps du numérique. Deux mois plus tard, je me retrouve le premier Français à publier un essai en trois langues simultanément. Cocorico !

Vous devez bien rire. Je me moque toujours de ceux qui prétendent être les premiers et qui ne le sont pas. Comme ça marche pour eux par les temps qui courent, je reprends leur truc marketing, sans avoir froid aux yeux. J’avoue que j’ai un peu cherché des contres exemples, je n’en ai pas trouvé. Seuls des centaines de fonctionnaires onusiens ou européens m’ont devancé. Si l’un d’eux écrit aussi des essais, je suis mal.

Quoi qu’il en soit, nous voyons avec l’initiative de Fortykey combien le numérique peut changer le monde de l’édition. L’argent qui n’est pas investi dans l’impression, et la concession d’une marge mirobolante aux distributeurs, peut être utilisé pour traduire les textes dans plusieurs langues et démultiplier l’audience des auteurs. Pour une fois que ce n’est pas la distribution qui gagne, on ne va pas se plaindre. Ça peut redonner envie de jouer.

Fortykey a ainsi décidé pour commencer de sortir ses textes dans leur langue d’origine, en plus de l’anglais et de l’italien, cela pour commencer. D’autres langues devraient suivre comme le portugais, en fonction des résultats. Il ne s’agit pas d’une opération de mécénat.

Fortykey nous montre aussi qu’éditer en numérique n’implique pas un déni du passé typographique. Leurs couvertures sont superbes, produisant un effet de collection, tout en distinguant chacun des titres. C’est la première fois que je n’ai rien à redire quand on me montre la couverture d’un de mes livres.

Un peu partout dans le monde des nouveaux éditeurs comme Fortykey en Italie ou publie.net en France se lancent avec l’envie de faire lire des textes, sans avoir peur de remettre en cause des règles centenaires, sans pour autant les ignorer. Au final, ce mouvement ne peut qu’être bénéfique aux lecteurs.

PS : Journalistes ou blogueurs si vous voulez récupérer des exemplaires gratuits des livres publiés par Fortykey, le mien ou ceux des autres auteurs, envoyez-moi un mail ou contactez-les directement.