Avec l’équipe de L’expérience inédite, nous avons publié la version 2 de La tune dans le caniveau. Dans cette version augmentée, je défends l’idée que le capitalisme et le marxisme se ressemblent et que nous devons fuir également les deux systèmes.

Capitalisme vs marxisme

Selon moi, le capitaliste avec son capital commence par construire un outil de production de type industriel.

Dans la perspective marxiste, plutôt qu’un industriel détienne l’outil de production, cet outil appartient à l’ensemble des ouvriers. Il en va de même pour le capital.

La différence entre le capitalisme et le marxisme se limite à savoir qui possède l’outil de production et le capital. Le marxisme ne remet pas en cause la nécessité d’un outil de production, ni même celle du capital nécessaire à sa construction.

Envoyons sur une planète vierge un capitaliste avec du capital, nous voyons à peu près comment il construira l’outil de production. Dans la même situation que feraient des marxistes ? Comment construiraient-ils leur outil de production ?

Est-ce possible sans capital ? Des hommes isolés peuvent devenir des artisans mais ils ne peuvent devenir des ouvriers sans d’abord construire des usines. L’industrialisation ne s’est pas développée avec le capitalisme par hasard. Pour construire des outils de production de taille industrielle, outils d’ont le marxisme suppose la nécessité, il faut du capital.

Si les ouvriers rassemblent leurs économies pour créer ce capital, ils réinventent le capitalisme. Ils ont besoin de banquiers et de financiers. Et invariablement quelqu’un acquière plus de pouvoir que les autres et devient le capitaliste de la bande.

Il me semble que le marxisme ne peut apparaître qu’après le capitalisme. Des capitalistes avec leur capital créent un outil de production qui leur sera retiré pour être redistribué. Le marxisme est un système de résistance et de lutte, non pas un système constructif. En ce sens, il n’est pas viable par lui-même. Tout système marxiste vit comme un parasite d’un système capitaliste, en général plus ancien que lui, et il ne peut que s’effondrer à brève échéance quand il n’y a plus rien à bouffer.

Pour donner les usines aux ouvriers, il faut que des capitalistes les aient construites avant.

Organisme

Dans L’alternative nomade, j’ai introduit l’idée de développement organique qui ne nécessite ni outil de production de type industriel, ni capital. Dans La tune dans le caniveau, je dis que seul l’anarchisme peut succéder au capitalisme et au marxisme. À l’avenir, je leur opposerai plutôt l’organisme.

Un exemple : L’expérience inédite elle-même. Comparons trois façons d’éditer un texte.

  1. Capitaliste. Un auteur envoie son travail à un éditeur qui avance l’argent pour payer l’édition, la correction, la mise en page, l’impression et la diffusion. Il récupère éventuellement une plus-value, a priori proportionnelle à la prise de risque initiale. Nous sommes dans la logique que Marx résume par Valeur -> Marchandise -> Valeur.
  2. Marxiste. Un collectif se crée autour de membres qui avancent des fonds et qui ensuite fonctionnent comme un éditeur capitaliste (puisqu’ils s’appuient sur la même chaîne de production que lui). On reste dans la logique Valeur -> Marchandise -> Valeur. Sans capital initial, rien n’est possible.
  3. Organiste. Un collectif se crée et travaille pour réaliser chacune des étapes du processus éditorial sans jamais avancer le moindre capital. On passe dans la logique Marchandise (le livre) -> Valeur -> Marchandise (des carottes pour manger). C’est ce que nous avons fait avec La tune dans le caniveau. Nous nous sommes lancés dans un développement organique, un peu comme une plante qui pousse vers le ciel. Nous utilisons nos outils de production individuels – nos outils d’artisans –, et les outils de production distribués entre une multitude d’acteurs, le réseau qui est d’une certaine façon dorénavant un bien commun.

Socialisme

De quoi s’agit-il ? De protéger les plus faibles. De construire un État qui augmente la sécurité et prend en charge les biens communs. Le socialisme est compatible avec le capitalisme, le marxisme et l’organisme (comme l’est le libéralisme auquel on peut l’opposer). Seule contrainte, il doit être en phase avec le système avec lequel il se combine.

Avec le capitalisme, le socialisme ne peut qu’être centralisateur. Peu de gens détiennent le pouvoir. Avec le marxisme, il finit aussi rapidement par être centralisateur, du fait même de la localisation de l’outil de production, l’usine. Avec l’organisme, le socialisme doit lui-même se décentraliser, se distribuer entre tous les citoyens-artisans. C’est une nouvelle forme d’État qu’il faudra inventer.

Je me dis que si j’écris une troisième version de La tune dans le caniveau, j’introduirais une autoréférence dans le texte. Après avoir rejeté le capitalisme et le marxisme, Noam se lancera dans une expérience inédite et publiera La tune dans le caniveau pour démontrer la possibilité de l’organisme. Il proposera alors un système socialo-organiste.

PS 1: Il nous reste 5 exemplaires papier de la V1 de La tune dans le caniveau. Participez à cette expérience organiste en les achetant maintenant. On ne les réimprimera pas !

PS 2: C’est typiquement un papier dans la série atelier, work in progress. Je devine des choses à creuser.