Je brûle ma carte d’électeur – Ne pas voter, c'est politique

Brûler sa carte d’électeur, c’est mesquin, mais pour prévenir les critiques, voici plus de cent raisons indépendantes du contexte politique pour justifier pourquoi je ne vote plus.

J’ai perdu le son de la vidéo en chemin. Isa concluait par : « Qui va nettoyer maintenant ? » Oui, qui nettoiera la démocratie ?

De la démocratie

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Le 11 novembre 1947, devant la Chambre des Communes, Winston Churchill déclare : « Democracy is the worst form of government–except for all those other forms, that have been tried from time to time. » (La démocratie est le pire des régimes – à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé.) Depuis, on entend souvent répéter que la démocratie est le moins mauvais des systèmes possibles. Churchill ne dit pourtant pas du tout la même chose. Pour lui, la démocratie est le moins mauvais des systèmes essayés. Nous pouvons inventer mieux. D’ailleurs il poursuit : « Il existe le sentiment, largement partagé dans notre pays, que le peuple doit être souverain, souverain de façon continue, et que l’opinion publique, exprimée par tous les moyens constitutionnels, devrait façonner, guider et contrôler les actions de ministres qui en sont les serviteurs et non les maîtres. » 

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Dans La démocratie aux marges, David Graeber propose une belle définition : « […] la démocratie relève avant tout de la prise en charge de leurs propres affaires par des communautés humaines dans le cadre d’un processus ouvert et relativement égalitaire de discussions publiques […] »

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Le 7 septembre 1789, Emmanuel-Joseph Sieyès déclare : « La France ne doit pas être une démocratie, mais un régime représentatif. Le choix, entre ces deux méthodes de faire la loi, n’est pas douteux parmi nous. D’abord, la très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction ni assez de loisirs, pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils doivent donc se borner à se nommer des représentants. […] Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » Rien n’a changé, et cela dans toutes nos démocraties, de fait des régimes représentatifs.

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Le vote n’est pas consubstantiel de la démocratie, seulement des régimes représentatifs ou des démocraties directes. Les Grecs ont utilisé à la place le tirage au sort. On peut imaginer des modèles coopératifs, où le peuple aurait bel et bien le pouvoir, sans aucune nécessité pour lui de voter.

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Les règles du jeu représentatif ont été promulguées non démocratiquement par des hommes qui n’avaient que mépris pour le peuple. Ainsi Michel Debré, rédacteur de la constitution française, écrit en 1957 : « La cité, la Nation où chaque jour un grand nombre de citoyens discuteraient de politique seraient proches de la ruine. » Debré ne fait que reformuler les vues de Sieyès. Résumé de son propos : votons de temps en temps puis taisons-nous.

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Quand les règles d’un jeu de société ne nous intéressent pas, nous changeons de jeu ou nous transformons les règles. Voter, c’est plébisciter le jeu en vigueur. Après, il ne faut pas se plaindre que les élus trichent (la règle intègre la tricherie).

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Le régime représentatif est un système politique. Quand un système vieillit, il se sclérose, puis meurt. La démocratie ne peut survivre qu’en se transformant sans cesse. Elle doit pousser comme un arbre, toujours plus haut, toujours plus belle. Elle n’a pas changé depuis trop longtemps. Depuis le droit de vote accordé aux femmes. Cet état de stase aurait dû nous alerter.

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L’histoire de la démocratie ne s’est pas arrêtée en 1789. Au nom de l’idéal de plus de liberté et d’équité, nous pouvons combattre un modèle démocratique devenu exsangue dans le but de le revigorer.

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En 1968, on criait dans les rues « Élections piège à cons. » Serions-nous moins lucides ?

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