En écrivant ma lettre à un jeune twittérateur imaginaire, je suis tombé sur un billet d’une non moins jeune littéraire qui traite la twittérature, qu’elle n’a jamais lue je suppose, de nouveau nihilisme.

J’ai senti son dégoût du Nouveau Roman, son goût pour les valeurs affirmées, quasi idéales et immortelles qu’enfermerait la littérature, goût qui découle d’une vieille tradition essentialiste qu’affectionne les professeurs (car elle les justifie dans leur position). Et j’ai éprouvé le besoin de répondre.

J’écris ces lignes en même temps qu’un de mes amis auteurs est en train de mourir. Pourquoi croyez-vous que nous écrivons ? « Nous plaindre », croyez-vous. « Invoquer une réalité supérieure », supposez-vous. Vous n’y êtes pas. Nous écrivons simplement pour vivre, pour jouir de la vie, en dépasser les pesanteurs ici et maintenant. L’écriture est jeu, défi avec soi-même et avec les autres, elle est jubilatoire. Toute expérience est la bienvenue. Elle se dissoudra plus tard dans les méandres de la langue eux-mêmes avalés par les profondeurs du temps.

Alors, qualifier de nihiliste la twittérature, c’est passer à côté de toute la littérature profane. Cette littérature gazouillée est jeu. L’affirmation qu’il n’y a rien de sérieux, la vie commence et s’achève dans un grand vide, entre-temps nous nous saisissons de la moindre possibilité de l’enchanter. La twittérature est le contraire même du nihilisme. Elle affirme qu’il existe une merveille au temps même où nous la vivons, l’écrivons, la lisons. Avec l’acceptation que tout cela se dissoudra bientôt avec nos pauvres corps.

De cette voie joyeuse, il sortira peut-être des chefs-d’œuvre, des divertissements à coup sûr, des navets avec certitude. Rien que la vie, mais la vie et non pas sa négation.

Les auteurs vont où les lecteurs vont. Les uns et les autres recherchent la rencontre. Ils vivent en même temps. Quinze mille statuts sociaux sont publiés par seconde. Soit environ l’équivalent d’un livre de mille pages. L’humanité passe plus de temps devant ces textes que devant aucun autre. Pourquoi la littérature ne se saisirait pas de cette possibilité ?