…si seulement les blogueurs s’étaient appliqué à eux-mêmes les théories qu’ils défendent (et je ne me mets pas hors de cause). La transparence. Pourquoi n’indiquez-vous pas sous chacun de vos billets le nombre de lectures, estimées par un outil plutôt fiable comme Google Analytics ?
Peur d’avouer la faiblesse de votre d’audience ou de minimiser votre influence ? Ou désintérêt pour les chiffres ?
Pourtant tous les médias usent et abusent de ces chiffres pour justifier leur prédominance. Nous aurions pu fédérer nos stats pour peser dans l’audimat. Nous n’avons jamais réussi à nous entendre. Plutôt que de faire réseau, nous avons fait île. Notre continent n’a jamais vu le jour.
L’ouverture. À la recherche de NOTRE succès, de NOTRE influence, de NOTRE liberté d’expression, nous défendons jalousement notre précarré, souvent une niche où nous tolérons quelques chiots de temps à autres.
La blogosphère n’existe plus, des cliques lui ont succédées. Résultat : point de succès ou d’influence et une liberté d’expression, certes, mais qui hurle dans le vide, une pensée pour soi seul, ou presque. Fini l’ébullition, la stratégie du cyborg, l’ébriété mentale. C’était ça avant-tout la blogosphère, pas un média mais un laboratoire.
Le partage. Nous avons commencé avec les blogrolls, nous les avons peu à peu abandonnées, sous l’influence néfaste de Google, dont l’algorithme a bientôt puni les amitiés trop clairement exprimées. Alors nous nous sommes couchés. Nous nous citons parfois les uns les autres, mais presque avec pudeur. Il ne faudrait pas en plus envoyer des lecteurs chez un concurrent.
L’indépendance. Beaucoup de blogueurs, parmi les meilleurs, ont pris ombrage chez des pure-players, en échange parfois d’une maigre pitance ou d’une promesse d’audience démultipliée. Ils ont renoncé à être eux-mêmes sous prétexte de faire plus de bruit. Et la blogosphère s’est encore asséchée sans que les pure-players ne renouvellent le paysage médiatique. Ce qui était nouveau a été dissous, sans même altérer la couleur de l’océan. Et les pure-players n’ont plus personne à recruter, en une boucle de feed-back négative inévitablement destructrice. Les blogueurs ont tué la presse qui a tué la blogosphère.
La décentralisation. Notre devise jadis était : « Autant de médias que d’individus. » Cette autre facette de l’indépendance, pourtant consubstantielle de notre naissance, ne nous a pas empêché de nous précipiter sur des réseaux sociaux qui ont désormais la clé de nos échanges, les formatent, les réduisent à des gazouillis, à des je t’aime moi non plus. Il nous est devenu difficile de faire marche arrière. Nous avons engendré des monstres multimilliardaires pendant que le reste de l’écosystème s’appauvrissait.
La blogosphère est exsangue. Il n’existe plus que des blogueurs vaguement connectés par affinité, certains encore assez populaires. Ils ressemblent désormais aux auteurs, à ces hommes et ces femmes qui écrivent des livres. Nous avons pensé changer le monde, nous nous sommes au contraire coulés dans ses replis les plus anciens.
PS1 : Ce billet continue...PS2 : Ce billet n’est qu’un commentaire à un article d’Olivier Zilbertin.