Quand on se lance dans un nouveau projet d’écriture, surtout quand on s’attaque à un sujet hors de soi, il y a un moment de flottement. Il faut lire, écouter, se créer un univers. On commence souvent par remonter à la genèse du sujet. Par exemple, Kessel commence la vie de Félix Kersten par raconter ses ancêtres.
Lors de notre première rencontre, Didier Pittet m’a raconté l’histoire d’Ignaz Semmelweis, son père spirituel. Dans les années 1846-1847, ce médecin hongrois s’étonne du taux de mortalité astronomique de 28 % dans la maternité de l’Hôpital Général de Vienne, un hôpital que les femmes informées évitaient avec raison.
Semmelweis découvrit que les médecins étaient les assassins involontaires. Ils disséquaient des cadavres, courraient à un accouchement, revenaient à leurs cadavres… Sans en avoir la preuve matérielle, Semmelweis comprit qu’ils infectaient les femmes et leurs nouveau-nés. Il leur imposa de se laver les mains avec une solution d’hypochlorite de calcium. Le taux de mortalité chuta à 0,28 %. Semmelweis n’en fut pas moins critiqué, calomnié, discrédité… tout ça parce qu’il était nul en com (et ça me plaît).
Dans la conférence qui suit, enregistrée en 2010, Didier Pittet évoque Ignaz Semmelweis et Florence Nightingale, les précurseurs de l’hygiène hospitalière. Son discours est tantôt rassurant, nous montrant les progrès effectués depuis le milieu du XIXe siècle, tantôt inquiétant. Il nous révèle sans complaisance tout ce qui n’est pas encore fait, même dans les hôpitaux les plus modernes.