L’année dernière, j’avais proposé que nous éditions nous-mêmes les indisponibles pour couper l’herbe sous les pieds des imbéciles derrière ReLire. Il y a quelques jours, j’ai commis un nouveau billet sur ce thème et je l’ai retiré aussitôt, car j’ai vite vu qu’il était mal interprété. Je reprends.
En tant qu’auteurs, notre terrain est esthétique. Si les batailles juridiques contre les imbéciles s’imposent, la bataille artistique ne doit pas être négligée, bien au contraire. Nous tenons une occasion magnifique de fourbir nos armes. Nous devons tous nous engager sur le terrain du numérique.
Nous n’avons pas d’autre choix. Nous ne serons jamais édités en numérique comme nous l’étions sur le papier. Le numérique exige l’engagement constant. La présence. La discussion. Il exige de mettre les mains dans le cambouis. Nous ne pouvons pas laisser des tiers ferrailler à notre place selon la vieille logique pyramidale.
Nous devons nous révolter de la manière la plus inattendue. Répondons au scandale par un pilonnage éditorial incessant. On nous en offre l’occasion. Lorsque nous disposerons tous de la capacité de nous éditer en numérique, nous serons soudains plus respectables.
On nous a pris pour des cons. On a estimé que nous ne réagirions pas. Ne leur donnons pas raison. Que notre réaction soit démesurée. Qu’elle mette en cause tout un écosystème et qu’elle prouve à tout jamais que les auteurs ne sont pas les pièces rapportées d’une union illégitime.
Transformer l’Opt In en Opt Out
C’est ça le seul scandale à vrai dire, qu’on nous impose un choix (et qu’on nous pille). Alors à tout problème logiciel, il existe une réponse logicielle. Il suffit de mettre sur l’affaire un bon hacker, accrédité par les auteurs, pour qu’il nous concocte un petit logiciel qui retire automatiquement toutes œuvres ajoutées au registre ReLire (mais nous pouvons patienter, les actions en justice aboutirons inévitablement à ce résultat).
Nous nous retrouverons alors dans une situation beaucoup plus claire. Avec trois choix pour chacun de nos textes.
Le laisser dans les limbes du non numérique (situation peu courante, mais qui va avec le droit à l’oubli, droit dans la pratique définitivement impraticable).
Changer d’avis et autoriser la numérisation par ReLire.
Opter pour l’auto-édition ou l’édition coopérative.
Je suis bien sûr adepte de cette troisième solution. Je ne crois pas que des tiers pourront faire le boulot à la place des auteurs, tout simplement parce que les auteurs sont trop nombreux. Donc c’est à chacun de nous de prendre en main le destin de ses œuvres, du moment qu’un éditeur n’est plus là pour les assumer.
Cet entraînement à la guérilla numérique ne pourra que familiariser davantage chacun de nous avec la réalité du nouveau monde. En plus de lutter contre une injustice flagrante, il nous aidera à comprendre les enjeux de notre époque, et sans aucun doute à y produire des œuvres plus ancrés dans leur temps.
Je suis prêt à participer gratuitement à des ateliers de formation. Je suis sûr que d’autres auteurs comme Jean-Claude Dunyach ne rechigneront pas à la tâche. Vous devez vous former. Vous devez devenir des auteurs d’aujourd’hui. ReLire est une chance pour chacun de nous. Ça pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Mais si la mayonnaise retombe après la victoire juridique, cette affaire n’aura servi à rien. Il faut, au contraire, retourner l’énergie négative qu’elle a réveillée en chamboulement positif. Il serait temps que la France se réveille au numérique, pas seulement pour en dénoncer les dérives, mais aussi pour en embrasser la disruption esthétique et politique.