Je parle de la SF que je lis aujourd’hui, à petite dose il est vrai, chaque fois qu’un ami me donne un conseil. Je vais même restreindre ma critique à mes deux dernières lectures, Robert Charles Wilson et sa trilogie Spin, Alastair Reynolds et Janus.
On est dans la hard SF que j’adorais adolescent, celle des grands de l’âge d’or, je pense notamment à Arthur C. Clarke. On a souvent reproché à ce dernier de tailler ses personnages à grands coups de serpette et de ne pas trop se préoccuper du réalisme psychologique. C’est pour cette raison qu’il reste moderne à mes yeux.
Mes deux compères contemporains se sentent obligés de verser dans le mélo larmoyant avec des personnages dignes de la collection arlequin. Pourquoi imaginer d’autres mondes si c’est pour nous ennuyer avec des histoires de cœur ou de déchirements mièvres. Vous devriez revenir aux fondements. Écrire de la SF, c’est à dire des aventures avec de la technologie et d’autres civilisations sur fond métaphysique. Nous épargner le reste.
Dans Janus, des humains se font capturer dans un zoo pour civilisations éteintes. Superbe projet. Mais 90 % du roman est consacré à l’amour/haine des deux ex-meilleures amies du monde. Je m’en fiche, d’autant plus quand l’auteur aligne grosse ficelle après grosse ficelle. Ce genre d’histoire c’est bon pour un mauvais prix Goncourt (non, même pas, faut pas rêver). Quel gâchis. D’autant que côté hard science on est au top dans ce roman.
Aussi cette volonté de faire gros. De pondre 500 pages et plus. À l’époque de l’âge d’or, Janus aurait tenu en 180 pages avec autant de rêve et même davantage. La trilogie Spin n’aurait pas été plus imposante. Je sens à chaque ligne le besoin de répondre à la demande du marché. De satisfaire les fans. Les auteurs ne cherchent plus à tendre leurs histoires. Ils les formatent. Après, il ne faut pas s’étonner que la SF reste un genre.
Du zoo pour civilisation on ne saura presque rien. Quand l’histoire aurait pu devenir intéressante, elle s’arrête, pour préserver une suite qui sera encore une fois délayée. Les romans de SF d’aujourd’hui auraient fait de bonnes nouvelles cinquante ans en arrière. Et ce n’est pas un hasard si les meilleurs textes de SF que je lis désormais sont courts, je pense à ceux de Jean-Claude Dunyach.
Nous sommes à l’âge numérique. Court ou long ne veut plus rien dire. Nous pouvons écrire juste les mots nécessaires. La SF est à la traîne dans la modernité, accrochée au papier (dont les futurs lointains sont encore envahis malgré l’hyperpropulsion). Le genre est un commerce. La littérature s’en arrache sans cesse, et chaque fois qu’elle est rattrapée elle fuit ailleurs. La SF se complet à satisfaire des adolescents boutonneux.
Vous allez me dire d’écrire la SF que j’aimerais lire. Pourquoi pas. Mais j’ai bien le droit d’être un aficionado déçu. Tous les livres de SF qui me passent entre les mains se ressemblent. Même traitement psychologique ringard. Même longueur de description. Même formatage. Après l’âge d’or, c’est l’âge de la normalisation.