On me dit souvent que je juxtapose les phrases. Que je les fais se heurter. Que mon style manque de liant. Il est vrai que je déteste toutes les coordinations, pour leur sonorité comme leur main disgracieuse tendue au lecteur.
Sans être aussi extrémiste que Léautaud qui s’interdisait le « mais », je me rationne, par goût de la vitesse, des brusques dérapages et changements de direction. Mon penchant Rock apprécie les répétitions. Elles éclairent le sens, donnent du pulse. Je me bats toujours avec les correcteurs à ce sujet.
Je viens d’avoir une image chiffrée de mon style. On attend d’un texte français traduit en anglais une compression de 80 à 90 %. Le Geste qui Sauve en devenant Clean Hands Save Lives a grossi de 5 %, un écart d’au moins 15 % avec les attentes qui révèle, peut-être, les particularités de mon style.
La faute bien plus probablement à mes manies qu’à mon traducteur. Ma traductrice portugaise, une vieille amie, m’a dit que j’aurais dû arrondir les angles dans la version française. Elle s’en est gardée en portugais, son texte est de taille identique au mien.
Voilà comment je paie mon goût pour les cisaillements et les rythmes à la Bartók. Mes traducteurs, espagnol et allemand compris, me prouvent que je maltraite mes lecteurs. Je ne suis même pas sûr d’avoir le droit de parler de style. Plutôt d’une façon de penser. De devoir rattraper tout ce qui déborde le plus vite possible. De tout recueillir dans mes bras, puis d’y puiser quelques points clés en jetant tout le reste. Je ne vois pas comment résumer autrement mon écriture.