Mini étude sur le marché des ebooks et le partage non-marchand

Un mois après la sortie du Geste qui sauve, j’ai récolté quelques chiffres, même si peu significatifs au vu des faibles volumes de diffusion, qui démontrent une grande disparité entre les marchés français et anglo-saxon des ebooks.

Pour mémoire, mon livre est en même temps disponible en librairies physiques et numériques, et aussi en téléchargement gratuit. Nous avons vendu 26 000 exemplaires avant la sortie, achetés par des sponsors qui les ont depuis distribués lors de congrès médicaux. D’autres commandes arrivent. En librairie, uniquement 500 exemplaires ont été mis en place début mai. Personne ne croyait à la réussite commerciale du livre, surtout pas les commerciaux. Nous avons tout vendu en moins d’un mois. Le réassort doit être en cours.

Comme j’ai diffusé moi-même le texte en numérique, j’ai récolté quelques chiffres. Tout d’abord, ce n’est pas un succès. J’ai comptabilisé un total de 983 téléchargements gratuits entre anglais et français (chiffre sans doute à majorer, car je ne peux comptabiliser les éventuels miroirs), pour un total de 150 ventes, soit un taux de conversion de 15 %, qui me semble plutôt satisfaisant, et prouve que la sphère non-marchande peut cohabiter avec la sphère marchande.

Les choses deviennent intéressantes quand on analyse par langue. Pour le français, j’obtiens un taux de conversion téléchargement vers vente de 3,2 % alors que ce taux s’élève à presque 46 % pour l’anglais (pas assez de chiffres pour les autres langues).

L’exception française apparaît criarde. Mon analyse : l’État providence nous habitue à recevoir. Quand un particulier donne, on le traite comme l’État et oublie de le remercier. Attitute opposée dans le domaine anglais, où un téléchargement gratuit sur deux entraîne une vente.

L’exception française peut s’avérer très dangereuse pour les créatifs français. Les gens risquent de partager les œuvres en oubliant trop souvent les auteurs (qui, je le rappelle, ne touchent pas le chômage comme les intermittents). Ce n’est pas une raison pour interdire les échanges et les pénaliser. Il me semble préférable d’expliquer et d’éveiller la conscience des consommateurs. Ce qui est possible dans le monde anglo-saxon doit l’être aussi chez nous.

Autre signal d’alarme, j’ai vendu cinq fois plus d’ebooks en anglais qu’en français, alors que je n’ai effectué aucune promo en anglais, que je suis totalement inconnu en Angleterre et aux US, que personne n’a parlé du livre là-bas. C’est la simple démonstration que le marché français des ebooks n’existe pas, parce que les opérateurs comme Hachette le bloquent pour protéger leur business de distribution physique.

Répartitions des téléchargements entre les trois formats offerts.
Répartitions des téléchargements entre les trois formats offerts.

Un dernier chiffre. Les epub et mobi représentent moins de 25 % des téléchargements. Ce faible taux prouve que les formats de livre électronique n’ont pas encore supplanté le PDF et que les applications de lecture ne se sont pas imposées dans les mentalités, cela autant en France qu’ailleurs.

Alors mon analyse sur l’exception française est sans doute biaisée. Si on en croit ces derniers chiffres, les Français n’ont pas encore le goût des ebooks. On peut logiquement en déduire qu’ils ont jeté un œil au PDF avant d’acheter le livre papier, ce qui expliquerait le maigre 3,2 % de conversion téléchargement vers ventes électroniques. Je me raccroche à cet espoir. Sinon, grande inquiétude, car on change plus vite les technologies que les mentalités.

Une question reste ouverte : j’aurais vendu combien de livres si je ne les avais pas offerts en téléchargement gratuit ? Impossible de répondre, sauf que ça n’aurait pas été pire. Au mieux, je peux dire que certaines personnes qui n’auraient jamais lu ce livre l’ont lu.