J’ai souvent constaté que quand je blogue peu, je suis plus lu. En déduire que se faire rare est bon pour la popularité est peut-être prématuré. Les sportifs ne sont pas plus rares que les people PAF, et vous ne semblez pas moins les aimer.

Il faut donc envisager le problème autrement. La rareté est peut-être le seul chemin pour atteindre la popularité, qui une fois atteinte autorise tous les débordements, avec ce risque inexorable qu’après le temps de la nouveauté survienne inévitablement celui de la lassitude.

Mes amis auteurs non-blogueur utilisent la tactique de la rareté. Ils publient un livre de temps en temps, avec un bref bal médiatique, et s’exposent dans quelques foires. Après silence. Et parfois les lecteurs semblent les attendre avec avidité. J’envie leur rythme et ses grandes plages de calme.

De mon côté, l’écriture déborde. J’ai du mal à me taire. Je pourrais remplir des carnets pour après ma mort, mais j’ai envie de goûter au plaisir de la postérité immédiate. Je m’abandonne à l’ivresse du send.

Les businessmen ont trouvé depuis longtemps une technique imparable pour créer de la rareté, faire payer. Alors, périodiquement, je me dis que je devrais faire payer mon blog, pour rester invisible aux yeux du plus grand nombre. Et ne jaillir qu’une fois par an, avec un chef-d’œuvre inoubliable.

Mais peur de n’avoir pas plus d’une poignée de payeurs. Peur de ne plus disposer d’un grand divan pour une psychanalyse gratuite et récurrente. Et je ne change rien, je continue victime d’une inertie terrifiante. Je suis tellement préoccupé de jouir de l’écriture que j’épuise un à un les lecteurs qui me trouvent.

Tout ça pour dire qu’on est comme on est, populaire ou non, et qu’on ne fait rien pour changer. Dans Èratosthène, j’écris « Une autre vie pour soi ne conçoit pas », j’en suis bien désolé. Je suis juste capable de légèrement altérer mon état physique pour modifier mes états mentaux. Les footings ont cette vertu comme le minimalisme culinaire.

J’endurcis mon corps pour ne pas perdre le rythme du send. Je suis un athlète de l’écriture qui ne conçoit pas la rareté. Le Net a donné un exutoire à ma pathologie. J’ai une si haute idée de la littérature que j’en ferais presque une chose en soi. Je suis un idéaliste frappadingue. Un obscurantiste de néoplatonicien, qui dénonce ce piège pour mieux y tomber à chaque bouffée d’air avalée.

PS : Billet inspiré par un billet de Neil Jomunsi.

The sofa par Daniele Zanni.
The sofa par Daniele Zanni.