Le partage non-marchand des œuvres immatérielles est une affaire d’algorithmes. La question se résume en : « Faut-il oui ou non autoriser l’usage par tous des algorithmes de copie de fichiers ? » Répondre par un « oui » déterminé, comme le fait Neil Jomunsi en ne prenant en compte que le problème des auteurs, est potentiellement dangereux.

Il est vrai que les pirates ne copient pour l’essentiel que les œuvres renommées. Donc qu’ils ne font perdre de l’argent qu’aux auteurs qui en gagnent déjà beaucoup. Mais n’oublions pas qu’une fois le partage non-marchand autorisé tous les contenus culturels seront soudain potentiellement gratuits, et rien ne prouve que beaucoup de gens continueront de les payer (alors ceux qui ne faisaient que survivre crèveront de faim).

Bien sûr on tentera de les éduquer. De leur faire comprendre que la création a besoin de financement. Restera à lutter contre le manque d’argent. Même les poches des lecteurs les plus vertueux se vident trop vite, parce que les revenus manquent pour tous dans une société qui s’automatise grâce aux algorithmes.

Dire oui à froid à la légalisation des algorithmes de copie, c’est dire oui à froid à des millions d’autres algorithmes, tout aussi suppresseurs de revenu. On y va doucement. On ajoute des caisses automatiques dans les supermarchés. Demain, il n’y aura plus de caissière nulle part. Dans les bars, des robots nous serviront. De la SF ? Non. La plupart des traders ont déjà été remplacés par des algos. Ce qui arrive aux auteurs n’est qu’un effet de bord de la révolution numérique. Vouloir le régler, lui, sans prendre en compte l’ensemble me paraît dangereux, et discriminatoire pour ceux qui n’ont pas su se défendre et se retrouvent déjà sans le sou.

On ne peut pas dire « oui » à l’algorithmisation de a société sans en même temps dire « oui » à un nouveau vivre ensemble. Je ne suis pas contre le progrès. Je suis pour les algos, je suis pour une société où le travail ne sera plus une nécessité, je suis aussi pour un monde harmonieux, un monde où chacun jouit de la vie dans des conditions plus qu’honorables.

On ne peut pas dire « oui » à légalisation du partage non-marchand sans proposer en face un autre modèle. Je ne vois aujourd’hui aucune idée aussi forte que le revenu de base. OK pour le partage, les caisses automatiques, les robots serveurs, les trains sans pilotes, les taxis autonomes… si nous touchons tous un revenu de base. Sinon, c’est le clash assuré.

PS : Je sais que Neil est aussi pour le revenu de base, mais on ne peut dissocier la question de la légalisation de son institution.