Oui, c’est un titre provocateur. Depuis des années, je clame le contraire. Simplement, je suis de plus en plus convaincu que le blog n’est pas propice à toutes les formes littéraires.
Le blog est une forme en lui-même, vouloir lui faire simuler d’autres formes est une aberration. Et en particulier, le blog n’est sans doute pas idéal pour le feuilleton.
Je ne prétends pas qu’on ne peut pas diffuser des histoires sur un blog. Lionel Dricot le fait très bien sur Ploum.net. Au-delà de son talent, il faudrait étudier en détail les raisons de son succès. Explicables selon moi à la nature de ses fictions. On y croise souvent des personnages qui nous regardent depuis le futur, et qui prennent les choses avec distance, et nous disent leurs quatre vérités. C’est un procédé de contre-plongée.
Chaque fois que j’ai essayé cette approche sur mon blog, j’ai rencontré les lecteurs. Parce qu’on attend d’un blog un rapport avec l’immédiat, avec l’expérience directe. Tout est alors possible, la poésie, l’introspection, le décalage… mais pas le romanesque pur et dur. Il faut produire un romanesque adapté au blog et non pas adapter le blog au romanesque.
Toute lente élaboration avant publication sur un blog me paraît déplacée. Je ressens souvent un malaise quand je parcours les blogs littéraires. Ça sonne faux. Ça fait « Je publie là faute de pouvoir publier ailleurs. » Justement, il existe des ailleurs sur le Net. J’ai trop longtemps pensé que le blog était bon à tout faire. Je suis maintenant sûr que non. Il a une identité forte.
En me lançant dans 1 minute, je croyais que mon blog serait l’espace naturel de ce projet. Je me suis trompé. Ce n’est pas parce que j’écris un chapitre tous les jours que je suis dans la temporalité du blog. Mon histoire autant que son élaboration se déroulent sur une autre rythme. Il ne s’agit pas de textes en rapport avec mon vécu immédiat. De ce fait, ça ne marche pas. Mon sens esthétique en est choqué.
Parce qu’on vient sur les blogs pour autre chose, on y a d’autres habitudes, d’autres attentes. Ils poussent les blogueurs sur une pente vers laquelle ne veut pas couler une histoire comme 1 minute. Y publier mes épisodes quotidiens ne me procure aucun des plaisirs propres au blogging. Il en va tout autrement sur Wattpad où ils trouvent leur place naturellement, dans un espace plus restrictif, mais parfaitement adapté aux feuilletons.
J’essaie d’exprimer un sentiment d’inadéquation entre des textes et l’endroit de leur diffusion. Vous ne partagerez peut-être pas mes conclusions, à coup sûr provisoires. Je les communique, ici même, et ça suffit à leur donner tout leur sens à mes yeux. Il ne me viendrait pas à l’idée de les publier sur Wattpad. Je cherche l’endroit de publication où ça résonne. Le blog n’est pas la panacée. Il est une réponse possible. S’y abandonner par automatisme, c’est en nier le potentiel littéraire.
Une anecdote pour terminer. Signe de mon malaise. Je ne supportais pas de voir mes minutes à la une sur ma page d’accueil. Elles envahissaient tout, elles enterraient les billets, j’avais l’impression qu’elles dénaturaient mon chez-moi, qu’elles le violaient. Je ne garde désormais que la dernière, pour vite la remplacer le lendemain. Je les poste encore pour vous les abonnés de mon fil RSS et de ma newsletter, par commodité, pour ne pas vous imposer Wattpad. Je suis à deux doigts de cesser, de laisser mes espaces numériques retrouver leur autonomie. Mon idée d’un seul chez soi était vaine sans doute. Je dois accepter les maisons de vacances, les hôtels et les locations saisonnières.