J’aime tomber sur un ami quand je ne m’y attends pas. J’aime me retrouver dans le métro en train de lire le même livre qu’un autre passager (avec les liseuses, difficile ce genre de rencontre). J’aime chercher une information et voir un blogueur publier un article sur le sujet. On appelle ça la synchronicité : arriver au même moment, au même point géographique, mental, intellectuel…
Il n’est pas rare que des scientifiques effectuent la même découverte simultanément, comme si un air du temps les poussait dans la même direction. J’aime sentir ce vent gonfler mes voiles. J’ai l’impression de vivre plus intensément, d’être connecté aux autres.
Le premier janvier 2015, après avoir publié sur mon blog le premier épisode de mon feuilleton 1 minute, je suis allé le crier sur Twitter. Là, je tombe sur Neil Jomunsi qui annonce qu’il teste Wattpad. Me voilà à l’imiter. Bien vite, 1 minute trouve sa place naturelle sur cette plateforme en même temps que des lecteurs qui jamais n’auraient croisé mon blog.
La viabilité de mon projet n’a tenu qu’à cette petite interaction avec Neil. Parce que c’est sur Wattpad que je trouve les encouragements nécessaires à la poursuite de l’aventure, et non sur mon blog.
Et puis le premier janvier 2015, il se passe encore autre chose d’étonnant pour moi. François Bon commence à publier le journal de 1925 de Lovecraft. Nous adoptons tous les deux la même fréquence de publication quotidienne, la même contrainte, une forme de discipline (j’ai longtemps tenté de lire la correspondance de Flaubert en me calant sur son rythme d’écriture, pour retrouver sa temporalité, pour mieux comprendre ses processus mentaux).
Avec François, nous avons une synchronicité de projet, de travail. Pourquoi avons-nous fait ce même choix en 2015 ? Sinon à cause de ce grand vent qui nous pousse. Cette synchronicité a même des côtés surprenants. Parce que, à la demande des XII Singes, je suis en train de préparer l’édition d’une campagne de jeu de rôle écrite en 1986/1987. Devinez quoi ? Mon histoire se passe en 1925 dans le monde de Lovecraft.
C’est alors que Frédéric Métaillé me souffle sur Twitter que deux photographes, Guillaume Blot et Vassili Feodoroff, publient tous les jours de 2015 une photo à 20:15. Étonnant, non ? Ma minute se passe à 21:45 !
Je leur fais signe. Ils me répondent en me pointant vers François Vivant, un autre photographe, qui lui publie tous les jours à 14:13. Oui, c’est bien de l’air du temps qu’il s’agit, de notre envie de nous donner des rendez-vous, de ritualiser nos pratiques, aussi parce que la technologie nous l’autorise.
C’est une belle leçon de vie. Une idée ne nous appartient pas vraiment. Elle surgit en nous comme en d’autres. Inutile de la cacher, de la cultiver jalousement. Quand on la libère, elle en rencontre d’autres et ça fait des étincelles.