On connaît le phénomène de l’obsolescence en librairie. Les nouveaux livres remplacent les anciens toujours plus vite en même temps que les éditeurs diffusent toujours plus de livres. Mais on pouvait s’attendre à ce que le Net nous épargne ce phénomène. Il n’en est rien, bien au contraire.
Sauf cas exceptionnel, un billet de blog recueille en quelques jours l’essentiel de son audience avant de gentiment somnoler. J’ai quelques contre-exemples dans ma collection, par exemple mes raisons de ne pas voter, qui à chaque scrutin voient quelques milliers de nouveaux lecteurs débouler via les réseaux sociaux et plus certainement via Google. Reste que l’obsolescence est mécaniquement encodée dans un monde où la quantité de textes s’accroît exponentiellement sans que l’attention du public suive ce mouvement (c’est impossible à moins d’une mutation).
La grande majorité des textes finissent donc aux oubliettes, recueillant péniblement quelques lecteurs supplémentaires au fil des mois et des années. Le Web n’a rien changé à ce phénomène, il l’a accentué, montrant ainsi une fois de plus sa propension à renforcer le capitalisme plutôt qu’à le contrer.
En 2015, en publiant One Minute sur Wattpad, j’ai cru découvrir une plateforme magique, capable d’empiler toujours plus de lecteurs sur les textes que nous y diffusons. Je suis bien obligé de constater qu’il n’en est rien. Depuis mai, le nombre de nouveaux lecteurs entrant dans One Minute n’a cessé de diminuer.
Deux hypothèses.
- La recommandation sociale fonctionne moins bien, le livre n’a pas réussi à étendre sa base de lecteurs.
- Wattpad code dans son algorithme l’obsolescence des textes.
Difficile de trancher. Mais quand j’observe le profil de la courbe, j’ai presque envie d’y voir une fonction mathématique. Wattpad à mon avis pousse sur la touche les textes un peu anciens au profit des nouveaux (sinon la courbe serait plus aléatoire).
En conséquence, si la plateforme est formidable au cours du processus créatif, elle paraît impuissante à recueillir une audience de fond. On ne peut lui en vouloir. Pour réussir ce tour de force, il faudrait que son audience augmente bien plus vite que le nombre de textes publiés (ce qui ne peut être le cas vu notre foisonnement créatif).
Dans quelques semaines, je retirerai donc One Minute de Wattpad (où plutôt, je me servirai de cette coquille pour orienter les rares nouveaux lecteurs vers la version éditée de One Minute). Pour les mêmes raisons, je procède dès aujourd’hui au retrait de la version blog de One Minute, d’autant qu’elle est moins à jour, moins corrigée. Quand le sort de ce texte sera décidé, il réapparaîtra dans une version finalisée, en epub, en papier, en application et pourquoi pas sur le Web.
L’art de l’écriture Web est pour moi lié au Send, au partage, à la fusion de l’acte créatif/acte de lecture. Maintenir en ligne un texte cristallisé ne me paraît pas vital, sauf à lui donner une forme plus stable et décantée, celle d’un objet physique ou immatériel totalement détaché de la base qui l’a vu naître. Cette cristallisation est en cours pour One Minute, la suite au prochain épisode.