Si nous voulons que le monde change, nous avons deux possibilités non exclusives : 1/ exiger que ceux au pouvoir agissent dans un sens qui nous séduit ou 2/ essayer à chaque seconde de nos vies de nous grandir.

J’ai depuis longtemps renoncé à la première approche qui elle-même peut se décliner en deux versions : 1A/ empêcher les gens au pouvoir d’aller dans une direction ou 1B/ voter pour ceux qui nous promettent d’aller dans une autre.

L’empêchement et la résistance sont souvent salutaires, tant les reculades politiques sont fréquentes pour la simple raison que les politiques aiment le pouvoir, qu’ils ont besoin de financements, de soutiens, et que ces soutiens ne sont jamais ceux de la majorité, mais de quelques privilégiés qui ne partagent pas avec elle ni les mêmes objectifs ni les mêmes intérêts.

Face à un pouvoir, le plus souvent, on ne peut que s’opposer. Malheureusement, cette opposition systématique ne nous fait guère avancer, sinon après des flambées de violence, éteintes par quelques concessions.

Cette méthode politique erratique, exigeant des mouvements de foule, implique la défense d’idées simples, de progrès pas-à-pas, mais chacun très espacé dans le temps, de telle façon qu’à l’échelle d’une vie il ne se passe pas grand-chose de mémorable.

Si je veux voir les choses changer vite, je dois donc les changer dans ma propre vie. Pour commencer, je dois débattre, lire, réfléchir, m’installer dans l’Histoire pour accroître ma conscience qui sinon me laisse comme un enfant entre les mains de quelques communicants politiques, prêts à me transformer en soldats.

Une fois ainsi dotés d’une conscience politique, une fois intelligents des valeurs à défendre et de celles à conquérir, nous pouvons tenter d’organiser notre vie en conséquence. Faute de ce travail, des gens continuent à travailler pour l’industrie de l’armement, pour les banques, pour les pollueurs en tout genre, pour des ONG qui dépensent tout leur argent pour leur administration…

Nous avons un réel pouvoir de changement pour peu que nous en prenions conscience, surtout pour peu que nous prenions conscience qu’il n’y a guère d’autres possibilités. Alors quand nous nous opposons à un gouvernement, nous ne pouvons jamais le faire sans proposer, parce que, par notre réflexion et nos actes au quotidien, nous savons vers où nous diriger. Quand nous nous contentons de dire non, nous nous opposons pour rien, nous avouons notre désarroi, notre fragilité, et nous nous condamnons à perdre la bataille, parce qu’en face les idées sont bien plus claires (et toute victoire n’est qu’illusoire et temporaire).

Nos combats doivent s’inscrire dans la maximisation de la liberté de tous et non de quelques-uns. Quand une partie de la population se bat simplement contre une réforme qui la concerne, elle agit égoïstement et non politiquement. Il existe toujours des combats supérieurs qui, en résolvant la crise passagère, la généralisent pour que sa solution devienne universelle.

Exemple : un gouvernement propose une réforme du droit du travail d’inspiration libérale, qui sert les patrons au détriment des salariés. Il faut s’y opposer parce qu’elle ne maximise pas la liberté de tous. Mais les salariés ou futurs salariés ne peuvent pas davantage se contenter de dire non, dans l’espoir de maintenir leur niveau de liberté, oubliant que beaucoup d’autres citoyens ne sont pas salariés. Il faut donc répondre par une proposition qui dépasse la problématique étriquée instiguée par le gouvernement. Dans ce cas, exiger le revenu de base inconditionnel me paraît évident, puisqu’il profiterait à tous, et en particulier aux salariés à qui la flexibilité ne ferait plus peur puisqu’ils auraient une garantie de sécurité, garantie qui leur donnerait un grand pouvoir par rapport aux patrons, sans pour autant que ceux-ci se trouvent excessivement contraints, bien au contraire.

En attendant, et depuis pas mal d’années maintenant, je m’efforce de vivre comme si les changements que je voulais voir dans le monde étaient déjà survenus. Quand j’écris Le geste qui sauve, je l’offre, comme si déjà je touchais un revenu de base. Plutôt que travailler pour des patrons et très bien gagner ma vie, j’ai réduit la voilure pour être indépendant et ignorer leur dictature.

Je sais que j’ai de la chance. Que l’usage de la liberté exige un long apprentissage, mais je vois des jeunes, des vieux, des riches et des pauvres faire les mêmes choix que moi et en être plus heureux. Il suffit d’avoir conscience en sa puissance politique et cesser de la déléguer à des imbéciles qui se moquent bien de notre bonheur, et encore moins de celui de la planète.

Parler de ces choses, c’est faire de la politique, peut-être bien plus radicalement qu’en descendant dans la rue. À force de parler et d’agir à mon échelle, j’ai vu autour de moi, et au loin sur le Net, des gens augmenter leur niveau de conscience et changer leur mode de vie. Notre façon d’agir opposée au glamour des flamboiements médiatiques n’en est pas moins de plus en plus largement partagée. Nous devons croire en notre pouvoir. Dieu n’existe pas. En politique, Dieu, c’est nous.

Passons au-delà du rideau de fer.
Passons au-delà du rideau de fer.