Dans la Déclaration des droits de l’homme de 1948, le mot « santé » n’apparaît qu’une fois, dans l’article 25, bien après le mot « liberté », mais surtout bien après le mot « propriété » sujet exclusif de l’article 17. Pourtant, il est fort à parier que si on vous demande de choisir entre vos propriétés et votre santé, vous choisirez la santé.
Article 3 Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Dans cet article, la déclaration affirme un droit à la vie, sans définir les conditions de cette vie, sinon en insistant sur la liberté et la sûreté, deux mots martelés par les politiciens de tout bord qui, souvent, invoquent la sûreté pour rogner sur la liberté.
Article 25 Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé…
Après l’affirmation réitérée des droits politiques, juridiques, religieux et économiques, la déclaration évoque finalement la santé, mais d’une manière assez particulière : la santé n’est pas reconnue comme un droit en soi, mais comme un objectif subséquent découlant d’un niveau de vie suffisant, c’est-à-dire que la santé est reconnue dépendante de l’économie.
Il me semble que le droit à la santé va de pair avec le droit à la liberté. Il devrait être inscrit tout en haut de la Déclaration des droits de l’homme.
Dans Le Geste qui Sauve, récit du combat de Didier Pittet pour l’hygiène des mains, j’ai écrit : « Pourquoi ne pas rêver ? Si je suis moins malade, je m’irrite moins et râle moins. Je m’imagine moins violent, et projette une société en meilleure santé où les citoyens le seraient également. Alors moins de crimes, moins de corruption, moins de guerres entre les nations ? Et un surplus de scolarisation, un surplus d’intelligence collective, avec en prime moins de crises ? »
Alors je songe à tous les médecins qui combattent pour la paix. Je pense bien sûr à Didier Pittet qui combat les maladies nosocomiales, mais aussi à Denis Mukwege qui secourt les femmes violées au Congo, à Paul Farmer qui soigne la tuberculose en Haïti. Ils ne méritent pas le prix Nobel de médecine, mais bien celui de la Paix.
Pour eux. l’article 1 de la Déclaration des droits de l’homme : « Tous les êtres humains […] doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » n’est réellement envisageable qu’à condition que nous soyons en bonne santé. Ils soignent les victimes de guerre, de viols, de massacres autant que les populations encore pacifiques dans l’espoir qu’elles ne plongent pas à leur tour dans la barbarie. En soignant les corps, ils travaillent à la dignité indispensable à la paix.
Je crois qu’il est important que leurs histoires soient racontées. La santé est un droit universel, sans doute le plus fondamental avec la liberté. Il ne doit pas être mis sous condition.
PS : J’ai initialement écrit cer article pour Didier Pittet qui a publié une version légèrement différente sur le Huffingthonpost.