Vous doutez de votre écriture ? Vous voulez savoir comment elle se positionne par rapport à celle d’écrivains que vous respectez ou voulez imiter ? Antidote peut vous servir d’analyste littéraire.
C’est en testant la nouvelle version du correcteur, en parcourant notamment ses fonctions statistiques, que j’ai eu l’idée d’une petite analyse stylistique de Résistants, mon prochain feuilleton dont la publication devrait débuter en avril. C’est un texte grand public à vocation éducative qui j’espère intéressera en particulier la catégorie « jeune adulte ».
J’ai toujours aimé parcourir les best-sellers de ce domaine, j’ai étudié leur style et je tente de m’adapter à leurs contraintes sans pour autant trahir mes exigences esthétiques. Mais rien de tel qu’une vue objective pour savoir où j’en suis. J’ai donc comparé la première ébauche de mon texte à quelques classiques de la catégorie, aussi à Soumission de Houellebecq, puis j’ai ajouté quelques autres de mes textes. J’ai rangé le tout dans un tableau qui me permet de tirer quelques enseignements.
Avant même un début d’analyse, une suggestion aux concepteurs d’Antidote : ils devraient ajouter une fonction d’exportation des statistiques en CSV. Il nous serait ainsi très facile de comparer nos textes à ceux d’autres auteurs (et Antidode pourrait même proposer une base de données de statistiques de quelques textes canoniques). Antidode devrait même offrir la possibilité d’importer des statistiques de références auxquelles nous comparer. D’autre part, afficher les résultats en valeur absolue n’a que peu d’intérêt. Il faut tout relativiser au nombre de mots ou de phrases (ce que je fais dans mon tableau, ainsi les textes sont réellement comparables indépendamment de leur longueur).
Charnières et longueur de phrase
Une des particularités de mon écriture : le refus ou du moins un usage modéré des charnières : les conjonctions de coordinations comme de subordinations ainsi que les relatives. La ligne verte du tableau démontre qu’en ce domaine je suis deux à trois plus économe que les autres auteurs, et jusqu’à cinq fois plus que Houellebecq. Cette particularité d’écriture se manifeste dans tous mes textes, quel que soit leur genre. Antidote m’aide à révéler cette uniformité, depuis longtemps travaillée avec méthode avant qu’elle ne me devienne naturelle.
Chez moi, les ponctuations remplacent souvent les « mais », « et », « que », « qui », « comme », « cependant », « en conséquence »… Je n’aime pas ces sonorités trop répandues, d’un usage trop immédiat, trop implicite. Si Houellebecq utilise une charnière dans une phrase sur deux, je me limite à une charnière toutes les dix phrases (si on ramène le nombre de charnières au décompte des mots, Houellebecq est plus économes que les auteurs young adult, et je le suis simplement deux fois plus que lui). En conséquence, mes phrases sont courtes, même très courtes (ligne bleue).
Des théoriciens prétendent que la longueur de phrase idéale serait entre 15 et 20 mots. Je suis très loin du compte, sauf pour Clitoria auquel j’ai voulu donner un style classique et plus ample que d’habitude (ce qui reste en partie possible sans trop augmenter l’usage des charnières).
Harry Potter paraît idéalement réglé à 15 mots par phrases. Les autres textes populaires se situent légèrement en dessous de la limite, sans doute parce que les phrases longues seraient plus difficiles. Je crois qu’il s’agit d’une légende. Houellebecq est particulièrement limpide tout en faisant exploser l’idéal théorique.
La longueur de phrase participe au rythme sans le déterminer. Je sais néanmoins que mon style mitraillé peut fatiguer. Je glisse de temps à autre des phrases plus amples pour introduire des respirations.
Reste que la mesure de la longueur de phrase est insuffisante pour décrire un style. Si on tronçonne les phrases en relatives et subordonnées, on obtient des sous-phrases, et c’est dans chacune d’elle que s’expriment les particularités d’un auteur, bien plus que dans son usage des charnières banalement standardisées. Les variations dans la longueur des sous-phrases sont alors bien moins marquées. Dans mes textes littéraires, je suis plus long que les auteurs populaires, plus proche de Houellebecq. Résistants est impeccablement situé sur ce point.
Houellebecq décortiqué
Les lignes orange et violettes du tableau mettent en évidence deux particularités de l’écriture de Houellebecq, du moins dans Soumission. Une utilisation abondante de la voix passive, pas étrangère à la passivité et au renoncement de ses personnages. Une prédilection pour les formules négatives, en accord avec le cynisme de la maison, mode que les autres auteurs, moi compris, utilisons avec modération.
Construire ce tableau m’a poussé à réduire les formes passives dans Résistants, à la manière des autres auteurs pour les jeunes que j’ai évalués. J’ai également chassé les mots rares pour leur substituer des mots moins précis, mais plus immédiats. Je n’ai aucun scrupule à cet exercice. Mon but est de vulgariser la résistance aux antibiotiques, et mon exigence littéraire n’est pas dans le mot, mais dans la structure, celle de mes phrases sans charnières, celle de mes chapitres pointillistes, qui participent eux-mêmes de la même esthétique. À cela, je ne peux renoncer, c’est ma façon d’être.
Les autres critères analysés ne me paraissent pas assez marquants pour être d’un réel enseignement. Cette mini étude reste à approfondir. Bien d’autres calculs seraient possibles si Antidote nous facilitait la vie avec une fonction d’exportation.