J’ai pris l’habitude d’ouvrir mon atelier et de m’adonner à la littérature comme happening, non pas que je craigne le travail solitaire (d’ailleurs très confortable), mais parce que l’ouverture me grise et altère ma pente naturelle, sachant que si je dérape, je peux toujours revenir à une méthode créatrice plus classique.

Alors j’essaie des textes, les retire, les réécris, recommence, et je partage cette expérience, le recommencement devenant le sujet d’un métatexte, une réflexion sur le texte lui-même et sa méthode de production.

Depuis début janvier, je travaille sur Résistants, où tout au moins sur ce que pourrait être Résistants, un roman d’orientation grand public qui a pour but de sensibiliser à la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques.

Résistants
Résistants

J’ai initialement publié quatre introductions différentes sur Wattpad, recueilli des remarques, jusqu’à décider de me lancer sur une cinquième voie, celle du roman nativement posté sur Instagram. Je croyais avoir trouvé la solution formelle et narrative : j’ai vite déchanté.

  1. Publication trop stressante parce qu’elle exige de créer une illustration tous les jours.
  2. Forme narrative de type long run (une seule histoire distribuée sur deux cents posts au minimum) de fait inadaptée à une lecture fragmentaire sur le Net. Quand il faut tout lire, c’est désormais vite problématique pour nous tous. À publier sur Instagram, il faut publier des textes autonomes et interconnectés. J’y reviendrais sans doute, mais avec un texte plus personnel, plus contemplatif.
  3. La fragmentarité/autonomie est également indipensable pour déclencher l’interactivité (sur Instagram, je faisais paradoxalement tout le contraire, parce qu’en 2 200 signes je ne pouvais boucler un fragment).
  4. Mon sujet nécessite que j’interagisse avec beaucoup de scientifiques, ce qui avec un long run aurait exigé pour eux de lire la totalité du texte, voire de suivre l’écriture en temps réel, ce que j’ai vite compris était irréaliste.
  5. Pour que les scientifiques puissent interagir, il fallait traduire en temps réel en anglais.
  6. Cerise sur le gâteau, cette cinquième tentative a été accueillie plus fraîchement que les précédentes par mes premiers lecteurs aussi bien que par quelques amis auteurs (ce qui est rédibitoire quand on a un objectif grand public).
  7. Je me suis un peu laissé dicter la forme par Wattpad (à quantité de texte équivalente, dix chapitres d’une page engendrent plus de lectures qu’un seul chapitre de dix pages — dix lecteurs dans le premier cas génèrent 100 vues contre 10 dans le second, cette audience donnant plus de visibilité, donc attirant plus de lecteurs et déclenchant plus d’interactions).

Il était impossible pour moi de continuer sans exploser et sans me prendre très vite le mur dans la figure. J’ai donc décidé de tout recommencer. Je reboote le projet sur Wattpad avec une sixième approche, très différente des précédentes.

Plutôt qu’un long run, j’adopte le format série TV, avec des épisodes liés dans une grande histoire, mais en partie indépendants, chacun développant une histoire dans l’histoire. Dans ces épisodes, j’inviterai assez souvent des scientifiques comme guest star.

Autre avantage, poster un long chapitre prend dix fois moins de temps que poster dix chapitres courts. Je profiterai du temps gagné pour utiliser la plateforme Scribay comme zone de bêta lecture.

J’envisage un modèle de publication à quatre étages :

  1. Premier jet sur Scribay.
  2. Deuxième jet sur Wattpad.
  3. Troisième jet par mail et dans un coin de mon blog, hors de mon flux RSS, de ma une et de ma newsletter habituelle.
  4. Un livre en fin de processus.

Cette nouvelle approche risque aussi d’être un échec. Je recommencerai alors encore une fois. Et je raconterai. Même si c’est douloureux, je n’envisage pas encore de jeter l’éponge.