Mon précédent MacBook Pro a trois ans (acheté en décembre 2013). J’ai l’habitude de changer de machine tous les trois ans, donc dès qu’Apple a présenté sa nouvelle machine, je l’ai commandée, même si l’annonce n’avait rien d’enthousiasmant sur le papier et même si les prix paraissaient prohibitifs.

Je passe mon temps sur mon ordi et j’aime avoir ce qui se fait de mieux sous les yeux. J’ai donc choisi un 13 pouces avec 500 Go de stockage, un processeur i5 cadencé à 3,1 GHz et bien sûr la fameuse Touch Bar avec un Touch Id tout en bout. Facture : 2319 €, je passe câbles et adaptateurs.

6 décembre

Je reçois mon nouveau MacBook Pro et le pose à côté de mon ancien modèle. Il est plus fin, plus petit, mais fermé il est a le même look, ce qui est frustrant. Je pourrais croire que je n’ai pas déboursé un bon paquet d’euros pour cette machine.

Reste que l’esthétique n’est pas ma raison d’avoir basculé de Windows à MacOS. Je l’ai fait parce qu’Apple fabrique depuis des années des portables silencieux avec des claviers et des écrans superbes, je l’ai fait aussi à cause d’un logiciel d’écriture, Ulysses, que je retrouve sur mon iPhone et mes iPad. La gamme Apple est très cohérente, c’est un grand plaisir de travailler avec ces trois produits sous des OS de plus en plus homogènes.

Je n’ai d’ailleurs aucune envie de revenir à Windows. J’ai acheté il y a deux semaines une XBox pour les enfants et j’ai constaté que chez Microsoft ils étaient toujours aussi bordéliques, toujours aussi odieux graphiquement. Ces gars ne comprendront jamais la sobriété, elle n’est pas dans leur ADN. Pourtant j’avoue que le Surface Book est très tentant.

Sans plus me prendre la tête, mon choix étant fait, je commence à configurer mon nouveau Mac. Première surprise, à l’usage, le clavier est tout simplement merdique. La course des touches est si courte que mes doigts rencontrent très vite un obstacle, ce qui m’irrite la pulpe, propageant des vibrations jusqu’aux ongles.

Il paraît qu’on finit par s’habituer à ce touché, sans doute en frappant moins fort (on s’habitue à tout, il paraît). J’ai quelques doutes. Les anciens claviers Apple étaient immédiatement agréables. C’était une des qualités premières des Mac. Avantage perdu.

Le plus surprenant, c’est le bruit des touches. Vraiment, c’est trop bruyant. Même si je travaille seul dans mon bureau, le cliquetis est insupportable pour mes propres oreilles. Ça mitraille.

Pourquoi ce clavier est-il merdique ? Parce qu’Apple veut des machines toujours plus fines, mais un véritable clavier ne saurait être fin.

Je tente d’écrire, de voir si les mots coulent avec plus de fluidité, non, ça va prendre du temps d’oublier l’ancien clavier (je dois perdre l’habitude de ce qui était agréable tout ça pour gagner quelques millimètres d’épaisseur, cherchez le bug).

7 décembre

Au deuxième jour, je ne vois toujours pas l’utilité de la Touch Bar, même si Ulysses vient de sortir une version compatible. Pire, elle me fait perdre du temps, car les rares touches de fonction que j’utilise régulièrement ne sont pas immédiatement visibles (je n’ai pas trouvé d’application de personnalisation, qui si elle n’existe pas encore ne saurait tarder). Donc, je dois cliquer, dérouler, perte de temps et encore perte de temps.

En prime, j’ai l’icône violacée de Siri sous les yeux à longueur de temps, alors que je n’utilise pas Siri et que je ne l’ai pas activé. J’ai ainsi la preuve que le Touch Bar est une innovation mal intégrée au MacOS, de toute évidence un pas vers l’écran tactile, après que Jonathan Ive ait clamé durant des années « Jamais sur Mac. ». A-t-il peur de se contredire et d’y aller franchement ?

Quand ma main se porte vers l’écran tactile de mon iPad Pro muni d’un clavier Apple (preuve qu’une machine tactile avec clavier, c’est envisageable même par Apple), elle change de plan, change de logique, alors que quand elle reste sur le plan du clavier, mon cerveau a du mal à intégrer la nécessité brutale de changer de gestuelle.

Passer sur une même surface de la frappe raide au touché caressant de l’écran tactile de la Touch Bar, c’est comme si dans le noir, j’avançais dans ma chambre et me heurtais soudain à quelque chose de mou et de gluant. Il me faudra longtemps pour m’accoutumer à cette étrangeté (je ne regarde pas mon clavier quand j’écris, je suis comme dans le noir).

J’ai tout simplement du mal à saisir la logique d’Apple. Quand on observe le clavier du Mac, allant de l’avant vers l’arrière, on a d’abord l’immense trackpad, génial, super sensible super agréable, d’une douceur sensuelle, puis on passe au clavier, sec, violent, avant de basculer sur la Touch Bar qui offre une troisième expérience sensitive, à nouveau toute en volupté. Ça fait beaucoup de zones érogènes pour une surface pas plus grande qu’une feuille A4.

Le trackpad exige que mes mains quittent le clavier. Je dois les reculer, ce qui suffit à me mettre dans un autre mode (tout cela sans que j’ai besoin de mes yeux). La Touch Bar ne me procure pas la même sensation, puisqu’elle est à bout de doigts, comme l’étaient les touches de fonction (et comme elle se redessine sans cesse, elle invoque systématiquement le regard). Pour moi, le clavier, c’est la zone du touché seul. Mes yeux, je les veux sur l’écran et pas ailleurs (voilà pourquoi un écran tactile est possible).

Je suis très sceptique sur cette Touch Bar, surtout en constatant que chez Ulysses il n’ont pas su quoi en faire, sinon à m’afficher des boutons vers les raccourcis clavier que je connais par cœur. Toutes ces icônes ont même tendance à me distraire plus qu’autre chose. Des gadgets qui n’ont rien à faire sur une machine affublée du sobriquet « Pro » (lorsqu’on écrit, la Touch Bar suggère des mots comme un téléphone, c’est ridicule, heureusement on peut désactiver cette fonction, en cherchant bien, car pas de paramétrage spécifique pour la Touch Bar).

Je me fais vieux, je deviens peut-être résistant au changement. La Touch Bar a au moins le mérite de m’avoir fait découvert un de mes tics. J’étais sur Chrome en train de lire un billet de blog. J’ai voulu cliquer sur un lien, mais ça ne marchait pas. Le curseur de la souris clignotait, puis le Mac s’est mis à émettre des borborygmes bizarres. En désespoir de cause, j’ai planté Chrome. Quelques minutes plus tard, le même problème se répète. Il me faut un bon moment pour comprendre son origine.

Quand je lis, ma main gauche repose sur le clavier, prête à intervenir, elle repose parfois assez haut, un doigt malencontreusement posé sur la Touch Bar, qui, elle, effarouchée, ne supporte pas le moindre effleurement.

J’avoue qu’avec un peu de pratique je devrais me faire au nouveau clavier et à la Touch Bar, reste que je suis loin d’avoir le béguin pour ma nouvelle machine, alors que j’étais littéralement tombé amoureux de mon ancien MacBook Pro.

8 décembre

Plus de doute, quand je travaille sur ce Mac, j’ai très vite mal à la tête. L’écran a quelque chose de différent de mon ancien modèle, même quand je les règle exactement de la même façon, en luminosité et définition. Le nouveau est très beau, mais pas pour mes yeux.

Je suis très sensible, je sais. Mais quand j’ouvre la même page sur les deux écrans, je ne peux m’empêcher d’éprouver un effet de flou autour des caractères affichés sur le nouveau, alors même que tous les chroniqueurs ont qualifié cet écran de magnifique.

J’ai peut-être une explication pour ce phénomène. Mes lunettes ont des verres progressifs. Il faut donc que j’abaisse d’une façon particulière ma tête pour être dans ma zone de confort sur écran, et cet écran est légèrement plus bas que sur l’ancien modèle, ce qui me force à ajuster ma posture. Pour le moment, je n’y ai pas réussi, peut-être parce que je travaille sur les deux machines côte à côte.

Autre chose de casse-pied, les connecteurs USB-C s’enfichent et se défichent avec difficulté. Est-ce qu’ils ont besoin d’un petit rodage avant de gagner en souplesse par rapport à des USB traditionnels ? En tout cas, la jonction est si solide qu’il est déconseillé de se prendre les pieds dans le câble d’alimentation (petit pincement au cœur, car j’aimais le MagSafe avec son aimant).

Quant à elles, les perfs ne sont pas ébouriffantes. Quand je lance Photoshop ou InDesign, ça va plus vite, mais pas de quoi changer ma vie. Je sens bien que ça tourne avec une grande fluidité, mais pas avec la vitesse attendue sur une machine trois ans plus récente.

Voilà que mes doigts ont à nouveau traîné sur la Touch Bar et que mon écran est parti en vrille alors même que j’écrivais (ce texte). J’ai même réussi à glisser dans l’opération ma feuille d’écriture Ulysses dans un dossier mystérieux, et il me faut un moment pour la retrouver. Un truc qui ne m’était jamais arrivé.


Il est 14 h. Je travaille sur la table de la cuisine. Le Mac est débranché depuis 1h30, tout au plus. Il me reste 4:15 d’autonomie. J’ai beau refaire l’addition, je suis loin d’arriver aux dix heures annoncées par Apple. Promis, je n’ai ni fait de jeu vidéo, ni de montage vidéo, je n’ai même pas regardé de vidéo, j’ai juste récupéré des données depuis mon NAS (et la machine est bien chaude). Je découvre plus tard dans la journée que beaucoup d’utilisateurs ont des problèmes de batterie. J’aurais peut-être dû déconnecter le Wifi pour arriver à dix heures !


Après avoir récupéré les enfants à l’école, je me recolle devant l’écran, mais ma migraine ophtalmique ne fait que décupler, alors même que depuis midi j’ai totalement basculé sur le nouveau Mac.

J’ai déjà connu ça il y a une quinzaine d’années avec un écran Dell qui m’explosait les yeux quels que soient les réglages. J’ai bien peur qu’il en soit ainsi avec ce MacBook Pro 2016. Je peux accepter ses autres défauts, j’aurais appris à vivre avec, mais si je continue à travailler sur cette machine je vais me faire du mal.

J’effectue donc une demande de retour. J’ai plus qu’à imprimer l’étiquette et passer à l’Apple Store (je dîne ce soir avec des amis à Montpellier, ça ne fera qu’un petit détour).

Bilan : pas impressionné par les perfs, même si la machine est plus rapide bien sûr, très sceptique sur la Touch Bar, le Touch Id pourquoi pas (même si parfois il ne réussit pas à faire sortir l’ordi du mode veille et qu’il soit encore nécessaire de saisir un mot de passe), le trackpad est superbe, la légèreté appréciable, même si quand je veux être léger je sors avec mon iPad Pro + clavier + stylet, j’en ai alors pour 0,5 kg (contre 1,3 kg pour le MacBook Pro 2016).

En conclusion, j’attendrai un an la prochaine génération, en espérant que le clavier et l’écran seront plus à mon goût.

9 décembre

Je termine cet article sur mon ancien Mac. Je sens des vestiges de la migraine ophtalmique de hier, mais mes yeux ne souffrent plus.

Je suis très embêté par cette affaire, totalement subjective, impossible à prouver. On va croire que je veux me payer Apple pour le plaisir. Mais non, j’ai deux iPad, un iPhone, trois Mac à la maison, et aucun problème avec les autres écrans. Est-ce parce que celui-ci est plus lumineux, qu’il m’envoie plus de rayonnements néfastes vers les yeux ?

J’aurais bientôt des lunettes avec un filtre anti-lumière bleue, peut-être cela suffira-t-il à me faire apprécier tout autrement le nouvel écran des MacBook Pro. J’espère.

Sur le fond, je questionne la stratégie d’Apple. Leur refus de l’écran tactile, de la machine transformable type Yoga ou Surface Book, est tout simplement incompréhensible, sauf à vouloir maintenir les gammes de produits bien séparées, tout ça pour nous faire payer toujours plus.

J’ai lu les réponses de Ive à ce sujet, vraiment pas convaincantes. Apple a du mal à se renouveler. Nous vivons encore sur l’héritage Steve Jobs. Ça ne pourra pas durer éternellement, surtout pour les utilisateurs Pro.

Au fait, j’ai toujours la pulpe des doigts innervés après mes deux journées passées sur le MacBook Pro 2016.