Lundi 1er, Monts sur Guesnes

Lundi 2, Balaruc

Nous avons retrouvé le bleu, les déjeuners sur la terrasse, les lunettes de soleil… Les contrastes climatiques n’en finiront jamais de me réjouir. Isa se moque de moi. Elle s’imagine répondre à des interviews longtemps après ma mort et dire : « Il parlait toujours du temps qu’il faisait. Il lui fallait sans cesse rappeler combien le Midi est paradisiaque. »

Mardi 3, Balaruc

Quand je vois un pêcheur sur sa barque, je crois toujours que c’est mon père.

Mercredi 4, Balaruc

J’attache beaucoup d’importance à dater mes notes de journal. Quand j’écris un texte long, cet ancrage dans le temps n’a aucune importance, mais dans le journal il marque l’écoulement de la pensée, il est le métronome de ma vie.


Je commence à réfléchir à un récit géolocalisé qui se déroulerait à Montpellier. Je lis l’histoire de la ville, je mets mon cerveau en marche pour que quelque chose émerge. Dans Wikipédia, je découvre que l’étang de Thau a été entièrement gelé durant l’hiver 1364. Inimaginable, même si mon père parlait sans cesse de la vague de froid de février 1956, qui a gelé la crique de l’Angle, qu’on pouvait traverser à pied. Par grand froid, j’ai déjà vu les rives prises, mais jamais toute l’étendue de la crique.

Vendredi 6, Balaruc

Toujours la lumière éblouissante de l’hiver.

Samedi 7, Balaruc

Hier, le soleil m’incite à la sieste. Au moment de m’endormir, j’ai une intuition pour ma géolecture. Quand j’étais jeune, j’avais le fantasme de m’asseoir quelque part pour lire, puis, au bout d’un moment, de lever la tête pour découvrir une femme sublime lire le même livre que moi. J’ai toujours ce désir de rencontrer des gens qui seraient au même moment que moi au même endroit avec les mêmes idées dans la tête.

Je pourrais travailler ce fantasme dans ma géolecture puisque je connaîtrai avec certitude la position du lecteur. Lui parler comme si je voulais qu’il m’aime puisque j’aurais déjà réussi à l’attirer dans des lieux que j’aime. Faire en sorte que le lecteur tombe amoureux de la voix qui lui parlera à travers son téléphone, et donc faire du téléphone lui-même une sorte de personnage ou d’objet transactionnel.

Samedi 7, Lattes

Pendant qu’Émile fait un stage de robotique, j’esquisse quelques lignes qui pourraient servir de prélude à ma géolecture. Une voix enregistrée parle au lecteur, que je dois éviter à tout prix de sexuer, plus difficile pour la voix elle-même, et si c’était la mienne, celle d’un écrivain voulant séduire son lecteur ?

Dimanche 8, Balaruc

Lundi 9, Montpellier

Onze heures, je me suis installé place Jean Jaures, où se trouvait au moyen-âge Notre-Dame-des-Tables, la première église de Montpellier, reconstruite un peu plus bas après sa destruction durant les guerres de religion.

Je suis en repérage pour ma géolecture. Avant de partir de la maison ce matin, je vois que François Bon a l’idée d’une narration qui reposerait sur des séquences à 360°. La semaine dernière avec ViaFabula qui développera la technologie de ma géolecture, nous avons aussi évoqué les séquences à 360°, pour que les lecteurs qui ne viendront pas à Montpellier puissent s’immerger dans les lieux de lecture. Je suis toujours émerveillé par nos synchronicités esthétiques.

Une chose me chagrine. J’ai eu l’idée de la géolecture sans réellement avoir une idée d’histoire, tout est ouvert. Il m’arrive souvent de lire des textes écrits sans nécessité, écrits parce que les mots sont en stocks. Je n’ai pas envie d’écrire parce qu’on me payera pour le faire, il faut que quelque chose émerge, qu’un propos s’impose.

Je suis passé chez Sauramps à la recherche d’un livre sur l’histoire de Montpellier. Le seul digne de ce nom est épuisé comme je l’avais constaté sur Internet. En quelques requêtes, je m’étais mis au niveau du libraire. Profession en sursis si elle ne se réinvente pas, je ne sais pas trop comment d’ailleurs, peut-être en diffusant des œuvres qu’on ne trouve pas ailleurs : des livres épuisés, des tirages rares, des expérimentations non commercialisées par les géants du Net…

Je change de table à cause de trois étudiantes qui fument, et même pas envie de leur expliquer que c’est une habitude ridicule, et je me retrouve près de deux joggers qui parlent régimes sans lactose. Terrain familier pour moi, presque trop familier pour que j’aie envie de me joindre à leur conversation.

Si ma géolecture fonctionne, j’attirerai des lecteurs dans des lieux bien précis. Qu’est-ce que j’aurais envie de leur dire qui aurait moins de sens s’ils me lisaient ailleurs ? C’est toute la question. Les conduire en des endroits qui résonnent pour moi, leur faire ressentir cette vibration et profiter de son onde porteuse pour transmettre quelque chose qui sinon serait de l’ordre de l’indicible.

J’aurais moins de mal sur Sète, ou autour de l’étang de Thau, parce que je suis pénétré depuis l’enfance par leurs lumières. Montpellier reste une ville étrangère, même si j’y ai étudié, même si j’y viens tout le temps. Ce n’est pas une ville d’aventure pour moi. Elle ne m’a jamais inspiré.


Je me promène, mais il fait un froid guère propice à la rêverie. J’atterris au café de la Mer après une boucle qui ne me révèle rien que je ne connaisse déjà. Et je ne cesse me dire que Montpellier n’est pas le lieu. Si je veux me faire aimer d’un lecteur imaginaire, il faut que j’écrive sur un lieu chargé pour moi d’imaginaire, sinon j’en serai réduit à écrire une simple fiction, ce dont je n’ai aucune envie après mon année passée à batailler sur Résistants.

J’ai néanmoins acheté un livre chez Sauramps, une histoire secrète de Montpellier. Je lis quelques pages qui paraissent copiées de la fiche Wikipedia sur Montpellier, à moins que ce ne soit le contraire. J’ai quelques doutes, tant le niveau de langage est identique. Et déjà l’impression qu’il en sera ainsi de page en page, parce que dès le début rien ne se détache sinon le besoin d’écrire un livre pour gagner un peu d’argent. Pour rien au monde tomber sans ce piège.

Je pourrais lancer un appel sur le Net, que les gens me montrent des lieux, me révèlent des histoires… J’en suis à l’étape du conditionnement mental, la plus douloureuse quand tout est possible et que tout paraît d’autant plus impossible.

Musique à la con dans ce café, dont je n’arrive pas à faire abstraction, le garçon qui laisse la porte ouverte pour faciliter ses allers-retours avec la terrasse, et je me caille, alors je pars à la recherche d’un autre lieu. Peut-être le Musée languedocien où je ne suis jamais allé.


Musée fermé, je m’assois au soleil sur un des bancs de l’esplanade, où il fait meilleur qu’à l’intérieur des cafés montpelliérains inconfortables. La géolecture est climatique, et devoir écrire l’histoire en janvier n’est sans doute pas idéal.

Je suis assis sur un banc où quand j’étais encore lycéen je retrouvais une copine les mercredis après-midi. Le souvenir me revient par un effet du lieu sur ma mémoire. Elle s’appelait Isabelle, comme mon Isa d’aujourd’hui, pas si étonnant tant ce prénom a été distribué à tour de bras. Nous connaissons tous des dizaines d’Isabelle nées durant les années 1960 et 1970, un virus mimétique a frappé la génération de nos parents.

Lundi 9, Balaruc

Apple fête les dix ans de l’iPhone. J’ai l’impression que nous avons des smartphones depuis des siècles, tant ils ont profondément affecté nos comportements. Mes fils ont du mal à imaginer que nous n’avons pas toujours vécu avec ces gadgets qui ont leur âge.

Mardi 10, Balaruc

Je réécris et réécris ce qui pourrait être l’introduction de la géolecture, à la recherche du ton, de la forme, de la magie qui me permettra de dérouler la suite de ce texte. Et alors que j’évoque l’influence d’un lieu sur la lecture, je repense Cosey, qui au dos de ses BD propose une bande-son à écouter lors de la lecture.

Mercredi 11, Balaruc

Hier, Narvic me parle La voix humaine de Cocteau, une pièce où une actrice seule sur scène discute au téléphone. Je tombe très vite sur l’article Le Téléphone au théâtre, qui montre que le téléphone entre en France au théâtre presque immédiatement après son introduction commerciale en 1879.

Alors ma géolecture doit-elle tenir du roman ou du théâtre ? Si le texte doit être lu par un acteur, il ne peut être le même que s’il doit être lu par le lecteur.

Je ne me suis jamais essayé au théâtre, parce que souvent les pièces m’ennuient. Mais là il ne s’agit pas vraiment de théâtre, plutôt d’une sorte de livre audio.

Mercredi 11, Montpellier

Je suis contracté, tendu, et loin de la sérénité qui me serait nécessaire pour me projeter dans ma géolecture. La traduction de One Minute s’est mal passée. Ça me prenait trop de temps, le texte anglais divergeait trop du mien, le contredisait souvent, ce qui me forçait à m’expliquer sans cesse, souvent sans effet. J’ai très vite senti que je ne teindrai pas le choc tout au long de l’année. Heureusement que la traduction de Résistants se déroule pour le mieux, d’où l’intérêt de travailler avec des professionnels plutôt qu’avec des amis. Et c’est justement à cause de l’amitié que je ne suis pas bien, parce que je n’ai pas su gérer, pas su expliquer… mais je n’ai jamais été pédagogue, même avec mes enfants ça coince souvent. Je ne vais pas me changer, je connais mes seuils d’incompétence… et maintenant j’anticipe très tôt les catastrophes, sans réussir à les éviter tout à fait.

Jeudi 12, Balaruc

Journée contrastée. Énervement au départ des enfants à l’école, puis ça piétine sur la géolecture, et puis une idée d’Isa me débloque et le projet prend forme, et je me sens soudain léger. Mais je passe le début d’après-midi sur le site UPS à tenter d’envoyer un canapé IKEA à un cousin, un cadeau acheté une semaine plus tôt, avant de voir que ça me coûte plus cher que le contenu lui-même et plus cher que de le faire directement envoyer par IKEA (ce qui est hors de prix et qui explique pourquoi je voulais passer par UPS).

Je suis dans un état lamentable, je n’ai même pas attaqué les bricolages qui étaient au programme. Je file à Sète récupérer les enfants, je reviens avec un ciel merveilleux, puis je pars courir pour me calmer, je tiens les 12 km/h de moyenne et ma montre m’annonce un nouveau record de VO2max. Une douche et je saute dans la voiture, direction Monptellier. Passage par IKEA ramener le canapé où la réceptionniste me jure que je l’ai ouvert…

Il y a des jours où c’est compliqué, des jours de fatigue. Je m’en vais rejoindre des amis au resto. Quand je dévale dans le parking souterrain, j’oublie que je suis avec la Kangou, la galerie fait valdinguer le panneau hauteur limitée, mais trop tard, je m’engage dans le tunnel. L’antenne racle contre le plafond et bing, bing, elle cogne contre chacun des néons. Je vais jusqu’au bout du parking, pas de place, et je reviens vers l’entrée, et bing, bing, à la sortie, la machine me dit que je dois payer, ça m’énerve, et ma CB est refusée en prime, faut cinq bonnes minutes pour que quelqu’un réponde à l’interphone et me libère.

Vendredi 13, Balaruc

Je suis béat devant mes photos de coucher de soleil prises hier. Un souvenir remonte peu à peu. Quand j’étais ado, je dormais face à un trompe-l’œil montrant des palmiers au coucher de soleil, avec des noirs profonds, un embrassement orange. J’ai été en quelque sorte programmé pour aimer ce moment de la journée.


Barbara Murray remarque que le nom Resistants n’existe pas en anglais, c’est un adjectif, donc pas de « s » terminal. Je suis encore en train de digérer cette news.


Il semble que Resistant soit parfois utilisé en anglais en tant que nom, mais n’est pas d’un usage très courant.

Samedi 14, Balaruc

Imaginer un personnage qui souffre de synesthésie, qui transforme ce qu’il entend, ce qu’il sent, ce qu’il touche en couleurs et images.


Dans NewScientist, il est toujours question de spéculations physiques, d’expériences prometteuses, dont on n’entend jamais plus parler parce qu’elles ne donnent pas les résultats escomptés. De fait, on est souvent dans la SF.

Dimanche 15, Balaruc

Je me disperse, j’écris des billets politiques sur le blog, parce que j’ai peur, parce que je vois les meilleures idées dévoyées ou transformées en idéologie que personne ne veut remettre en cause. Alors je le dis, pour me dire que je l’aurais dit, et je me moque au passage de me brouiller avec mes amis, ils ne peuvent pas l’être s’ils refusent mon questionnement.


Line Fromental m’apprend la mort soudaine de mon ami Jacques Bruyère, ancien journaliste du Midi Libre, avec lequel je mangeais jeudi soir. Il était assis en face de moi. Il avait commandé un pot au feu. Je le revois, avec ses doigts rassemblés bout à bout, mimer « Miam miam » et dire en même temps « C’est excellent » de sa voix chantante et bougonne. Nous avons parlé de Montpellier, il m’a conseillé des lieux pour ma géolecture. Quelle absurdité ! Parfois je me demande pourquoi nous acceptons de jouer ? Peut-être parce que nous ne sommes pas seuls, nous le faisons pour les autres, pour leur donner du courage et de la joie. Pour nous-mêmes, vraiment, ça ne compte pas. Avec Jacques s’en va un peu d’amour, je sais qu’il m’aimait beaucoup, surtout pour mon habitude de donner des coups de pied dans la fourmilière, avec lui un peu d’énergie qui nous connecte s’est effacée. Ce n’est pas simple cette affaire. Après cette nouvelle, je n’ai rien trouvé de mieux à faire qu’à jardiner. Isa m’a signalé qu’on avait un problème d’égout. Nous avons dû les déboucher au Kärcher. Vraiment, c’est absurde.

Lundi 16, Balaruc

Lundi 16, Montpellier

Repérage photo pour ma géolecture. J’explore les marges de Montpellier, suivant le Lez en direction de la mer. C’est là que je veux perdre mon lecteur pour l’assassiner virtuellement. Le lieu où les eaux qui ont traversé la ville se jettent, et avec elle toutes les mauvaises humeurs en même temps que toutes les extases.

J’aime cet endroit presque sous l’autoroute, avec deux plans inclinés de béton couvert de tags, l’un avec un lapin bleu aux yeux hallucinés. Le bruit de l’eau et du trafic se mêlent et inventent un silence artificiel, un monde de bruit blanc. Je me sens là mieux qu’au cœur de la ville, peut-être parce qu’ici je suis seul et n’ai pas l’impression d’être attiré là par une alléchante publicité.

Je suis passé par l’hôtel de ville construit par Nouvel. C’est une belle chose toute en reflets, avec des jardins, un rien sauvages. Un bâtiment qui ne renie pas la campagne, il s’intègre dans la ville d’aujourd’hui, pensée pour les esprits d’aujourd’hui. Un air de Canary Warf à Londres. Un endroit où je me suis toujours senti bien, peut-être parce qu’il a été pensé et construit par mes contemporains, des gens comme moi, avec les mêmes idées que moi.

Je me suis assis à même le béton, le dos sur le plan incliné froid, le soleil me chauffe, j’ai prévu de remonter peu à peu vers le centre-ville, vers le point où commence mon histoire. Et sur ce trajet, je dois repérer les lieux où j’aurai envie d’amener le lecteur.

Un black dévale le plan incliné, il me regarde surpris, continue son chemin au-dessus du barrage et rejoint l’autre rive où, de temps à autre, passe un jogger ou un cycliste. Plus loin, tout droit, c’est la mer, alors envie de pousser jusque là-bas, pourquoi ne pas y envoyer le lecteur, jusqu’à la plage, jusqu’à l’horizon ?

Mardi 17, Balaruc

Nous avons reçu hier un courrier administratif… écrit sans le moindre respect, avec un dédain manifeste, une haine évidente… tout ça parce que nous avions oublié d’envoyer une déclaration. Dans quel monde vivons-nous ? Pourquoi nous faisons-nous autant de mal ? Un simple rappel aimable et bienveillant aurait eu le même effet que cette missive qui fait remonter toutes les puanteurs de notre société.

Mercredi 18, Balaruc

Ce n’était pas prévu, j’enchaîne les billets sur la liberté et le libre. Ils touchent à des points noirs que je n’avais jamais perçus, et des gens me tombent dessus, non pour s’attaquer au cœur de mon propos, mais pour corriger la périphérie nécessairement imprécise d’une pensée qui se donne en même temps qu’elle se fait. Sur le fond, rien, comme si je jetais des pierres dans un lieu de silence.

Jeudi 19, Balaruc

Nous ne dormons pas à la maison à cause du tournage de Candice Renoir, et je me réveille sans cesse, persuadé qu’il est l’heure de se lever. J’aime avoir une horloge lumineuse dans ma chambre, sinon je ne fais qu’anticiper la sonnerie du réveil. Je suis sans doute trop ponctuel, trop attaché à respecter les règles (même si je passe ma vie à les dénoncer).

Vendredi 20, Balaruc

Coup dur. Martin Blaser refuse d’être dans Résistants, sans bonne raison, sans doute parce ce livre n’est pas tout à son honneur. Les histoires d’ego ralentissent l’humanité quand elles ne la font pas reculer. Stress, me faut réécrire, trouver quelqu’un d’autre pour le remplacer. Quelle idée d’avoir voulu une fiction avec des personnages réels.

Samedi 21, Balaruc

Après mes douze bornes sur la plage, je me remets à l’organisation du voyage en Islande pour cet été. Tous les hôtels sont pris !

Dimanche 22, Balaruc

En réservant jour par jour, j’arrive à trouver des points de chute en Islande, le circuit s’organise peu à peu, mais cette histoire combinée au lâchage de Blaser m’a mis sur les charbons ardents.

Lundi 23, Balaruc

Je lis le journal de Philippe Castelneau dans ma boîte mail et j’en éprouve une sorte d’intimité, comme s’il s’agissait d’un message rien que pour moi. Les textes de Philippe ne me font pas le même effet quand je les pêche sur son blog ou avec mon agrégateur de flux. Je suis même certain que si je lisais son journal sur le Web, je ressentirais autre chose, malgré la similitude du contenu. Sur le Web, c’est pour tout le monde. Dans ma BAL, c’est pour moi, rien que pour moi, bien plus fort que dans un livre, aussi fort que si Philippe avait écrit à la main. Ça me donne à réfléchir pour mon journal, que je publie sur le Web, mais que la plupart des lecteurs lisent dans leur boîte mail. Creuser cette pseudo intimité littéraire qui transforme l’écriture en performance.


Un peu écœuré par l’organisation du voyage en Islande, impression d’être pris pour une carte de crédit. À l’avenir, penser autrement les vacances, créer des liens, échanger… mais on repousse toujours le moment et on finit par consommer bêtement.

Mardi 24, Balaruc

Jeudi 26, Balaruc

Second rhume en deux semaines, peut-être parce les finitions de Résistants n’en finissent pas. Je récolte les commentaires des scientifiques non francophones, ajuste la version française, qui doit à nouveau être traduite. Ce n’est plus de l’écriture depuis longtemps cette affaire.

Vendredi 27, Balaruc

Hier soir, François Bon publie un beau billet sur l’exploration du monde à travers Google Earth et Google Street View, où il évoque l’envoûtant travail d’Olivier Hodasava. Quand j’écris des romans, je passe souvent du temps à explorer les lieux de mes scènes. J’ai commencé en 2008 quand j’écrivais La quatrième théorie, c’est devenu une habitude, mais je ne me livre à cet exercice que parce que je n’ai pas les moyens de me rendre sur place. Je n’imagine pas de traîner sur le Web juste pour me balader, je préfère encore sortir et envoyer en enfer mes écrans.

Dimanche 29, Balaruc

La VF de Résistants envoyée en corrections finales. Je ne suis pas encore tout à fait débarrassé de ce roman. Je me demande quand je serai capable de passer à autre chose. Quel sens de travailler autant pour en toute probabilité ne pas avoir de lecteurs ?

Lundi 30, Balaruc

Je ne devrais écrire que ce qui m’arrive. L’imagination nous trahit plus que la mémoire.


Je repense aux balades photographiques sur Google Earth évoquées par François. J’avais promis à une revue de refaire sur Google Street View le célèbre dépliant Every building on the Sunset Strip d’Edward Ruscha, et je ne l’ai pas fait.

Une autre idée surgit : faire une balade sur Google puis aller sur les lieux pour refaire la balade, et montrer ce que l’écran m’avait caché… dans le but peut-être illusoire de prouver que le réel est supérieur au virtuel.

Je sais au moins une chose : je suis plus heureux quand je ma balade sur mes jambes que quand je reste devant mon ordi.


Après la note précédente, je fais des recherches sur Ruscha et Street View, et j’essaie même de monter la première page de son dépliant. Quelle aliénation de passer des heures à capturer des images. Hans Gremmen aurait mieux fait de fixer une GoPro sur sa voiture plutôt que de copier-coller durant deux ans les paysages du trajet Chicago-LA. Un développeur aurait même pu faire ça automatiquement. C’est risible, et déprimant.

Mardi 31, Balaruc

Comme j’ai mal aux genoux, pas de footing. Je vais faire du vélo et j’en reviens avec encore plus mal aux genoux. Vieillir, tout simplement.