Rangez votre utopie : le revenu universel ça ne peut pas marcher. Mais qui a déclaré ça ? L’OCDE, sigle qu’il est alors bon de détailler : Organisation de coopération et de développement économiques dont, dixit Wikipedia, les pays membres — des pays développés pour la plupart — ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché.
Comment dire ? Rien ne vous choque ? Imaginez un autre contexte : un dictateur qui affirme que la liberté est nocive pour la santé publique ou un industriel gros pollueur qui nie le réchauffement climatique. Vous seriez révoltés, non ?
Voilà qu’il faudrait l’être tout autant avec cette affirmation de l’OCDE, inféodée à l’économie de marché, et qui donc ne peut concevoir le moindre questionnement au sujet des rouages de cette économie. Il est encore moins étonnant que la presse économique, elle-même dépendante de l’économie de marché, reprenne la nouvelle (et j’avoue que je n’ai pas lu tous les articles ni plongé dans le document de l’OCDE, tant tout cela est simplement choquant).
Dans La Tribune, on conclut que la volonté de Benoît Hamon de proposer un revenu universel durant la Présidentielle 2017 était donc ridicule, oubliant de faire remarquer qu’un des grands défenseurs du dit revenu universel, Stan Jourdan, ex-président du mouvement français pour le revenu de base, a déclaré qu’il n’avait pas voté pour Hamon. Étrange, non ? Parce que quand on soutient depuis des années une idée, on devrait soutenir les politiciens qui enfin la défendent… Sauf que Hamon n’a jamais fait que proposer une variante guère crédible du revenu universel, celle justement à laquelle s’attaque l’OCDE, celle qui consiste à financer le revenu universel selon une approche « communiste », celle qui bien sûr ne peut pas marcher et à laquelle il faut s’opposer.
Mais il existe une autre voie, bien plus prometteuse, bien plus solidement étayée théoriquement par Stéphane Laborde et d’autres, celle d’un revenu universel financé par la création monétaire. De cette approche, l’OCDE ne veut pas parler, parce que son économie de marché fonctionne en grande partie sur ce principe, les banques privées avec l’aval des banques centrales créant l’argent qu’elles distribuent allègrement sous forme de crédits.
Le revenu de base pourrait donc être financé par cette création monétaire, qui plutôt que de ne profiter qu’aux banquiers, profiterait à nous tous. Résulat : on ne prendrait pas l’argent dans les poches de tous les citoyens, sous forme d’une énième taxe, mais on déposséderait les banquiers de leur privilège de création monétaire. Notez qu’on n’est pas très loin de la métaphore du dictateur qui s’indigne de la liberté.
Depuis dix ans, je défends le revenu universel et je le critique aussi. Comme je ne suis pas du tout sûr qu’il fonctionne, j’ai répété que nous devions expérimenter, à petite échelle (objectif de Duniter). Mais je trouve juste terrible qu’on cherche à nous prendre pour des cons, en utilisant des institutions prestigieuses pour caution. La méthode me fiche la trouille. C’est une propagande digne d’une dictature. Parce que je suppose que beaucoup de gens avalent ces salades.
Reste que le privilège des banquiers de créer monnaie est tout aussi intolérable que les privilèges qu’avaient jadis les esclavagistes ou les nobles. Il faudra bien qu’un jour nous nous attaquions collectivement à ce problème. Le revenu universel pourrait être une solution. Mais la solution éventuelle ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif : combattre les inégalités.
PS : Dès le début, il était clair que Hamon pouvait faire beaucoup de mal au revenu de base, en proposant de le financer d’une manière obsolète. Voilà qui se vérifie.