Robert Penn

Livre - Il n’y a que le vélo dans la vie

Depuis que j’ai le virus de Born to Bike, je passe mes soirées à regarder des vidéos de vélo, à lire des articles sur le vélo et aussi des livres. It’s All About the Bike: The Pursuit of Happiness On Two Wheels du Britannique Robert Penn est un coup de cœur.

Sortie en 2011, ce livre n’a pas été traduit en français, je vais donc vous le résumer. Le titre d’abord, déjà utilisé par Sean Yates, est un clin d’œil au best-seller de Lance Armstrong : It’s Not About The Bike: My Journey Back to Life, qui a été traduit en Il n’y a pas que le vélo dans la vie. Le livre de Robert Penn pourrait donc titrer en français : Il n’y a que le vélo dans la vie (ce qui serait inapproprié, Rob ayant beaucoup d’autres passions — le pain notamment, un autre point commun avec moi).

Dans la vidéo de présentation de son livre, Rob déclare : « Je fais du vélo pour aller au travail, je fais du vélo pour travailler, je fais du vélo pour rester en forme, je fais du vélo pour faire mes courses, je fais du vélo pour ne pas devenir fou, je fais du vélo pour voir mes garçons sourire… » Dans une autre vidéo, il ajoute : « Je fais du vélo pour prendre l’air et le soleil, je fais du vélo pour échapper au monde quand il me casse les couilles, je fais du vélo pour être avec mes amis, je fais du vélo pour vivre des moments de grâce, je fais du vélo pour le fun… »

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Alors, même si Rob possède déjà plusieurs vélos, il décide d’acheter le vélo parfait, celui qui lui conviendra le mieux, un vélo construit sur mesure équipé d’accessoires conçus pour durer. Le voilà parti dans un tour du monde, un énième tour du monde en fait, car Rob a déjà fait le tour du monde à vélo, et même plusieurs fois, quittant au milieu des années 1990 son boulot d’avocat dans la City pour prendre la route. Pour construire son vélo de rêve, il visite les artisans et les industriels prestigieux, nous raconte leur histoire et en même temps l’histoire du vélo. C’est passionnant.

It’s All About the Bike
It’s All About the Bike

Le cadre en acier sera fabriqué à Stoke-on-Trent par Brian Rourke (en acier parce que c’est solide, que le cadre est fin et réparable simplement).

Le jeu de direction sera un Chris King, acheté à Portand, Oregon, la capitale américaine du vélo.

Le guidon, la potence et la fourche seront italiens, achetés à Milan chez Cinelli.

Le groupe sera aussi italien, un Campagnolo, acheté à Vicenza.

Les moyeux seront anglais, des Royce fabriqués par Cliff Polton dans le Hampshire.

Les roues seront assemblées à Fairfax, Marin County, Californie, la ville de naissance du VTT, par Steve Gravy (Rob en profitera pour descendre la mythique Repack en compagnie de Charlie Kelly et Joe Breeze, les inventeurs du VTT). Les gentes seront des DT Swiss et les rayons des Sapim.

Les pneus seront allemands, des Continental Grand Prix 4000s achetés directement à l’usine Continental qui fabrique des pneus pour vélo depuis 1892.

La selle sera une anglaise de Birmingham, une Brooks B17, un modèle conçu en 1898.

Finalement, Rob dépensera 3500 £ pour son vélo (4200 $ au cours de 2010), le prix d’un bon vélo tout carbone fragile et peu durable.

Après avoir lu le bouquin de Ron, je ne verrai plus les vélos de la même façon. Ils s’inscrivent dorénavant dans une histoire, comme les romans, les peintures, les musiques. J’avais tendance à les prendre tels qu’ils étaient, un produit technologique, je n’avais pas idée qu’en quelques années à la fin du XIXe siècle la forme du vélo s’était mise en place pour ne plus guère varier (le double triangle ou forme en diamant), je ne savais pas à quel point le poids des roues était critique (et que les roues étaient l’élément qui impactait le plus les performances), je n’avais pas idée que le vélo s’était propagé à la planète à une vitesse extraordinaire, au moins aussi vite qu’Internet.

Rob écrit qu’il aime le mot français « vélo » parce que le « vvv » vibre sur ses lèvres, sans doute avec le bruit cyclique des roues qui grattent l’asphalte. Ce « vvv » m’a fait penser au « www ». Vélo et Web, deux technologies qui augmentent nos libertés comme aucune autre avant elles, qui émergent à un siècle de distance et se développent avec la même célérité. Et le vélo, qui, un temps démodé, redevient à la mode alors que Web se développe, qu’il nous attache aux écrans dont nous avons besoin de prendre nos distances.

J’ai évoqué la fusion du cycliste et du territoire. Rob décrit sa première expérience avec son nouveau vélo : « Le vélo, la route et le cycliste faisaient un. La mer éblouissait. Le soleil brillait. Tout était Zen. » Plus loin il écrit que le vélo est « sa fenêtre sur le monde, le vélo plus rapide que la marche, plus lent que le train, plus haut qu’une voiture, plus bas qu’un avion. » Ces envolées poétiques disent notre plaisir à pédaler, notre plaisir à changer de rythme, notre plaisir à découvrir le monde à une vitesse qui le fait pour nous raisonner mieux qu’à toute autre.

Rob me donne envie d’aimer mon matos, d’apprendre à démonter et remonter mes vélos, jusqu’à tresser et détresser les rayons de mes roues. Il me donne aussi une belle leçon d’écriture, sa quête de l’équipement parfait servant de magnifique fil rouge à sa narration. Après avoir dévoré le chapitre sur le cadre, j’ai eu envie d’en apprendre autant sur tous les éléments du vélo. Je n’ai pas lâché le bouquin. Un bouquin sur le vélo certes, mais aussi sur notre génie technique et esthétique, un bouquin d’art de vivre.

J’espère qu’il sera un jour traduit en Français, la France qui a joué un si grand rôle dans l’histoire du vélo et qui tient toujours sa place avec ses courses, ses champions et ses innombrables cyclistes.

Vous pouvez suivre Rob sur Twitter ou Facebook. Son site : robpenn.net. Voilà un gars Born to Bike, un gars avec qui j’aimerais rouler.