Samedi 1er, Balaruc
Dimanche 2, TGV pour Genève
Je commets l’erreur de me laisser affecter par un mail adressé à un de mes groupes de vététistes de mon village. Je réponds calmement, puis après une réponse malhonnête du gestionnaire du groupe, je lui renvoie un message privé ni utile ni sympathique, et de privé il devient public. Puis un gars que je croyais un ami s’en prend à moi avec des mots dépassant toute raison où il m’accuse de faire ce que lui-même est en train de faire, allant jusqu’à me maudire et souhaiter que je termine ma vie dans la solitude. L’écrit est dangereux, mais aussi un révélateur de la nature humaine. Il m’est désagréable de voir les gens les plus modérés se radicaliser. Cette dissolution de l’humanisme me fait plus mal que de perdre un ami qui d’évidence ne l’était pas.
Lundi 3, Genève
Je débarque aux HUG en pleine crise coronavirus. On a passé les 17 000 infections reconnues en Chine, avec une mortalité de 2 %. À Hong Kong, protégé par une combinaison PPE, un jeune médecin reçoit deux patients contaminés. Un peu plus tard, il ne se sent pas bien. On le teste, il est négatif, mais il panique et se réfugie dans un hôtel pour éviter de contaminer sa famille (au risque de contaminer l’hôtel). De là, il lance une pétition et des milliers de soignants se mettent en grève (pour des raisons plus politiques que médicales).
Didier, lui, reste zen. Selon lui, seulement une faible partie des malades chinois ont été identifiés, c’est toujours ainsi quand les infections sont bénignes chez la majorité des sujets. Si tu ne te sens pas très bien, tu n’as aucune raison d’aller à l’hôpital, risquer d’être vraiment infecté au cas où tu ne le serais pas, d’autant qu’il n’existe pas de traitement faute d’antiviraux efficaces. La mortalité réelle est donc plus faible que celle annoncée. On ne peut connaître le taux réel de mortalité que longtemps après le début d’une épidémie.
Dans le même temps, un article alarmant est publié dans le New England Journal of Medicine, qui évoque le cas d’une malade asymptomatique chinoise qui aurait transmis la maladie à deux personnes lors d’une réunion en Allemagne. Si c’est le cas, l’affaire se complique. Tout le monde devient susceptible d’être porteur du virus et la seule façon de s’en assurer est un frottis et un test en laboratoire, voire une virologie. Didier est sceptique. L’article publié à la va-vite ne lui paraît pas convaincant. Ou quand la presse scientifique cherche le scoop.
Puis les employés de l’aéroport de Genève menacent de se mettre en grève et refusent d’accueillir le vol qui arrive de Chine jeudi matin. C’est le branle-bas de combat, d’autant qu’il ne reste plus que dix aéroports en Europe qui accueillent les vols de Chine. La Suisse entend rester ouverte, ne pas céder à la panique, faire bonne figure auprès des Chinois. Une affaire médicale devient politique.
Mardi 4, Genève
Science réfute l’article du New England Journal of Medicine. La patiente n’était pas asymptomatique : on ne pourrait transmettre le coronavirus que si on développe des symptômes. Mais rien n’est encore sûr. Je suis au milieu des plus grands spécialistes mondiaux de la prévention des infections. Ils sont à la fête, dans leur jardin, sérieux, mais sans perdre le sens de l’humour, surtout quand les politiciens paniquent.
Deuxième journée passée à l’hôpital, enfermé, à parler avec Didier et ses collègues. Impression que mon cerveau ne peut plus rien absorber et qu’il sera incapable de donner une cohérence narrative aux innombrables informations reçues.
Soirée dans un salon, qui se veut inspiré de ceux du XVIIIe, un invité à l’honneur : Najib Michaeel, l’archevêque de Mossoul, ancien joueur de basse dans un groupe, ancien ingénieur spécialisé dans le pétrole, il devient Dominicain et suis son noviciat en France. Il nous raconte comment, à l’arrivée de l’État islamique à Mossoul en août 2014, il s’enfuit en voiture avec 800 manuscrits. Il nous raconte surtout son retour dans sa ville, comment il serre désormais la main de ses anciens amis d’enfance dont certains entre temps sont devenus des coupeurs de têtes. Une belle théorie chrétienne dont j’apprécie le romantisme, mais goûte peu les arguments philosophiques. Désormais, il marche dans Mossoul, sachant qu’il peut être tué à tout moment, mais en éprouvant une immense sensation de liberté, parce qu’il fait ce qui lui semble juste dans la ville où il a toujours vécu et qu’il aime malgré les atrocités qui y ont été commises. Se sentir libre lorsque le danger est proche est somme toute ce qui motive bien des aventuriers de l’extrême.
Mercredi 5, Genève
Promenade dans les vignes, puis dans la ville, je retrouve un vieil ami avant de manger une traditionnelle fondue aux bains de Pâquis, et quand nous sortons, un vent glacial déboule des montagnes.
Jeudi 6, Genève
Invité dans une grosse entreprise genevoise. Le patron fait un discours superbe, expliquant comment il rend le travail de ses 1 700 employés le plus agréable possible. Pas d’horaire, pas de bureau, fluidité… À la fin, je lui dis qu’il me donne envie de travailler chez lui. En vérité, pour rien au monde je ne retournerais dans une entreprise. Je ne conçois qu’une société de réseaux et d’artisans interconnectés. Personne ne devrait avoir le droit d’acheter notre temps. J’ai pris une photo terrible de cette entreprise.
Promenade au bord du lac, avec la chaîne du mont Blanc à l’horizon. Je m’assois au soleil, rêve, me dit qu’il est parfois agréable de ne pas écrire. Je songe à mes Silencieux avec une étrange satisfaction.
Je ne suis pas arrivé dans le bureau de Didier que j’ai mal à la tête. Trois jours que je ressens le même trouble. Ventilation, lumière ? Quelque chose dans cette pièce ne me convient pas. Où est-ce que ma socialisation suisse met mon système immunitaire au contact de trop de virus inconnus de lui ?
Vendredi 7, Genève
Le médecin chinois qui a découvert que le coronavirus était transmissible entre humains est mort. On ne sait rien des conditions de son infection. Didier suspecte un effondrement du système de santé à l’épicentre de l’épidémie. Appel de Hong Kong. C’est la panique. Plus de masques. Un épidémiologiste local publie des statistiques alarmantes. Didier décide de partir pour Hong Kong. Est-ce raisonnable ? Notre possibilité de traverser la planète pour un rien n’est-elle pas la cause même de la panique naissante ?
J’aime la tranquillité qui autorise le travail patient de l’écriture. J’aime bouger, mais avec le temps de me poser. Je suis un dilettante, Didier est un homme d’action à l’emploi du temps surchargé. Je suis un privilégié. Mon mode de vie n’est possible que dans un monde ordonné par d’autres. Quand j’oublie mes ambitions littéraires, je me contente de m’installer dans un coin ensoleillé face à une belle vue.
Didier s’est dédié aux autres. Plutôt que de partir en vacances la semaine prochaine, il file à Hong Kong, sans même sourciller. Parce qu’on a besoin de lui, parce qu’il peut faire une petite différence. Combien d’entre nous font preuve d’une telle abnégation ? Pas moi. Je vis sur un autre rythme, en égoïste.
Je passe deux heures avec Alexandra, spécialiste des fake news. Elle joue à imaginer que le médecin chinois a été assassiné (alors qu’il est sans doute mort parce qu’il a reçu une charge virale trop grande). N’a-t-il pas été menacé par son gouvernement pour avoir fait courir des rumeurs ? Nous jouons pour détendre l’atmosphère.
Samedi 8, Mèze
Mardi 11, Balaruc
Ça m’est tombé dessus dimanche en fin d’après-midi. Je rentre d’une virée à vélo, prend une douche, chaude, de plus en plus chaude, longue, et quand j’arrête je me mets à trembler. Je me couche et la fière me saisit pour ne plus me lâcher durant une quinzaine d’heures, me bombardant de pensées récursives et délirantes, des pensées douloureuses à hurler… et depuis c’est à peine mieux, je suis lessivé, sur les rotules. Ça ressemble à une grippe, j’ai pourtant été vacciné. Mes états fiévreux sont toujours extrêmes, démoralisants, effrayants. Mais bonne nouvelle, Agnès Maillard me rend visite ce soir.
Je lis une note de mon copain Jean-Hugues Villacampa et me dis pourquoi ne pas écrire des livres pour faire du bien, des livres pour faire partir, pour voyager, des livres assez déconnectés du réel pour qu’ils n’aient aucune connotation politique, de pures évasions. Des livres sans la moindre ambition littéraire, me faire du bien et faire du bien, ce serait déjà merveilleux.
Je reçois un mail d’Amazon m’expliquant que mon édition de L’homme qui plantait des arbres de Giono a été retiré, suite à une plainte de Gallimard comme quoi je publierais ce texte illégalement. J’ai beau expliquer que Giono a libéré ses droits de son vivant sur ce texte, ça ni change rien. Je dois discuter avec les avocats de Gallimard, c’est-à-dire leur opposer d’autres avocats, ce que je n’ai ni les moyens, ni l’envie de faire. Je commence par publier un article où j’explique que Gallimard bafoue la volonté de Giono, puis je l’efface dix minutes plus tard. Pas envie de partir dans une bataille.
Mercredi 12, Balaruc
Calvino parle de son engagement politique, un passage par un vague anarchisme juvénile, puis par la résistance et le communisme dans l’après-guerre. Je me sens d’une génération bien plus incertaine, celle qui avait de vingt à trente ans lors de la chute du mur de Berlin. Le communisme ne pouvait plus nous séduire. Il s’écroulait de toute part ou se transformait en dictature capitaliste en Chine. Certains parmi nous continuaient de prôner le partage des richesses, porteurs d’un idéal communiste impossible dans la pratique, mes grands-parents maternels, par exemple. Mon père leur opposait Staline, les camps, les massacres, voilà à quoi menait selon lui le communisme, pas mieux que le nazisme. Il était républicain, de cette droite modérée, qui pense que celui qui travaille s’en sort toujours, cela m’a un temps semblé raisonnable (j’étais pas loin de penser que les pauvres n’avaient que ce qu’ils méritaient).
Puis j’ai commencé à travailler, peu de temps avant que le mur s’effondre, à être salarié, bientôt manager, et j’ai senti combien même en étant cadre sup j’étais opprimé en même temps qu’opprimeur. Il y avait un ver dans le fruit de la droite républicaine. Le projet ne me convenait pas. Il se résumait à des jeux de pouvoir que les uns imposaient aux autres. À trente ans, j’ai arrêté de travailler, me suis mis en marge, puis j’ai publié des bouquins, suis devenu indépendant, n’en faisant qu’à ma tête, me battant pour ma liberté. C’était le degré zéro de la politique : faute d’un idéal collectif, je ne me préoccupais que de moi, c’était déjà très compliqué.
Alors, à la fin des années 1990, le Net a déboulé, poussant de partout en même temps, donnant l’idée à quelques fadas que l’auto-organisation pourrait s’appliquer à l’ensemble de la société. Elle serait organisée, structurée, harmonieuse, mais non hiérarchique. En même temps que le Net, nous découvrons les dérèglements climatiques et la surchauffe planétaire. Et me voilà partie en guerre avec des outils idéologiques incertains. À tenter de démontrer que pour régler les problèmes complexes nous devions adopter des modes d’organisation ad hoc, ceux à l’origine d’Internet et de la nature elle-même. Je ne suis entré en politique qu’à la quarantaine, dans un parti sans nom, un camp indistinct et qui par sa nature auto-organisée ne pouvait que le rester.
J’étais arrivé trop tard pour le communisme, bien trop tôt pour la lutte climatique. Aujourd’hui, la résistance se constitue, avec ses figures, ses prises de paroles, mais elle a besoin d’une énergie juvénile, à commencer par celle de répéter sans fin les mêmes slogans jusqu’à finir par ne plus les mettre en doute. Je me suis mis à douter de tout, à ne plus être sûr de rien, sinon peut-être que l’humanité ne savait qu’aller de l’avant, que foncer, que sa seule chance d’en sortir serait encore la course folle. Aujourd’hui, la cinquantaine bien avancée, j’ai tourné le dos à tout engagement. J’écris et je fais du vélo, rêvant dans un coin de ma tête qu’il s’agit du dernier engagement politique possible, ou plutôt du premier, du point par lequel tout recommence, se réapproprier le monde et le temps, réapprendre à respirer et à ressentir.
Jeudi 13, Balaruc
Par nostalgie, parce que j’ai repensé à mes trains électriques en écrivant Les Silencieux, je me suis mis à regarder des vidéos de circuit. Je tombe sur l’un extraordinaire, construit dans le sous-sol très bas de plafonds d’un pavillon. Le propriétaire s’y glisse par une trappe depuis sa cuisine, puis y rampe entre les voies, explorant une maquette foisonnant de détails, fruit de près de quarante ans de travail. Descendant dans son sous-sol, il change de monde, retourne en enfance, parmi les fées et les lutins.
Vendredi 14, Niort
Bel accueil pour le salon polar, rencontre le soir avec Ian Manoock. Dans le train, j’ai écrit avec difficulté un article sur le numérique, sans élan, preuve que je ne suis plus dans la dynamique.
Samedi 15, Niort
Je me sens un étranger parmi mes collègues écrivains, autant ignorant des news mondaines que politiques. Un peu perdu, tout le monde très gentil, accueil intimiste. Pierre ne veut pas des Silencieux, ça m’évite de me demander si je veux ou non publier ce texte. Des choses plus importantes à écrire et pas pressé de me retrouver en promo. Soirée lumineuse en compagnie de Rosa Montero, on parle de sentiment océanique, notre drogue commune, notre raison d’écrire.
Dimanche 16, Niort
Jeudi 20, Balaruc
Depuis mon retour de Niort, je suis à nouveau malade. Fièvre légère et persistante, sinusite, dont j’espère encore me sortir sans antibiotique. Je ne suis pas en état flambant neuf. Le cerveau en compote, je piétine sur les débuts possibles de Adapt to Adopt, la suite du Geste qui sauve.
Vendredi 21, Balaruc
Surprise de recevoir un mail d’un ancien du piton Gabriel qui se souvient très bien de mon père : une force de la nature toujours souriante. Il a dû mal à comprendre le titre de mon livre, qu’il n’a pas encore lu. Et si mon père m’avait livré une version totalement affabulée de sa guerre d’Algérie ? Reste la violence que j’ai ressentie et subie.
Samedi 22, Marseillan
Dimanche 23, Balaruc
Il y a des mois voués à la littérature, d’autres qui lui échappent. Il y a des mois d’émotions, des mois de stagnation. Il y a des mois de sociabilité, des mois de solitudes. Il y a des mois où le carnet ne prend pas, des mois où il n’y a que lui.
Lundi 24, Balaruc
La transmission du coronavirus est-elle asymptomatique ou pas ? J’entends un épidémiologiste dire que oui parce que nous n’avons pas trouvé le patient zéro du cluster italien. Cela ne prouve rien, en fait. La personne était peut-être faiblement malade, ou n’a pas voulu dire qu’elle l’était.
Mardi 25, Balaruc
Didier totalement débordé, je n’arrive pas à lui parler, il a juste le temps de me dire qu’il n’a même plus le temps de pisser. Sur France Info, j’entends tout et n’importe quoi, même de la part de médecins et d’épidémiologistes. Je suis attentif, je commence Adapt to Adopt par cette crise, parce que je l’ai vécue en direct depuis d’un de ses postes de contrôle à Genève.
Vendredi 28, Balaruc
Hier soir, suite à l’affaire Giono, je reçois un mail d’Amazon m’informant que mon compte KDP a été fermé, donc que tous mes livres en impression à la demande ne sont plus disponibles, soit des années de travail effacées, des textes comme Le geste qui sauve, Ératosthène ou La mécanique du texe ont disparu.
La nuit n’a pas été bonne. Je suis furieux : voilà où nous conduit le capitalisme cognitif. Les géants monopolistiques ont droit de vie ou de mort sur chacun de nous, capables de nous effacer du jour au lendemain en tant qu’auteur, en tant qu’individu bientôt. Je ne suis pas prêt de mettre en doute mon éloge des libraires. La stratégie de n’exister médiatiquement qu’à travers des plateformes centralisées est suicidaire.
Je m’efforce ne de pas écrire un article à chaud. Je tente de discuter avec Amazon. Je ne raconterai que quand cette histoire sera arrivée à son terme, ma disparition d’Amazon ou mon retour. Les conclusions resteront les mêmes : nous sommes en danger, notre liberté d’expression est en danger, alors même qu’elle n’a jamais été aussi grande. On peut tout dire, mais par un canal de plus en plus étroit qui peut à tout moment se refermer sur nous, individuellement ou collectivement.
Je discute avec une amie iranienne du coronavirus. Là-bas c’est le grand n’importe quoi, la bombe est en train d’exploser, comme en Italie où j’apprends que les services de santé ne se sont pas préparés à un risque d’épidémie. Il y a une semaine, ils n’avaient toujours pas traduit les recommandations de l’OMS.
Samedi 29, Balaruc
Amazon a rétabli mon compte KDP. C’est un moindre mal, mais nous autres auteurs autopubliés vivons désormais avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je ne peux pas me satisfaire de cette solution. Mais que faire ? Je ne vais pas me transformer en éditeur traditionnel avec du stock à la maison, ni en libraire. Chacun son travail. Mon soulagement : je peux toujours distribuer mes ebooks en direct, et tant pis s’ils ne sont pas à la mode en ce moment.
Les professionnels ordinaires, quand ils ne gagnent pas leur vie dans leur secteur, ils en changent, les artistes non. On est juste plus con que la moyenne, surtout les auteurs. On a choisi un métier, et on y reste, quitte à en crever. Le « on a choisi » est très important. Par exemple, un mineur souvent n’a pas d’autre possibilité que de faire mineur, d’où l’importance que les mineurs se syndiquent, mais nous autres, nous sommes éduqués, cultivés, nous pouvons changer de secteur, alors pourquoi nous syndiquer ? Pour défendre quoi ? Notre privilège d’avoir choisi une voie qui ne rapporte rien à la plupart d’entre nous ?
Notre vrai problème, c’est notre choix, et rien d’autre. Notre choix d’enfants gâtés, et comme nous sommes très nombreux, nous nous partageons un gâteau pas assez grand pour nous tous. Vouloir gagner sa vie avec son art est un privilège, pas un dû, pas un truc qu’on peut exiger parce qu’alors les modélistes ou les joueurs d’échecs peuvent aussi se revendiquer artiste et exiger les mêmes droits que nous. Et puis tout le monde. Pourquoi pas, c’est qu’on appelle le revenu de base. Je suis pour, mais je ne vois pas pourquoi les auteurs, ou les artistes, le recevraient de manière déguisée et pas mes autres concitoyens.
Tout ça pour dire que si on ne gagne pas sa vie avec son travail, on n’est pas professionnel. Mais rien m’empêche d’être écrivain, même un très bon écrivain, soit amateur comme Flaubert, soit professionnel comme Hemingway. Cette nuance ne devrait pas être une affaire d’État, encore moins une revendication. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas négocier les droits des écrivains, mais surtout pas en faisant référence à leur feuille d’imposition.
La publication numérique d’un journal suffit à le rendre contemporain, à en faire une forme littéraire d’aujourd’hui, parce ce que cette publication, qui implique la présence quasi en temps réel des lecteurs, en affecte le contenu. Je crois qu’il n’existe pas de forme plus présente alors même qu’elle utilise une structure ancienne. D’une certaine façon, les journaux se renouvellent de génération en génération parce que de génération en génération le temps change, son écoulement, sa perception, sa narrativité, et que la forme peut rester la même pour un résultat jamais semblable.