Confinement
Confinement

Pourquoi le confinement était la seule stratégie possible

Je n’en reviens pas, je me retrouve à défendre le gouvernement au sujet du confinement, ce qui me fait me questionner sur la réalité de mon anarchisme congénital. Je vois tant de gens refaire l’histoire de la pandémie que j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même espace-temps, ce qui nous amène à juger la situation de manière radicalement opposée.

Qu’est-ce que nous pouvions faire dans l’état où la pandémie a trouvé notre système se santé ? On peut répondre à cette question par une approche historique. Mais attention, c’est une des propriétés de l’histoire d’être relative à son narrateur, sa culture, ses sources d’information. Toute histoire est biaisée, celle que je m’apprête à raconter aussi.

Un des premiers cas de Covid-19, sinon le premier, est un homme du Hubei âgé de 55 ans, daté rétrospectivement le 17 novembre 2019. On évoque des cas antérieurs, mais aucune certitude pour le moment.

Décembre

Le 20, 60 malades, plus ou moins liés au marché de gros de fruits de mer de Huanan à Wuhan, souffrent d’une étrange maladie pulmonaire. Leur nombre commence à croître exponentiellement. J’insiste exponentiellement. Il me semble que les non-matheux ont du mal avec ce concept. Si on a 10 cas un jour et le lendemain 20 cas, on peut soit dire que la croissance est exponentielle 10×2, soit linéaire 10+10. Si on part sur de l’exponentiel, le troisième jour on a 10x2x2, soit 40 cas, alors que nous n’avons que 30 cas pour le linéaire. Au bout de dix jours, l’exponentiel nous donne 5 120 cas (=10×2^(j-1)) et le linéaire 100 cas (=10xj). Épidémiologiquement, l’exponentiel est terrifiant. Il faut l’interrompre très vite, très tôt, avant l’explosion. Fin de parenthèse.

Ai Fen, la chef des urgences de l’Hôpital central de Wuhan, envoie des échantillons prélevés sur ses patients à un laboratoire de Pékin. Les résultats tombent le 30 décembre : un coronavirus inconnu de type SARS est responsable de l’infection. Ai Fen poste le rapport du laboratoire dans un groupe privé de son hôpital sur le réseau social WeChat. Le lendemain, Li Wenliang, un ophtalmologue de 33 ans travaillant à l’hôpital, repostera publiquement ce message. Il est le lanceur d’alerte.

Donc avant ce 31 décembre 2019, seulement une poignée de médecins et politiciens chinois sont conscients d’un problème. Vous pouvez bien sûr invoquer des théories du complot, dire que ces informations sont fausses, mais si on reste rationnel, on peut affirmer que notre gouvernement ne savait rien de la pandémie en gestation avant le 31 décembre 2019. Donc comment aurait-il pu avant cette date prendre des mesures pour lutter contre elle ? Parce que je vois des gens crier qu’il aurait été possible de commander des masques en décembre. Certes, et même bien avant, si nous n’avions pas priorisé l’économie sur la santé. Mais je ne suis pas en train d’écrire une uchronie. Fin décembre, il n’était pas question de remettre en question la politique sanitaire de la France. Encore moins de réagir à une pandémie qui n’existait pas encore. On peut accuser le gouvernement d’avoir mené une politique de santé déplorable, et sa culpabilité de ce côté ne fait aucun doute, mais on ne peut en déduire hâtivement qu’il a mal géré la crise Covid-19 en particulier.

Le 31 décembre, 266 cas de coronavirus sont identifiés à l’hôpital de Wuhan. Il est intéressant de s’arrêter sur ce chiffre. D’après les données dont nous disposons aujourd’hui environ 20 % des infectés nécessitent une hospitalisation. Il y avait donc au minimum 1 000 cas dans la ville et le virus avait donc déjà commencé à se propager en Chine et dans le monde, mais personne n’en était conscient, sauf peut-être quelques politiciens chinois qui, le 1er janvier, décident de fermer le marché de Huanan, bien décidés à étouffer l’affaire.

Janvier

Le 3, alors que Science évoque un nouveau virus, le commissariat de police de la rue Zhangnan du bureau de la sécurité publique de Wuhan met en garde Li Wenliang pour « avoir fait de faux commentaires sur Internet ». Les policiers lui demandent de signer une lettre où il reconnaît « qu’il perturbe l’ordre social. » Sept autres médecins sont interpellés dont Ai Fen, sévèrement réprimandée après avoir prévenu sa hiérarchie. On lui demande de ne parler à personne du virus, même pas à son mari. « J’avais l’impression que, à moi toute seule, j’avais ruiné l’avenir de Wuhan. J’étais désespérée. »

Le 8, l’OMS indique qu’un nouveau coronavirus cause peut-être une épidémie de pneumonie d’origine inconnue apparue en décembre à Wuhan.

Le 9, date de la mort des deux premières victimes officielles, le virus est identifié, il est immédiatement séquencé. La Chine semble changer de stratégie et jouer la transparence. Tout le monde se met à faire confiance aux données qu’elle publie (réflexe assez étrange quand on sait qu’on parle d’une dictature — mais notre réflexe business as usual nous pousse souvent à faire des entorses à l’éthique — nous voulons à tout prix croire que la Chine est un pays comme un autre, ce qu’elle n’est pas). Tout le monde est conscient qu’il se passe quelque chose de potentiellement très grave, tout le monde est en alerte, mais rien de plus.

Le 12, l’OMS publie un bulletin détaillé sur le nouveau coronavirus : « À ce stade, aucune infection n’est à déplorer parmi les agents de santé et il n’y a pas de preuve évidente de transmission interhumaine. Les autorités chinoises continuent à assurer une surveillance intensive, à appliquer des mesures de suivi et à mener des enquêtes épidémiologiques. » L’OMS se trompe parce que l’OMS fait confiance à la Chine où la transmission interhumaine ne fait déjà plus aucun doute. L’OMS a une grave responsabilité dans tout ce qui va suivre comme l’accusera bien plus tard Donald Trump (OK on ne peut pas trop prêter attention à ses propos).

Le 13, le génome définitif du coronavirus publié.

Le 14, le gouvernement envoie un message d’information aux agences de santé. Pas en soi un scoop, tous les observateurs avaient déjà les yeux rivés sur la Chine depuis l’article de Science (rien de surprenant, pas plus que le message adressé par Agnès Buzyn au Président deux jours plus tôt).

Le 18 janvier, le parti communiste organise un banquet monstre à Wuhan avec 40 000 invités, dont certains portent déjà des masques et montrent des signes de maladie. Une pure folie mais nous ferons pire en organisant des élections dans une phase plus avancée de la pandémie.

Le 20 janvier, l’OMS craint une propagation internationale. Le 22, le gouvernement chinois place en quarantaine Wuhan, Huanggang et Ezhou. Les transports publics sont fermés ainsi que les lieux publics, provoquant un véritable exode, estimé à 5 millions de personnes. Officiellement, l’épidémie a causé 17 victimes dans ces villes peuplées par 20 millions d’habitants. La quarantaine n’est-elle pas une mesure disproportionnée ? Nous aurions dû nous poser cette question, ou du moins écouter la rares lucides qui s’interrogeaient, et déjà comprendre que la Chine était sans doute en train de nous mentir.

Rétrospectivement, au regard de la situation en Italie, on peut analyser les chiffres chinois. Premier cas le 17 novembre, deux mois plus tard une quinzaine de victimes. En Italie, deux premiers cas le 28 janvier, deux mois plus tard plus de 10 000 victimes malgré le confinement. Ça ne colle pas comme je le montre dans un autre billet.

En Chine, mi-janvier, il y avait donc probablement beaucoup plus de morts qu’annoncé, des centaines de fois plus, mais nous ne voulions pas le savoir, oubliant que la Chine est une dictature, qu’elle emprisonne les moindres voix dissonantes. Notre aveuglement nous fera perdre beaucoup trop de temps, nous empêchant de prendre la mesure de la situation. Devant le faible nombre de victimes, nous continuons à penser à une simple grippe, c’est-à-dire à une infection avec un taux de mortalité en Occident de 0,01 %.

Le 24 janvier, trois premiers cas sont identifiés en France, tous originaires de Chine. De son côté, l’OMS pense encore que le coronavirus ne nécessite pas d’urgence internationale.

Le 25 janvier, le Président Xi Jinping reconnaît la gravité de situation : 56 morts, 1 870 cas identifiés. Il étend la quarantaine aux 56 millions d’habitants de la province de Hubei. Quand on sait qu’il y avait déjà au moins 1 000 cas fin décembre, on comprend que ce chiffre est largement sous-estimé. Des scientifiques supposent que la Chine a 100 000 cas, mais personne ne panique encore. C’est toujours une sorte de grippe.

Le 26 janvier, Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, affirment que nous avons un stock de masques suffisant pour faire face à la crise. Le mensonge n’est pas une prérogative chinoise.

Le 27 janvier, Hong Kong met en quarantaine les voyageurs venant du Hubei, ferme ses écoles, ses parcs.

Le 28 janvier, deux touristes chinois sont testés positifs à Rome.

Le 30 janvier, le professeur Raoult déclare : « Ce n’est qu’une infection respiratoire virale de plus. » Le lendemain, il insiste : « Ce coronavirus n’est pas si méchant (…) Sans être devin, je doute que le virus chinois fasse augmenter de manière très significative, chez nous tout au moins, les décès par pneumonie. » Les spécialistes banalisent et se trompent lourdement mais comment leur en vouloir puisqu’on leur a fourni une photo erronée des conditions initiales de la crise. Pourtant, l’OMS déclare l’urgence de santé publique de portée internationale. Son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, déclare « Ce qui nous inquiète le plus, c’est l’éventualité que le virus se propage à d’autres pays dont le système de santé est plus fragile et qui ne sont pas bien préparés à y faire face. » Mais l’OMS est coutumière des avertissements sans suite : H1N1, Ebola… ce qui n’est donc pas une incitation suffisante pour agir puisque ces épidémies ne nous ont jamais affectés. Le probable mensonge chinois nous a infectés.

Fin janvier, avec six cas identifiés en France et 259 morts en Chine, personne ne panique, tout est sous contrôle. Il n’y a aucune raison de s’inquiéter des stocks de masques, de gel hydro-alcoolique, de réactif pour les tests de dépistage… Personne ne tire la sonnette d’alarme, car personne n’a encore était confronté à une pandémie de grande ampleur. Le gouvernement n’est pas conscient que notre système de santé est défaillant malgré les revendications des soignants depuis de longs mois. Il a priorisé l’économie sur la santé. Il reste fidèle à son programme mental, ce pour quoi il a été élu. Confiant, il n’a encore aucune raison de changer de stratégie.

Février

J’entre alors dans cette histoire et vais en découvrir l’envers. Le 2 février, je me rends à Genève pour passer une semaine en compagnie de Didier Pittet aux HUG, les hôpitaux universitaires de Genève. Nous devons travailler à la suite du Geste qui sauve, mon histoire du gel hydro-alcoolique.

Deux mots sur Didier. C’est le pape de l’hygiène des mains, c’est grâce à lui que nous avons le gel hydro-alcoolique pour lutter contre les infections. Il n’en est pas l’inventeur, le premier gel a été commercialisé en 1965, mais il est celui qui a démontré que le gel est plus efficace que l’eau et le savon en milieu hospitalier (plus rapide, plus pratique…). Il est aussi celui qui a créé une formulation ultra économique et l’a offerte à l’humanité pour qu’elle puisse être fabriquée partout et par n’importe qui.

Les HUG sont la mecque mondiale de la prévention et du contrôle des infections. Une concentration d’experts sur le sujet, nombreux collaborant avec l’OMS, Didier le premier. Me voilà plongé dans cette fournaise. Didier est sous tension. Il enchaîne les réunions de crise, les vidéoconférences avec l’OMS, les coups de fil avec ses collègues aux quatre coins du monde, notamment de Hong Kong comme je l’évoque dans mon journal de février. Je suis une petite souris, j’écoute, la tension monte.

La crise est prise au sérieux, parce qu’il est déjà évident que l’épidémie deviendra pandémie, mais personne encore ne mesure sa gravité. Didier me dit tout de suite qu’il y a sans doute au moins 500 000 cas en Chine, il évoque des modèles épidémiologiques qui montrent qu’en début d’épidémie on surestime toujours la mortalité, 2 % alors supposés par l’OMS, et minimise les cas. A posteriori, je peux me remettre dans sa tête et dans toutes celles des spécialistes. Le 3 février, alors que la Chine appelle au secours et demande à la communauté internationale des masques dont elle manque cruellement, elle annonce 490 victimes pour 19 383 cas. S’il agit d’une grippe avec une mortalité de 0,01 %, il y a presque 5 millions de cas en Chine (=490×100/0,01). Si on part sur une grippe plus sévère, ce que fait Didier, on a 500 000 cas (=490×100/0,1).

À ce moment, on ne sait pas qu’il y a des porteurs asymptomatiques, qu’ils sont éventuellement contagieux. Quand l’avion arrivant de Pékin se pose à Genève le 6 février, Didier lui-même accueille les passagers. On leur prend la température, on teste les cas suspects, on les met sous quarantaine, les autres voyageurs entrent en Suisse, en Europe, où neuf autres aéroports accueillent encore les voyageurs venant de Chine.

Didier pas plus que ses collègues n’envisagent de contrôler plus drastiquement les frontières, de prendre des mesures de confinements uniques dans l’histoire. Ils sont tous persuadés qu’ils réussiront à gérer la crise. J’insiste. Je ne pouvais pas être à un endroit mieux informé. Personne ne prévoyait le pire début février parce que personne n’avait intégré le mensonge chinois. Tout le monde se croyait prêt.

Mais j’ai assisté à des batailles entre Didier et son gouvernement, qui ne voulait pas voir de médecins à l’aéroport de Genève, question d’image, qui voulait minimiser la crise sanitaire, donc retarder d’autant les bonnes décisions. J’ai vu le combat entre les soignants et les administratifs, les uns voulant soigner, les autres gérer avec des préoccupations mettant au second plan la santé publique, et donc étant sur une trajectoire qui allait nous faire perdre du temps. Pour Didier, c’était de l’énergie perdue, et beaucoup d’exaspération.

La mesure d’hygiène première et qui le restera quoiqu’il arrive, c’est l’hygiène des mains qu’il faut pratiquer aussi souvent que possible. À ce moment, les masques ne sont préconisés que pour les malades, les soignants et toute personne au contact rapproché des malades, le virus étant supposé être véhiculé uniquement pas les gouttelettes. Bien sûr, porter un masque ajoute une barrière et n’est pas en soi mauvais, mais l’OMS ne conseille pas cette stratégie faute d’évidences scientifiques. Notre gouvernement suivra ces indications jusqu’à ce qu’elles changent début avril (sans que les évidences scientifiques soient convaincantes — mais le principe de précaution prévaudra).

Le 7 février, des news alarmantes nous arrivent de Hong Kong. Pénurie de masques, de gel hydro-alcoolique, les Hongkongais paniquent. Didier se rend immédiatement sur place pour évaluer la situation pendant que je rentre dans le Midi. Nous ne cessons d’échanger des messages, ce qui me permet depuis de suivre la crise, avec peut-être un petit temps d’avance sur les médias grand public.

Didier m’envoie des photos de Hong Kong. On y voit les gens portant des masques, respectant les mesures de distanciation sociale. Les rues sont quasi désertes, la population consciente des risques sanitaires, responsable, s’est autoconfininée. Voilà pourquoi elle sera très peu touchée tout comme celle d’autres pays voisins de la Chine, où la culture de la prévention des infections est mieux ancrée que chez nous. Pas besoin d’attendre une réaction du gouvernement. Du coup, la crise a été jugulée dans l’œuf, avant l’explosion exponentielle.

Le 11 février, un article américain alerte sur la possible manque de réactif pour soutenir une politique de dépistage massive, mais il ne frappe pas les esprits, parce que personne ne croit encore que ce sera nécessaire. Et pas question de commander des masques aux Chinois puisqu’eux-mêmes en manquent, on leur a même envoyé un avion bourré de matériel médical. Quant au gel hydro-alcoolique, il paraît impensable d’arriver à une pénurie, alors qu’il y a pénurie à Hong Kong, par exemple. Nous nous croyons immunisés ou souffrons d’un sentiment de supériorité. Personne n’est lucide et on ne peut pas demander à notre gouvernement d’avoir été extra-lucide.

Le 18 février, Olivier Véran, ministre de la Santé, déclare : « Je n’ai pas besoin de vérifier que la France soit prête. La France est prête. » Orgueil mal placé, orgueil dangereux, orgueil impardonnable. La France n’était pas prête, d’autant que face à un développement exponentiel, une semaine c’est comme une année (une merveilleuse vidéo explique les risques de l’excès de confiance lors d’un développement exponentiel).

Le 19 février, première victime en France. Le même jour au stade San Siro à Milan se joue le 8e de finale aller de la Ligue des champions entre l’Atalanta de Bergame et le FC Valence, devant 40 000 Italiens et 2 500 Espagnols.

Le 22 février, deux personnes décèdent à Padoue et dans les environs de Crémone. On dénombre de 79 positifs, presque tous en Lombardie. Le gouvernement italien confine onze communes de la province de Lodi.

Le 25 février, l’OMS nous avertit que nous ne sommes pas prêts pour affronter la crise et montre que la stratégie de confinement a fonctionné en Chine. De son côté, Raoult déclare que le virus « n’est pas plus dangereux » que ceux impliqués dans les épidémies de grippe saisonnière et il prône le traitement avec la chloroquine. Aucune raison donc de prendre des décisions exceptionnelles (l’Italie serait presque ridicule avec son début de confinement).

Malheureusement, les choses tournent mal. Didier me parle du cauchemar dans les hôpitaux Italien. Plus aucun doute, nous nous préparons à une dure bataille. Il devient évident pour tous les spécialistes que le coronavirus n’est pas une simple grippe. Il soumet les systèmes sanitaires à un stress sans précédent : les masques et les autres matériels de protection manquent, le gel hydro-alcoolique est en rupture, tout comme le réactif pour les tests… Cette prise de conscience très tardive fait mal. Nous sommes incapables de produire nous-mêmes les ressources qui nous manquent. Nous avons délégué nos industries vitales à des pays qui se les réservent. Constat d’échec d’un mode d’organisation français, européen, mondial. Nous n’étions pas prêts mais nous ne voulions pas l’admettre (OK, les soignants avaient alerté depuis des mois, ce qui explique la colère qui accompagne le confinement, et le coronavirus nous prends au dépourvu).

En Italie, il ne reste plus qu’une solution, de dernière minute, de dernière chance, le confinement général. La mesure est discutée dès le 28 février en réunion entre l’OMS et les responsables de la Santé européens. Didier ronge son frein, ça n’avance pas, les politiques ont la trouille. On peut donc dire qu’à cette date la situation de crise est évidente. Nous avons compris grâce à l’Italie. Le combat commence entre les médecins et les administrateurs.

Mars

Faute de réactif en France et dans bien d’autres pays, et impossible de s’en procurer en quantité par un coup de baguette magique, il est donc inenvisageable de mettre en œuvre une politique du dépistage massif. De même, il est impossible de généraliser le port des masques parce que nous n’en avons pas et qu’ils manquent partout. Que faire, là, tout de suite, dans l’urgence ? Pour seul horizon, il ne nous reste que le confinement, mais rien ne se passe, et on commence à perdre un temps précieux.

Le 6 mars, à la sortie du théâtre, Macron déclare : « La vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie. » Un peu plus tôt dans le journée, il avait déclaré : « Si on prend des mesures qui sont très contraignantes, ce n’est pas tenable dans la durée. » Pourtant, il savait depuis fin février qu’il n’y avait plus d’autres issue. Il est en train de commettre une lourde faute.

L’Italie ne généralise le confinement que le 9 mars. Dix jours ont été perdus, dix jours pendant que la croissance exponentielle de la pandémie s’est poursuivie, autant de morts imputables à l’indécision des politiques. Nous sommes tout aussi conscients du problème en France et rien ne se passe.

Le 12 mars, l’OMS déclare le stade pandémie. Le soir même, Macron remet en question la mondialisation dans son premier grand discours de crise et prends des mesures de demi-confinement.

Nous le sentons tous le confinement, les supermarchés se vident, mais le gouvernement tergiverse encore à cause des élections, mais le couperet tombe le 17, après deux semaines perdues.

Dès fin février, dès la pleine conscience de la gravité de la crise, le confinement est la dernière stratégie possible. La faute du gouvernement français et de beaucoup d’autres est d’avoir tergiversé. Aurions-nous accepté le confinement alors que le 2 mars nous n’avions que deux victimes en France ? Les Portugais l’ont acceptés, quatre jours avant nous alors qu’ils n’avaient encore aucune victime. C’est comme avec le réchauffement climatique, nous n’agissons pas parce qu’il n’est pas encore assez méchant avec nous. Le gouvernement a attendu que nous approchions des cent victimes pour se décider, lui-même refusant de croire à la logique implacable d’une croissance exponentielle.

Voilà ma lecture de l’histoire telle que je la découvre dans les chiffres et que je l’ai vécue. On pourra reprocher au gouvernement sa lenteur administrative : ne pas avoir écouté les médecins assez tôt, ne pas avoir autorisé les tests à tous les laboratoires, ne pas avoir basculé assez tôt du « on administre » au « on soigne ». Mais nous-mêmes étions nous prêts à cette bascule prématurée ?

Je n’ai confiné ma mère de 81 ans qu’une semaine avant la date officielle. J’ai donc moi-même tergiversé. Le gouvernement a perdu une dizaine de jours, sans doute à cause des élections. Cela fera beaucoup de morts, prolongera inutilement le confinement, mais peut-être ne pouvait-il pas faire mieux avec son algorithme. Serons-nous capables de lui en faire changer ? Il faudrait commencer par reprogrammer tous nos administrateurs ? Je ne vois pas trop comment nous pouvons y parvenir parce que demain ils seront toujours aux commandes du pays et nous serons toujours leurs administrés, c’est-à-dire des créatures décérébrées.

Le monde et la France ont besoin d’un nouveau logiciel.