Je me suis réveillé à cinq heures du matin avec cet article en tête. Je me suis dit non, arrête de penser à tout ça, tu te fais du mal, mais, comme je ne retrouvais pas le sommeil, je me suis mis à écrire, avec une certaine angoisse, pas envie de croire à mes propres mots.
Pour être plus précis, je devrais titrer « le mensonge du gouvernement chinois », car dans cette histoire les Chinois eux-mêmes sont les premières victimes, comme sont victimes tous les citoyens des régimes autoritaires et totalitaires.
J’ai une dent contre l’autorité, je ne la supporte pas, et je me méfie de tous ceux qui en font profession, au point peut-être de moi-même commettre des erreurs de jugement. Si je défends notre gouvernement dans son choix de la stratégie de confinement, je ne cautionne pas la manière avec laquelle il nous l’a imposée, la manière avec laquelle il l’applique déployant partout la police.
Depuis une dizaine de jours, la rumeur court : le nombre de morts suite au Covid-19 serait bien plus grand en Chine qu’annoncé. Indices : les urnes funéraires, centaines d’arrestations, censure de vidéos…
Question : la Chine est-elle capable de nous cacher des dizaines de milliers de morts ? Si tel est le cas, il y a de quoi s’effrayer. Nous vivons avec un monstre politique à nos portes, un monstre auquel nous avons lié notre destin.
J’ai vraiment du mal à le croire. Les Chinois voyagent, nous voyageons chez eux, nombre d’Occidentaux vivent en Chine et y sont très heureux. J’ai même un copain qui s’y est installé définitivement. Et je suppose que nous y avons de nombreux agents de renseignements. Donc s’il y a mensonge, il implique une maîtrise médiatique extraordinaire, un pouvoir de désinformation et de manipulation ahurissant. Il nous indique que la Chine possède l’équivalent de l’arme atomique dans notre société numérique, et que cette arme a été utilisée en janvier 2020.
Le professeur Raoult vante l’avance chinoise en matière de recherche en épidémiologie. Faut-il croire à cette avance pour expliquer la faible létalité de Covid-19 chez eux ou faut-il aussi leur accorder dix ans d’avance sur nous dans la gestion des flux d’information ? Faut-il voir leur gouvernement comme une hydre ultra dangereuse pour l’ensemble de la planète ?
Nous savons que les lanceurs d’alerte sur le coronavirus ont été sommés de se taire, qu’ils ont été arrêtés. On peut supposer que de nombreuses autres personnes ont été interpellées. Combien ? Je me pose beaucoup de questions. Je me demande si nous n’avons pas vécu une intoxication médiatique qui explique aujourd’hui pourquoi nous décomptons autant de morts dans nos pays.
Comme souvent dans ce genre de situation, pour essayer de trouver le calme, de mettre de côté la colère et l’émotionnel, j’active mon cerveau rationnel, j’en reviens aux chiffres.
Postulat : le coronavirus chinois est le même que celui qui frappe le reste du monde, à quelques variations génétiques près. Il a dont la même létalité, la même vitesse de propagation. On peut dès lors effectuer des comparaisons.
Constat : le premier cas en Chine date du 17 novembre 2019 et le confinement de Wuhan du 22 janvier 2020, 66 jours pendant lesquels l’épidémie galope, mais ne cause que 17 morts.
Le tableau est bien plus macabre dans les cinq pays occidentaux qui ont les plus tardé à prendre des mesures de confinement ou dont les populations elles-mêmes n’ont adopté aucune mesure spontanée. Si on se place 66 jours après le premier cas, en Italie on a 14 681 morts (864 fois plus qu’en Chine), en Espagne on a 13 341 morts (785 fois plus), au Royaume-Unis on a 5 373 morts (316 fois plus), en France on a 3 024 morts (178 fois plus), aux USA on a 1 706 morts (100 fois plus). Même l’Allemagne, vantée pour son excellente gestion de la crise, affiche 27 fois plus de victimes à 66 jours.
Je doute que les Chinois soient individuellement des experts du contrôle et de la prévention des infections, parce que de nouveaux virus ne surgiraient pas de chez eux à répétition. Je veux bien admettre que le virus a été plus lent dans son développement initial, partant d’une seule graine, alors que de nombreuses ont été semées par chez nous, reste que les écarts observés sont difficiles à justifier, tout comme la décision de confiner Wuhan après avoir dénombré 17 victimes seulement, une décision qui apparaît disproportionnée rétrospectivement (ou admettre que les Chinois nous sont supérieurs en tout et que leur modèle politique aussi). Mais si la discipline a payé dans la gestion de la crise, c’est à partir du 22 janvier, ou juste quelques jours avant, quand le gouvernement Chinois en reconnaît lui-même la gravité. Cette discipline ne peut être invoquée pour expliquer les deux premiers mois de la pandémie en Chine.
Des chiffres ne sont pas des preuves. On constate que l’épidémie évolue différemment d’un pays à l’autre, dépendant de la densité de population, de sa pyramide des âges, du mode de vie… Mais tout de même, il y a de quoi s’inquiéter, surtout quand on observe le développement des clusters qui semblent tous suivre la même loi exponentielle (Est de la France, Lombardie…). Parce que si la Chine nous a menti, elle est responsable de la crise dans laquelle le coronavirus plonge le monde, responsable de centaines de milliers de morts et de l’arrêt de l’économie mondiale. Elle nous a planté un couteau dans le dos. C’est une accusation grave, je suis énervé d’en arriver là, presque à une théorie du complot.
Mais aurons-nous envie de connaître cette vérité ? Sommes-nous prêts à remettre en cause nos modes de vie ? À prendre des sanctions drastiques contre la Chine ? Tout simplement de nous désengager économiquement d’elle ? Nous sommes capables de fermer les yeux et d’avaler la pilule. À moins que les Chinois eux-mêmes n’éprouvent une forme de culpabilité et aussi de rage à l’égard de leur gouvernement autocratique et qu’ils s’en débarrassent une fois pour toutes. Ce serait un bol d’air frais, un rayon de lumière dans les ténèbres grandissant.
Peut-être que j’ai simplement mal dormi. Réveillé trop tôt, je vois tout en noir. Il est temps que j’ouvre mes volets. Il est 7 heures 30, le soleil se lève sur l’étang de Thau, Walter lève ses filets, Sète flotte à l’horizon, que demander de plus ? Le monde est beau, la vie est belle, ne pas penser me ferait du bien.