À l’initiative de Valérie Rasigades, nous nous sommes retrouvés à Saint-Rémy-de-Provence pour une balade sur les DFCI, singles et petites routes du massif des Alpilles.
Je ne vais pas vous raconter notre périple de 80 km. En ce moment, j’écris un roman initiatique sur le vélo et suis incapable de penser à autre chose. J’espère que les photos parleront d’elles-mêmes.
En revanche, je veux évoquer une anecdote qui m’a occupé l’esprit. Un copain a annoncé récemment qu’il créait une nouvelle association dédiée à la promotion d’une autre façon de faire du vélo dans notre région du Midi, évoquant notamment la solidarité, l’entraide, la performance sportive, l’écoresponsabilité.
Cette énumération m’est tout de suite parue bancale. Il y avait un légume au milieu des fruits. La solidarité, l’entraide, l’écoresponsabilité sont des notions pour moi qualitatives alors que la performance est généralement quantitative (dans un monde où tout a tendance à être quantifié).
Pourquoi devons-nous plus que jamais être solidaires, nous entraider, agir pour la planète et non contre elle ? Parce que depuis trop longtemps nous ne pensons et ne jugeons qu’en termes de performances qu’elles soient économiques ou sportives, avec jamais très loin la notion de compétition, de vainqueurs et de perdants. Trop longtemps nous avons joué à des jeux à sommes nulles. Le mec qui gagne une course laisse derrière lui des perdants. Plutôt que de compétition, nous avons besoin de coopération, de fraternité, et oui d’entraide et de solidarité.
Tout au long de notre tour des Alpilles, nous avons travaillé ces valeurs, les plus rapides attendant les plus lents ou les plus tête en l’air qui admiraient les paysages et les photographiaient. Personne ne s’est préoccupé de performance, personne n’a visé des KOM Strava, personne n’a cherché à arriver avant les autres, tout juste si les plus costauds aimaient se faire chauffer les cuisses dans les nombreuses montées, mais en haut, ils attendaient les plus lents dans la bonne humeur, sans jamais se montrer impatients, sans jamais regarder l’heure. Nous n’avions que le souci de terminer notre boucle avant la nuit, prenant le temps de la fraternité. Si la moindre notion de performance s’était glissée dans notre journée, elle n’aurait pas été aussi belle. Celui moins performant aurait été humilié, rabaissé, voire dégoûté, poussé dans le rouge, sans qu’il n’éprouve plus la moindre expérience qualitative.
Je ne suis pas blanc blanc. Je regarde souvent combien de kilomètres j’ai parcourus à VTT/gravel depuis le début de l’année. Je devrais finir à 12 000 km, ce qui sera en un sens une performance pour moi, mais c’est un truc sans importance, un indicateur guère signifiant. J’ai des copains qui roulent moins et sont plus costauds. Simplement, cette quantification me dit que j’ai passé beaucoup de temps dans la nature, et que j’y ai vécu de nombreuses expériences qualitatives et qu’aucun indicateur ne peut évaluer.
La quête de la performance est l’une des principales causes de la crise systémique que nous traversons. Aller plus vite, gagner plus, avoir plus de pouvoir, plus de clients, plus de like, plus de KOM. Nous ne réglerons pas cette crise sans changer de paradigme, sans privilégier les qualités par rapport aux quantités. Si on est incapable de le faire dans la niche du vélo amateur, ce n’est pas gagné.
Pour ma part, j’évalue mes sorties par des impondérables non par quelques scores à la con, encore moins en me comparant à des partenaires ou des adversaires d’un jour. Aujourd’hui, l’air était merveilleusement paisible dans les Alpilles, pas la moindre brise, la végétation ne bronchait pas sur le ciel immaculé, comme en attente d’un évènement extraordinaire. C’était sublime.