En découvrant l’association américaine Bikepacking Roots (BPR), et surtout la carte de leurs traces, je me suis dit que rien de semblable n’existait en France. La mission de BPR : promouvoir le bikepacking, réunir la communauté des bikepackers, créer des traces interconnectées, les maintenir…

Sur un coup de tête, j’ai dit que nous pourrions créer une telle association en France et, vu l’intérêt suscité, j’ai lancé un groupe BPRf pour que nous puissions discuter d’une telle association, sachant que notre situation est très différente de celles États-Unis. Par exemple, la FFC entretient de nombreux circuits, tout comme les régions ou les départements.

Carte de BPR
Carte de BPR

C’est quoi le bikepacking

À minima, les membres de la BPRf devraient s’entendre sur une définition du bikepacking. Toute définition est clivante, mais si nous voulons nous réunir et œuvrer ensemble, il nous fait être d’accord sur quelques fondamentaux.

Pour savoir ce qu’est le bikepacking, il suffit de regarder l’Instagram de BPR. Vous voyez beaucoup de vélos de route ? Nous ne devrions même pas discuter de ce point, mais le mot étant sexy, tout le monde tente de se le réapproprier en France, surtout la FFV. La raison est assez simple : il suffit de jeter un œil à Google Trends. Alors que le cyclotourisme baisse en popularité, celle du bikepacking augmente.

Cyclotourisme vs bikepacking
Cyclotourisme vs bikepacking

La raison est civilisationnelle et elle ne va pas s’inverser : nous n’en pouvons plus du bruit, du béton, des voitures, de l’asphalte, nous avons envie de nous reconnecter à la nature. Le bikepacker aime dormir dehors, loin de tout, au milieu d’une forêt, au sommet d’une montagne, au bord d’un ruisseau. Il aime dormir là où aucune route ne va, où il ne risque pas de rencontrer des camping-cars ou des voitures. Voilà pourquoi imaginer un bikepacking avec un vélo de route n’a aucun sens. Utiliser du matériel de bikepacking ne fait pas de nous des bikepackers. Ces les traces qui nous transforment en bikepackers. Voilà pourquoi une BPRf aurait tout son sens, en promouvant des traces dans un pur esprit bikepacking.

Par ailleurs, les routes asphaltées étant par nature entretenues par les collectivités publiques, la maintenance des traces qui les empruntent n’a pas beaucoup de sens. L’association pourrait se nommer Bikepacking Hors Asphalte (BHA). Un pléonasme peut-être utile.

Selon moi, une sortie devient bikepacking dès qu’elle implique au moins une nuit dans la nature, peu importe sa distance et sa difficulté.

Le but premier de la BPRf

Créer et interconnecter de magnifiques traces bikepacking, peu nombreuses mais de qualités, documentées, maintenues, de façon que chacune fabrique sa propre mythologie.

Le champ d’action de la BPR aux États-Unis est bien plus vaste, mais il faut sans doute commencer modestement, d’autant que les traces seraient la colonne vertébrale de la BPRf.

Pourquoi une BPRf

BPR m’a surtout fait de l’œil par ses cartes, mais il ne s’agit pas d’un énième site de partage de traces. Son but est de fédérer des traceurs et des bikepackers qui maintiennent quelques traces iconiques et souvent interconnectées dont la qualité est garantie, ainsi que le niveau de difficulté clairement défini.

BPR promeut une offre libre, indépendante, gratuite, coopérative. Elle démontre la possibilité d’un bikepacking non marchand face aux offres de plus en plus nombreuses d’épreuves bikepacking payantes. Un des grands principes du capitalisme est de rendre rare ce qui est par nature abondant. Appliqué au bikepacking, cela donne des évènements programmés à date fixe, une fois par an en général, avec un nombre d’inscriptions limité et des tarifs de plus en plus élevés.

Bien sûr les organisateurs défendent la rareté de leurs évènements par des contraintes organisationnelles et justifient leur tarif pour recouvrir leurs frais, dont une partie incombe à la promotion, et donc à la plus grande popularisation des évènements de façon que les participants se multiplient ou que les tarifs augmentent, toujours dans un but de la raréfaction. Par exemple, les Badlands 2022 ont été sold out en dix minutes, tarif 250 €, 150 participants.

Je ne suis pas un ennemi invétéré du capitalisme, mais voilà comment il fonctionne. Quand c’est possible, et c’est souvent possible quand l’offre est immatérielle, il me semble intéressant de proposer des alternatives. Plutôt qu’organiser à deux ou trois, on peut le faire coopérativement, en s’appuyant sur des compétences locales. Puisqu’on n’a aucune ambition de rentalibilité, ou même d’atteindre un point d’équilibre, on maintient la gratuité. Rien n’empêche de créer des rendez-vous, mais sans leur donner plus d’importance qu’en Individual Time Trial.

Pour que le bikepacking ne se raréfie pas artificiellement, il est important que des bénévoles promeuvent des traces ouvertes. Rien d’antinomique avec les épreuves payantes, mais la nécessité de proposer des offres dans un autre état d’esprit s’impose, peut-être avec d’autant plus d’urgences que le monde a besoin d’un autre état d’esprit. Je doute que le seul capitalisme réussisse à nous sortir de la crise climatique. Il est donc important d’expérimenter des alternatives, pourquoi pas dans le bikepacking, dont l’ancrage territorial est capable de nous faire prendre conscience de façon intime des problèmes écologiques, de nous porter sur un autre rythme de vie, de nous faire toucher du doigt une autre forme de fraternité.

La BPRf serait souple

On m’a tout de suite opposé que la BPRf ferait double emploi avec la FCC ou autre. Sauf erreur, il n’existe pas une fédération française du bikepacking, même si la FFV aimerait s’approprier le mot pour redorer le blason du cyclotourisme. Par ailleurs, les grandes fédérations sont liées à l’État, et quand elles proposent des traces, leur cahier des charges est si épais qu’elles finissent par offrir des traces pas toujours attrayantes, et surtout qui ont rarement été pensées dans la perspective du bikepacking.

J’ai donné l’exemple de la GTMC qui souvent enchaîne des difficultés inutiles, des détours sans le moindre attrait cycliste ou culturel ou esthétique, qui dans mon secteur évite avec systématisme et malice les plus beaux singles, ce qui me laisse supposer qu’il en va partout de même. Les traceurs se limitent aux terrains publics ou aux terres privées conventionnées. Je n’imagine même pas l’usine à gaz.

Quand je roule ou trace, je ne me pose pas sans cesse la question de savoir chez qui je suis. Quand je vois un panneau interdiction, je fais demi-tour. Quand un jour un propriétaire me dit que je suis chez lui et que ça l’emmerde, je modifie ma trace et lui suggère de mettre des panneaux. Ainsi les traces évoluent, des singles d’évitement se forment, le territoire vit. Il me semble que la BPRf pourrait adopter une stratégie souple et respectueuse, sans devenir une usine à gaz administrative. Le but : proposer des traces passionnantes autant côté pilotage que découverte du territoire.

Les traces

La BPRf rechercherait la qualité, plus que la quantité, contrairement aux sites de partage. Les traces ne seraient publiées qu’une fois testées et nous nous engagerions à ce que des membres de l’association les roule au moins une fois par an pour les vérifier. De même, nous les ferions évoluer au fil des retours et des trouvailles.

J’ai découvert que les traces proposées par les locaux étaient souvent plus jouissives que celles proposées par des extérieurs. La BPRf s’appuierait sur des expertises locales. Voilà qui suffit à militer pour la coopération et l’ouverture.

Les traces devraient être agrémentées d’un road book et aussi enrichies de points d’intérêt (points d’eau, alimentations, cafés…). Par exemple, je trouve désolant que la GTMC soit livrée brut de décoffrage, avec des GPX imprécis et pas mis à jour depuis des années. Pour ceux qui aiment partir à l’aveuglette, il suffirait de ne pas consulter ces informations, mais je crois que pour promouvoir le bikepacking on doit fournir des traces clé en main pour que le voyage ne soit que du plaisir (il se passe toujours des choses extraordinaires quand on pédale, même quand on croit avoir tout préparé).

La BPRf ne baliserait pas ses traces, par souci d’économie, par respect de l’environnement, parce qu’une trace doit se donner la possibilité d’évoluer sans cesse. En revanche, elle proposerait des tutos pour bien expliquer l’usage des GPS ou des apps GPS.

Les traces de la BPRf seraient pensées comme des histoires territoriales et culturelles. Elles n’auraient pas pour but d’enchaîner le maximum de difficulté en un minimum de distance.

La BPRf n’aurait pas pour but d’ouvrir de nouveaux chemins, mais d’utiliser ceux qui existent, qu’ils soient officiels ou nés de l’usage, et entretenus par l’usage.

Les services de la BPRf

Il faudrait sans doute commencer le plus simplement possible. À côté des traces, la BPRf pourrait peut-être proposer une assurance à ses membres. Je sais que les assurances individuelles suffisent dans la plupart des cas, mais, dès qu’on part en groupe, il y a potentiellement des risques pour les organisateurs. Quand j’organise des 727/i727, je demande aux participants de passer par une assos tierce qui nous assure pour quelques euros (parce que si un gros pépin survient, l’assurance du blessé peuvent se retourner contre l’organisateur, même s’il est officieux).

BPRf disposerait d’un site Web pour présenter ses services, son travail, ses traces, elles-mêmes seraient hébergées chez des partenaires (sachant qu’en France aucun site de partage n’est au niveau de RideWithGPS, en offrant la possibilité d’enrichir les traces de points d’intérêt).

But non lucratif

Association pourrait accepterait des partenariats avec quelques marques, mais dans ce cas dans la plus grande transparence.

Toutes les publications seraient sous licence Creative Common 0. Rien n’empêcherait des tiers d’organiser des épreuves sur les traces de la BPRf qui d’ailleurs forcément se superposeront par endroits à d’autres leur préexistant. Par exemple, mon 727/i727 emprunte parfois des traces FFC.

La BPRf serait le contraire d’une fédération. Elle ne se donne pas pour but de représenter les bikepackers ou de parler en son nom.

Idéalement son mode de fonctionnement serait le plus horizontal possible, chacun œuvrant dans le domaine où il est compétent (pas de président ou autres têtes couronnées).

Le statut juridique

Il ne faut pas me poser cette question. Je suis allergique aux paperasses. Je suis tellement roots que je pense qu’on peut tout faire à la bonne franquette. Dans les faits, je sais que c’est plus compliqué. Je laisse ceux qui se sentent de prendre le lead sur ce sujet.

Trop de politique ?

Ce document est un pur jus de crâne où se mêle ma propre philosophie et des réponses aux questions initialement posées sur le groupe. Il peut tout au plus servir de base de travail et je le ferai évoluer au fil des échanges. Certains le trouveront sans doute trop politique, mais j’ai tendance à penser que tout est politique dès que nous interagissons dans la sphère sociale et géographique, ce qu’est exactement le bikepacking.

À faire

  • Déterminer si nous sommes assez nombreux pour faire avancer le projet.
  • Réunissons-nous toutes les compétences nécessaires ? Par exemple, je peux aider sur les traces, le site web, l’éditorial… mais surtout pas sur l’administratif.
  • Cahier des charges de la BPRf.
  • Format juridique ou pas.
  • Tenter de rassembler quelques traces pour créer une colonne vertébrale à travers la France.

On continue la discussion sur le groupe…