À l’occasion des Utopiales 2022, je participe à la table ronde « Le cerveau des extraterrestres est-il comme le nôtre ? » Avec quelques questions subsidiaires : « L’extraterrestre, s’il venait à notre rencontre, pourrait-il communiquer avec nous ? Les références culturelles communes manqueront sûrement… Mais qu’en serait-il de la cognition ? Comment envisager le premier contact avec qui ne pensera sans doute pas de la même façon que nous ? »
Comme je n’ai jamais rencontré d’extraterrestres, j’aurais du mal à dire quelque chose de pertinent, sauf peut-être à remarquer que j’ai déjà du mal à discuter avec nombre de mes semblables, alors peut-être que ce ne sera pas pire avec des extraterrestres.
Je suis invité aux Utopiales parce que One Minute s’apprête à sortir dans les librairies françaises et parce qu’il y est justement question d’un hypothétique contact avec des extraterrestres. Entre deux courses poursuites, je discute de leur intelligence éventuelle, et de l’intelligence en général.
En 2015, quand j’écrivais le roman et le publiais en feuilleton, j’ai découvert que le cerveau des homo sapiens avait atteint une taille maximale peu avant la sédentarisation du néolithique, puis s’était recroquevillé pour se stabiliser à la taille actuelle.
Cela m’a fait penser à une théorie de Stephen Wolfram : il existerait un maximum de complexité dans l’univers. Il étaye cette hypothèse en analysant les automates cellulaires, des univers miniatures, qui, en effet, manifestent des maximums de complexité. Il extrapole en supposant que tout univers reposant sur des lois naturelles possède un maximum de complexité.
On est dans la spéculation, mais la SF s’en amuse, et je me suis demandé si au cours de l’évolution nos cerveaux n’avaient pas tendu vers le maximum de complexité, faisant marche arrière quand leur taille ne leur apportait pas davantage d’intelligence. Par essais et erreurs, nous nous serions approchés de ce maximum. Et si tel était le cas, on peut supposer que les extraterrestres ont réussi la même prouesse. Et donc techniquement, nous serions également « intelligents » ou également « conscients » ou également « sensibles ».
Dans One Minute, pour soutenir la théorie de Wolfram, je suppose que si un maximum de complexité n’existait pas, rien n’aurait empêché des cerveaux de grossir de plus en plus, et pourquoi pas des cerveaux non biologiques, et rien n’aurait entravé leur croissance, en quelques milliards d’années ils auraient eu le temps de gangrener l’univers et de le dévorer. Mais nous n’observons nulle part ces gloutons. Ce qui en quelque sorte donne du crédit à l’hypothèse de Wolfram. Quelque chose, et pourquoi pas un maximum de complexité, limite la connerie.
Imaginons que nos cerveaux aient atteint le maximum de complexité. Nos arts joueraient alors avec le sublime maximum, et ceux des extraterrestres aussi, et peut-être que c’est à travers l’art que nous réussirons le plus sûrement à communiquer.