Si vous me lisez régulièrement, vous savez que, tout au long de 2023, j’ai écrit avec les IA et sur les IA, expérimentant en tout sens (et je continue). J’ai consacré l’essentiel de mon temps au Code Houellebecq.
Ce roman revisite le mythe de Faust dans le contexte contemporain de l’édition et des IA. Il se centre sur un éditeur ambitieux qui, dans sa quête du prix Goncourt, fait appel à une IA pour écrire son roman de l’année. La réalité rattrape déjà cette dystopie puisque le Goncourt japonais vient d’être attribué à une œuvre partiellement écrite par une IA.
Le Code Houellebecq n’est ni un polar ni à proprement parler un thriller psychologique, bien que le crime concerne la profession des auteurs (un crime annonciateur de l’assassinat en règle de nombreuses autres professions). J’ai choisi ce sujet parce que je vis en tant qu’auteur des bouleversements irréversibles. Pour moi, il y a déjà un avant et un après l’émergence des IA génératives. Elles ouvrent de nouvelles possibilités, en referment d’autres. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle époque.
Dans Le Code Houellebecq, j’essaie de discuter des bouleversements contemporains avec humour et parfois cynisme. Mon éditeur demande à une IA d’écrire sur Houellebecq à la manière de Houellebecq. Pourquoi lui ? Parce qu’il a un style caractéristique, dont j’apprécie la sobriété et le piquant. J’aurais pu choisir un autre contemporain, mais ça aurait été moins drôle et moins percutant. Et puis, Houellebecq est selon moi déjà en train d’écrire avec les IA comme il a écrit avec Wikipédia en un autre temps.
Après avoir accepté le manuscrit, avoir influencé sa direction, La Manufacture de Livres a fini par le refuser pour des raisons qui me paraissent encore obscures. Peu importe, je continue d’apprécier Pierre Fourniaud. J’ai depuis passé tout l’automne à retravailler le texte, aboutissant à la structure totalement repensée. Maintenant, il me paraît important de diffuser le roman, parce qu’il marque une date et un changement de paradigme tant dans ses méthodes de production que par les thématiques abordées.
Pourquoi pas me contenter de l’auto-publier, comme je l’ai déjà fait pour certains de mes textes ou leurs rééditions ? Avant tout parce que quand je collabore avec un éditeur, je vais plus loin dans le travail. Je ne m’arrête pas quand je pense avoir terminé, mais quand lui le pense, ce qui me pousse à sans cesse me remettre en question. L’autopublication, c’est trop confortable. Un satisfecit à bas coût. Je ne m’y résous qu’à regret, pour faire exister des textes qui resteraient sinon dans mes tiroirs (où il y en a déjà beaucoup trop).
Par la suite, un texte publié se retrouve en librairie, et j’aime les libraires, parce qu’ils défendent nos livres bien mieux que n’importe quel influenceur numérique de pacotille. Ils poussent nos textes partout sur le territoire, ils sont une force décentralisée de promotion de la lecture, une puissance culturelle de premier plan qu’il me paraît dangereux de négliger.
Enfin, passer par les libraires et par un éditeur, c’est toucher des lecteurs autres que ceux qui me connaissent déjà et qui peuvent se procurer mes livres édités en direct. J’ai commencé à envoyer des mails à des éditeurs que je connais ou que des copains auteurs m’ont conseillés. Je me retrouve à 60 ans dans la peau d’un débutant avec un manuscrit brûlant. N’hésitez donc pas à faire circuler ce billet et à le mettre entre de bonnes mains. Le manuscrit du Code Houellebecq n’attend qu’à être lu, critiqué, retravaillé encore et encore avant d’être proposé au public.