Mercredi 1er, Balaruc

Je traverse l’univers à plus d’un million de kilomètres-heure. Mon hyperactivité reflète l’hyperactivité universelle. Même quand je dors, je bouge, dans l’espace et l’imaginaire.

Vendredi 3, Balaruc

Un auteur écrit et il découvre sont texte publié avant même qu’il l’ait terminé, ses phrases, ses pensées, déjà amenées au bout, nettoyées, approfondies, ciselées, meilleures que celles auxquelles il aurait abouti. Le sujet d’une fiction en passe de devenir réalité.


« Ça passe, ça court, comme les nuages… » Note pour annoncer la publication du journal d’avril. J’aime ces phrases qui sortent d’elles-mêmes, celle-ci pour répondre à la photo d’ouverture. J’ai choisi encore une fois un all over, presque identique à celui de mars. J’aimerais être attentif aux détails, mais le général m’attire. J’aurais été un bon prêtre.

Samedi 4, Balaruc

Philippe se demande pourquoi écrire et cite Beckket qui répond « Bon qu’à ça ». J’admire cette concision. Pour l’imiter, je répondrais « C’est mon héroïne » ou  « L’écriture est mon héroïne », pour mieux insister sur la polysémie de « héroïne ».


Dans son journal, Kafka parle de lui et de ses personnages, propos difficiles à démêler, étranges flous.

« J’habitais totalement dans l’idée qui me venait à l’esprit, tout en accomplissant chacune, et dans lesquels je me sentais non seulement aux limites de moi-même, mais aux limites de l’humain lui-même. » Voilà pourquoi j’écris, parce qu’il m’arrive dans ces moments d’éprouver exactement ce dont témoigne Kafka.

« Quelqu’un qui ne tient pas de journal est dans une position fausse en face d’un journal. » Une seule phrase qui décrit une action anodine, comme ranger des paperasses, peut laisser croire que l’auteur ne fait que ça de toute une journée. Le journal ne saurait être le récit maniaque d’une vie. Le journal est moins réaliste qu’une biographie. Et pourtant combien plus vivant. Je commence à entrer dans l’âme de Kafka, il me devient plus proche qu’à travers ses livres que j’ai lu il y a bien longtemps.

Dimanche 5, Balaruc

Dans ma chambre, la porte-fenêtre provoque des superpositions visuelles. Sète se retrouve mixé à Balaruc. J’observe ce phénomène depuis des années, mais je crois que je le photographie pour la première fois. Ces images me disent un autre monde qui pourrait être.

Transparence
Transparence
Transparence
Transparence

On sait qu’on aime quelqu’un quand l’idée de sa mort nous terrifie. On est fou de quelqu’un quand on ne pense même pas qu’il pourrait mourir.


La difficulté n’est pas d’écrire un livre, mais de ne pas en écrire un de plus. La difficulté n’est pas de parler, mais de se taire. J’attends qu’une idée me saisisse, un enthousiasme soudain qui me portera durant des mois, et ce n’est absolument nécessaire que pour moi. En même temps, sans cette force qui s’empare de moi et des autres créateurs, le monde réduit à son état de nature serait bien moins passionnant. Alors, accepter d’être pris, de prendre encore une fois le risque, tout en sachant que quoiqu’il arrive surviendront des shoots de bonheur.

Sète
Sète
Sète
Sète

Dimanche 12, Balaruc

Retour de bikepacking avec les copains. J’ai attendu tard dans ma vie pour vivre ces expériences et je les goûte doublement. Je ne connais pas grand-chose d’aussi intense, peut-être la création quand je suis totalement immergé dans un projet d’écriture, mais sans le bonheur du partage immédiat.

Lundi 13, Balaruc

Depuis ce matin, des hélicos survolent la maison, des cars de CRS s’alignent le long de l’étang, tout ça pour la flamme olympique qui, bientôt, passe sous notre nez au large de la maison. Même pas envie de prendre une photo tant ce tintamarre est ridicule. Les organisateurs des JO prétendent à un évènement neutre en carbone. Les cancres. Rien qu’aujourd’hui ils ont dépensé des tonnes de kérosène, mobilisé des centaines de véhicules. Ils n’ont rien compris, ils ne veulent rien comprendre. Le sport, je viens de le célébrer dans les garrigues avec les copains, loin de toutes ces conneries.

Mardi 14, Balaruc

Même Kafka n’est pas toujours passionnant. J’ai aussi droit à des moments de faiblesse, surtout après 550 km de VTT hardcores. Encore du mal à remettre le cerveau en route.


Les analystes s’extasient devant le nouveau modèle d’Open AI et je trouve la synthèse vocale si laborieuse que j’ai envie de la gifler. Je n’ai jamais parlé aussi lentement à mes fils, même quand ils avaient 2 ans.


Peu à peu les créateurs comprennent que les IA ne créeront pas à leur place, mais qu’ils créeront avec elles.

Mercredi 15, Balaruc

Agatha Christie aurait souffert d’Alzheimer d’après une ancienne étude que me pointe Ploum. Nous nous amusons à anticiper le moment où les IA analyseront nos dégénérescences en lisant nos textes.

Jeudi 16, Balaruc

J’arrête les frais avec Genlog V1. Plus de serveur dédié, plus d’exécutions quotidiennes. Je ferai tourner le code sur ma machine, avec des scénarios que je changerai de temps à autre. Je veux que cette expérience vive et se renouvelle. Elle sera ma plateforme pour suivre les évolutions technologiques. Les IA deviennent tous les jours si puissantes que faire avec elle ce qui était tout juste possible il y a quelques mois devient désormais sans le moindre intérêt. Il ne s’agit plus de leur demander d’écrire des romans, mais de se demander comment elles peuvent devenir des outils dans notre arsenal d’écrivain.

À vélo
À vélo

Samedi 18, Balaruc

Depuis Agde
Depuis Agde

Dimanche 19, Balaruc

Virginia Woolf : “A self that goes on changing is a self that goes on living.” Est-ce que je change ? Les autres disent que oui plus que je ne le perçois. Je change en devenant moins excessif même si je conserve une réserve quasi inépuisable d’excès. Les autres me deviennent insupportables quand ils manquent de retenue. J’aime les excès supportables et m’excède de ceux qui ne le sont pas.

Je crois que j’ai abandonné l’idée d’écrire un livre de plus, à tout prix. En ce moment même, les auteurs par centaines s’agglutinent comme des mouches sur la place de la Comédie à Montpellier. Je suis heureux de ne pas en être, de ne pas participer à un rassemblement qui comme beaucoup d’autres n’a plus le moindre sens dans une société qui souffre des accumulations excessives.

Envie d’être un écrivain sobre, ce que j’ai entrepris depuis le début de l’année par une approche technique, en révisant mes outils et je continue, mais cette transformation gagnera ma prise de parole et mes textes, je l’anticipe. Je ne cesserai pas d’écrire et de publier, mais il faut que ce soit autrement, j’en éprouve le besoin, j’en ressens la nécessité. Ce n’est pas en imitant les autres, en voulant m’asseoir derrière une table derrière une pile de papier, que j’existerai en tant qu’auteur et surtout qu’humain.

Je suis heureux, accompli, quand mes actes ont du sens, même quand peu de gens s’en rendent comptent. Quand j’organise mes évènements bikepacking, ça fait sens, pour moi, pour les participants, pour l’époque. Quand je simplifie la chaîne de l’édition, ça fait sens écologiquement et philosophiquement, ça fait sens dans mon rapport au monde. Quand j’écris ce journal, ça donne du sens à ce que je fais quand je ne l’écris pas, et ce sens se propage.


J’aime les histoires, mais suis affligé par celles imaginées par mes contemporains, et je suis incapable de faire mieux qu’eux. J’aime les histoires parce que j’ai aimé les histoires et non parce que j’en trouve aujourd’hui à aimer. Je voudrais tenter encore une fois d’en écrire une, mais toujours la force me manque, peut-être de peur de l’échec, parce que je sais que je n’irai pas loin et retomberai dans les clichés. Me sens incapable de dépasser One Minute, peut-être repartir de là.


La renonciation préluderait les changements. Est-ce que renoncer à une chaîne de production technique influencera ma production ? Est-ce un prélude ? J’en ai l’intuition, parce que cette expérience m’a placé dans un nouvel état d’esprit. Raconter l’histoire d’un homme qui a tout, et peu à peu s’en dépouille pour devenir toujours plus heureux. C’est Siddhartha, et d’une manière générale de tous les récits initiatiques. Alors, abandonner l’idée même d’écrire un livre de plus.

Vendredi matin, en route vers le lycée, Émile m’a dit : « Tu n’as pas besoin d’écrire un livre de plus, mais juste de faire ce que tu as envie. » C’est peut-être en abandonnant l’idée d’un objet normalisé, le livre, et toute l’industrie qui l’accompagne, que je me libérerais d’un immense poids en tant qu’auteur. C’est là que je me trouve, ici même. Non ?

Je repense à vendredi matin, et à tous les matins où je passe vingt minutes en tête à tête avec Émile, et où nous parlons, où surtout je parle et lui transmets ce que j’ai appris de la vie. Ce moment me manquera quand Émile quittera le Lycée, dans un an. Un moment que je n’ai pas connu avec Tim, parce que nous étions rarement seuls tous les deux, la voiture transformée en transport scolaire où trois gamins s’enfermaient dans leur bulle (mes fils et un de leur copain). Il nous arrive encore avec Émile d’être en nous-mêmes, mais souvent nous échangeons, et cette expérience n’a pas de prix.

Il me semble que je dois davantage parler de ma vie, d’en donner des détails factuels, parce que ces détails manquent au début du journal de Kafka, et la lecture devient trop désincarnée, la chair de l’auteur s’effaçant au profit de trop d’abstractions.


Je ne suis pas du genre à renoncer face à un problème. Ce n’est pas moi. Renoncer ne me devient possible qu’une fois un obstacle, une obsession ou un rêve dépassés. Le plus difficile est peut-être de renoncer à ce qui est là sans être perçu. J’ai renoncé aux réseaux sociaux après un burn-out prélude à une prise de conscience. De même, je renonce à des outils quand leur usage m’insupporte. Peut-être que reconnaître l’insupportable et m’en défaire est déjà une grande force. À trente ans, j’ai renoncé au salariat, puis à gagner toujours plus. Ma vie n’est finalement qu’une histoire de renoncements. J’espère renoncer à la vie le plus tard possible.

Adam Phillips : « The question is always: what are we going to have to sacrifice in order to develop, in order to get to the next stage of our lives? » Ces moments surviendront, il me faudra renoncer à des choses que je croyais vitales. Un jour, je renoncerai au vélo, par exemple. Mais il me sera plus difficile de renoncer à des points de plus grande centralité.


J.A. Baker : « I do not believe that honest observation is enough. The emotions and behaviour of the watcher are also facts, and they must be truthfully recorded. » Impression que je ne suis pas allé au bout avec mes récits vélo, que je dois leur donner plus de force. Comment faire comprendre que je ne me sens jamais aussi libre que quand je pars avec des copains et que nous nous enfonçons dans la nature loin de l’asphalte et du bétonnage ? Parler de ce que je vis avec intensité. Ne pas raconter des blagues.


Une minute de bonheur. Essayer de raconter des bonheurs. Je devrais commencer par publier mes émerveillements de 2019.


Ça me pendait au nez, mon NAS a explosé en plein vol. Logiquement, tout est à peu près sauvegardé (un comble pour un système de sauvegarde).

Lundi 20, Balaruc

Isa me pointe un article sur la médiasphère facho, où une chaîne YouTube se veut « la grande peur des bien-pensants », en hommage au jeune Bernanos. Je les sens partout, ces saligauds, avec leurs idées vénéneuses, et leurs penchants corruptifs. Mais c’est plutôt les gens de mon espèce qui doivent leur foutre la trouille, parce que nous ne pensons ni comme eux ni comme leurs adversaires, quant à leurs pensées, elles nous terrorisent parce qu’elles ont démontré au cours des siècles, et notamment du XXe, leur macabre dangerosité. Quand tu as peur de l’autre, tu as la peur et l’autre avec elle.

Mardi 21, Balaruc

Je viens de me débarrasser de Pocket, un service que je croyais indispensable depuis que je lis des articles sur mon mobile. C’était bien pratique de bookmarquer des références pour les retrouver plus tard, mais tout est parti de travers, jusqu’à ne plus jouer en conjonction de FlipBoard. Je découvre que l’exportation de l’historique est quasi impossible pour les non-développeurs, les utilisateurs encore une fois pris en otages. Ce n’est pas mieux avec le concurrent Raindrop.io. Il y a bien des alternatives ouvertes comme Shaarli ou LinkAce, mais non, encore trop compliqué, quand quelques lignes de Python font le job. Pour partager, j’envoie désormais directement dans une note Obsidian (et ça pourrait être n’importe quel autre outil de prise de notes). Mon script viendra sucer ces données de temps à autre pour les archiver et les mettre en forme. Au passage, je télécharge le contenu des articles pour effectuer des recherches en plain text.

Sans les IA à mes côtés, je ne lancerais pas dans ces codages, qui me prendraient beaucoup plus de temps, contrairement à ce que certains dev prétendent. Oui, moi, je gagne du temps, et j’ose des choses que je n’osais plus. Les IA c’est potentiellement la mort de tous les produits de merde qui se nourrissent de la crasse ignorance de leurs utilisateurs.

Jeudi 23, Balaruc

L’envie monte, encore informe. Un bouillon de pure énergie exerce une forte poussée vers l’extérieur, si forte qu’elle provoque des douleurs. Dehors l’été se refuse, comme s’il attendait que je sois prêt.


Petite sortie vélo solo au bord des étangs. Je rentre sans trop forcer. À deux kilomètres de la maison, j’ai l’impression qu’une main me saisit le cœur et le serre très fort, puis le relâche tout de suite. Je termine la balade comme si de rien n’était. Trop de fatigue, trop d’énervement, de pensées noires ? Philippe me dit qu’il faut faire un bilan cardio pour éliminer un spasme coronaire.

À Vélo
À Vélo
Classique
Classique

Vendredi 24, Balaruc

Dans un salon, devant des passants indifférents, un auteur lit son roman en slip. Voilà un beau résumé de la littérature contemporaine et la guerre pour attirer l’attention. Refus définitif de cette mascarade.


Ai-je exagéré hier en disant que les écrivains qui travaillent encore avec Word ne peuvent pas être contemporains ? Ce que je veux dire, c’est que sans conscience des mécanismes sous-jacents de l’époque, il ne peut y avoir de contemporanéité, et sans contemporanéité aucune chance de parler à des lecteurs comme moi, et, je crois, aucune chance de garder un intérêt pour nos successeurs.

Si j’écris, c’est pour m’ouvrir les yeux, peut-être ceux de mes lecteurs, mais aussi parler à ceux qui viennent après-moi, à mes enfants, leurs enfants. Nous ne sommes plus nombreux à partager cette idée de la littérature, tant tout le monde cherche à attirer l’attention immédiatement, à faire que les yeux s’ouvrent sur soi et non sur le monde. Même les scientifiques entrent dans ce jeu délétère. Je lisais plus tôt qu’une équipe avait trouvé une pilule de jouvence, mais sans avoir réellement effectué d’étude expérimentale complète. Le but est moins le résultat que de captiver, là, tout de suite, pour la gloire éphémère et peut-être engranger quelques bénéfices immédiats.

Samedi 25, Balaruc

Je ne sais plus quoi écrire d’autre que ce journal, parce que les IA ne sauraient l’écrire. Et elles ne peuvent pas l’écrire parce qu’il s’agit de ma vie, de ce qui me traverse. Elles pourraient le mimer, mais jamais être réalistes, puisqu’il s’agit de ma réalité.

Quand est-il de tous ces romans qui paraissent ? La victime était chauve, l’enquêteur portait un chapeau vert, la coupable était une ancienne star du X. Il est facile d’inventer une infinité de variations comme dans le jeu du Cluedo. Les auteurs y mettent du leur, mais comme ils respectent pour la plupart des conventions narratives, ils sont imitables, et leur style encore plus facilement imitable que leurs histoires.

Je ne peux m’épanouir dans l’écriture que si j’ai la sensation de défricher la jungle. Rouler sur l’autoroute de la littérature marchande ne m’a jamais passionné. Je suis un explorateur qui aime les surprises. Donc être radical. J’en arrive toujours à la même conclusion alors qu’en vieillissant on devient généralement beaucoup plus conservateur.

Je vais devoir me forcer, quitte à renoncer vite, tenter des choses, parce que ce n’est pas en passant ma vie à m’interroger que je trouverais des réponses. Elles ne jaillissent que dans le faire.


Les commentateurs américains ne cessent de balancer des éloges du nouveau modèle 4o d’Open API et de l’appli ChatGPT. OK, le truc est devenu super rapide, mais beaucoup trop bavard. Il est presque impossible de le faire taire quand je code, quand à l’appli je la fais planter en moins de deux, et suis obligé de revenir à la version Web.

Dimanche 26, Balaruc

Tôt avant le vélo. Une vidéo de François, parce que même si je ne fais presque rien comme lui, il est un des seuls à me parler, et je l’écoute souvent, parce que nos différences me nourrissent. Il n’a qu’un mot à la bouche ce matin : « plateforme » alors que je me désengage peu à peu de la plupart des intermédiaires, parce que je considère les plateformes comme des dévoreuses d’âmes, et surtout de ressources, les miennes et celles de la planète.

YouTube, Patreon, Linktree ou je ne sais quoi ne sont que des miroirs aux alouettes pour qui ne peut exister par lui-même dans l’espace numérique. Des outils imaginés pour les déficients techniques, pour les exploiter, leur vanter des services mémorables qui ne sont en vérité que de grands filets de pêche dans le capitalisme des données. Jouer avec les plateformes sans être soi-même capitaliste, c’est se soumettre à leur juridiction. J’aime trop la liberté pour cette forme d’esclavage. Je préfère mon indépendance dans ma petite île du web, qui m’aime me trouve. J’envisage d’ailleurs de réactiver les commentaires sur le blog, parce que oui comme François je sais l’importance de la communauté, mais je ne peux plus me résigner à en déléguer la gestion à des tiers dont le principal intérêt est d’augmenter leur propre base clients.

Imaginez où nous en sommes arrivés. Linktree, par exemple, se résume à créer une page de liens pour y rassembler une vie numérique dispersée sur d’autres plateformes. On a désormais besoin de plateformes de plateformes. Et puis quoi encore ? Plutôt qu’aider les gens à gagner leur indépendance, à se débrouiller seul, à leur donner les outils pour leur existence numérique, on les abreuve de prétendues solutions clés en main qui les abrutissent dans la fainéantise intellectuelle. On leur dit « Surtout ne développez aucune aptitude technique sinon vous n’aurez plus besoin de nos services centralisés par le goulot desquels vous devez passer pour que nous nous enrichissions. »

Mais tout cela risque de s’achever avec les IA, parce qu’elles augmentent potentiellement l’intelligence de chacun. Elles m’ont redonné le goût du code et le moyen d’entreprendre des projets qui auraient été au-delà de mes forces d’aujourd’hui. J’ai toujours l’espoir que collectivement nous reprenions en main les clés de notre vie. François ne dit pas autre chose puisqu’il se bat pour la création indépendante, mais je ne crois pas qu’elle puisse prospérer en s’appuyant sur des tiers qui ont tout autre chose à gagner que nous. Tourner le de dos à la vieille chaîne du livre pour s’enchaîner à celle des plateformes est du pareil au même.

Nous en sommes arrivés au point où la plupart des gens oublient que YouTube n’est pas un service public. Ils parlent de YouTube presque avec vénération, mais dites-leur de mettre à la place un autre nom de marque et ils s’étoufferaient (remplacez YouTube par EDF, France Telecom, Tesla…). Ils passent leur vie à faire de la promotion gratuite pour un service de Google. C’est comme s’ils se transformaient en hommes-sandwichs avec une publicité sur le ventre, une autre dans le dos, leurs jambes à peine capables de bouger avec juste de la place pour que leurs yeux voient le trottoir où ils se dandinent maladroitement, parce qu’ils sont trop gros de trucs inutiles.

Je n’aspire qu’à vivre en minimisant les intermédiaires. Les supprimer tous, non, je sais que ce serait illusoire, mais les minimiser, parce que chacun me suce une partie de ma sève. Je prends conscience que je me suis engagé sur ce terrain depuis ma déconnexion de 2011. Mes déboires avec Ulysses m’ont réveillé jusqu’à ce que je mesure la monstruosité des CMS comme WordPress. Notre identité numérique devrait se réduire à notre nom de domaine. Toute notre vie numérique devrait idéalement être sous cette unique bannière. Un nom de domaine gratuit devrait être offert à la naissance et pour l’éternité.

Palavas
Palavas
Pic Saint Loup
Pic Saint Loup

Lundi 27, Balaruc

Nous sommes entrés dans l’ère du capitalisme de plateforme. On ne peut plus pisser sans une plateforme. Regagner sa liberté, c’est abandonner plateforme après plateforme.

Mardi 28, Balaruc

Je refusais d’en parler, sinon en vague allusion. Le verdict tombe, on craignait le pire depuis des mois et le diagnostic est finalement confirmé, Isa a un cancer anormal, bizarre, auquel personne n’a pensé jusqu’à ces dernières semaines. J’écris ces mots alors qu’elle effectue une prise de sang, parce que je ne sais comment affronter la dureté du monde autrement. Je ne sais même pas quelle attitude nous adopterons vis-à-vis de l’extérieur. Être transparent ou se taire ? Je crois à l’importance de la parole. Isa, aussi, mais j’ai du mal à m’imaginer dans sa tête et je sais qu’elle s’effondrera quand nous quitterons l’hôpital. Voilà, c’est dit. Maintenant, continuer à vivre.

Jeudi 30, Balaruc

L’étang
L’étang

Vendredi 31, Carcassonne

Isa à Nancy pour voir sa mère, elle aussi bien malade, je pars me changer les idées dans les Corbières.

La Cité
La Cité
À vélo
À vélo
À vélo
À vélo
À vélo
À vélo
À vélo
À vélo