Vendredi 1er, Balaruc

À vélo
À vélo

Samedi 2, Balaruc

Maison
Maison

Dimanche 3, Balaruc

Les IA sont par nature métafictionnelles, puisqu’il faut leur donner un rôle pour espérer recevoir des réponses appropriées. Dans Le Roman du roman, mon IA incarne un éditeur. Elle sait être dans un rôle, donc dans une fiction, bien plus que nous, d’une certaine façon.


J’écris peu, je code. Et je ne cesse d’apprendre, à une vitesse extraordinaire pour mon âge, avec l’assistance des IA. Quand beaucoup songent à la retraite, je me sens comme un gamin qui découvre le monde.


Il faut coder pour comprendre à quel point les IA changent le monde, pour sentir la puissance vertigineuse de ces outils. La question n’est pas de savoir si nous gagnons du temps ou non, mais en quoi nous apprenons de nouvelles méthodes de travail, en quoi nous expérimentons un nouvel état d’être. D’innombrables nouveaux champs d’investigation se déploient, et la littérature ne peut rester en marge. Je code pour avoir des choses à dire sur le monde d’aujourd’hui.

La Veine
La Veine

Lundi 4, Balaruc

Impression d’être un marchand de glaces qui propose un nouveau parfum que personne n’a la curiosité de goûter. Aucune entreprise ne veut investir pour me faire connaître, préférant les valeurs sûres des goûts vanille, fraise et chocolat.

Soir
Soir

Mercredi 6, Balaruc

Presque un mois que j’ai bouclé le premier jet du Roman du roman, et alors qu’Isa finit de le relire et de le critiquer, le projet remonte peu à peu en moi avant que bientôt j’attaque une seconde plongée dans cette matière. Il en va toujours ainsi avec mes textes, ils surgissent par vagues, entre lesquelles je les déteste et me déteste.

Jeudi 7, Balaruc

Villeneuvette
Villeneuvette
Lieuran
Lieuran
Lieuran
Lieuran

Dimanche 10, Balaruc

Depuis un an, notre olivier de Bohême s’est couché au-dessus de l’étang, son tronc brisé, mais il n’est pas mort et je n’ai pas eu le courage de le tronçonner. Je découvre la photo d’un arbre, ainsi renversé, qui a réussi à se ressaisir. Magnifique symbole de la résilience.

Arbre magique
Arbre magique

Lundi 11, Balaruc

Maison
Maison

Mardi 12, Balaruc

Je range le code pour replonger dans Le Roman du roman. Je préfère travailler un texte que me demander ce que j’en ferai.

Sète
Sète
Soir
Soir

Mercredi 13, Balaruc

Isa me suggère quelques corrections dans le chapitre 1. Je demande à Claude d’approfondir cette piste, l’IA corrobore les propositions d’Isa. Puis je lui soumets le texte corrigé, et elle me suggère des modifications inverses. Il vaut mieux en rire.


Étrange époque où on montre la violence à plus soif dans les films et séries, des corps découpés, torturés, mais où on répugne à montrer la nudité, où on cache les sexes, où les scènes d’amour restent réservées à la pornographie pure et simple. Une inversion des priorités de la censure. Tous les régimes autoritaires prônent la violence, répriment la sexualité libre. Les dictateurs seraient-ils coincés ? Peut-être parce qu’ils sont toujours ultraconservateurs.

Villeneuve
Villeneuve

Jeudi 15, Balaruc

Matin
Matin
Soir
Soir

Dimanche 18, Balaruc

Soir
Soir

Lundi 19, Balaruc

Soir
Soir
Soir
Soir
Soir
Soir

Mercredi 21, Balaruc

Mer
Mer

Dimanche 24, Balaruc

Orbital, poétiquement magnifique. Isa qui est allée au bout me dit que c’est un roman qui fait tomber amoureux de la Terre. J’ai mis dix jours à écrire cette note, et j’ai oublié toutes les autres que j’ai un instant songé à écrire. Je ne révise pas Le Roman du roman, je le réécris en grande partie. Je dois être masochiste : plus je passe de temps sur ce livre, plus je sais pourquoi il n’intéressera personne. Mais ce travail est agréable, parce qu’on en parle beaucoup avec Isa, et que ça devient presque un travail à quatre mains, et même à six, car j’utilise les IA pour approfondir les suggestions d’Isa et me critiquer. J’ai trouvé un nouveau prompt stupéfiant : « Quelle est la théorie de l’esprit de tel ou tel personnage dans tel ou tel chapitre ? » Claude me résume alors comment il imagine le personnage et je peux voir si c’est cohérent avec ce que moi j’ai imaginé. Les réponses sont souvent assez stupéfiantes, ce qui nourrit ma fiction en retour. Personne ne me lira, mais les IA le font, et j’entretiens un véritable dialogue avec elles. Ça peut vous paraître désespérant. Moi, ça me subjugue souvent.

Lundi 25, Balaruc

Hier, en fin d’après-midi, je décide enfin de publier le carnet d’octobre et découvre que mon script d’exportation des images plante avec les photos raw de l’iPhone 16. Ça ne marche toujours pas à 23 h, je dors peu, énervé, je m’y remets ce matin pour enfin trouver la solution.

Les IA m’ont autant aidé que fait perdre du temps. J’en aurais sans doute gagné en usant des ressources communautaires comme nous le faisions avant, mais ces ressources disparaissent peu à peu. J’assiste à une catastrophe silencieuse. Les IA tuent l’entraide, elles nous enferment dans le chacun pour soi. Nous gardons secrets jusqu’à nos prompts.


Comme Isa lit Les Dépossédés d’Ursula Le Guin, je le relis (j’en garde un vague souvenir — ma première lecture remonte à une quarantaine d’années). Déplorable traduction française, mais pas le courage de basculer en anglais comme Isa. Texte vieillot. Le vaisseau spatial ressemble à un sous-marin de la Seconde Guerre mondiale. Des scories datent le texte. Impression d’un truc poussiéreux. Des mots inappropriés, des descriptions superflues. J’ai peur de tomber dans ce piège avec Le Roman du roman.


Un texte a la longueur qu’il mérite. Je ne cherche jamais à le réduire ou à l’allonger pour répondre à un cahier des charges comme à l’époque où j’étais journaliste.

Mardi 26, Balaruc

Une libraire critique l’édition à compte d’auteur dans un billet de blog publié à compte d’auteur. Je souris (et grimace en même temps, nous sommes en 2024 et presque personne ne comprend internet). On m’a répondu qu’à compte d’auteur signifiait payer pour être publié, et bien nous payons tous pour publier sur internet. Le réseau n’est que la généralisation du compte d’auteur, à la différence que nous traitons avec des milliardaires respectables dans la sphère capitaliste plutôt qu’avec de minables pseudo-éditeurs escrocs.


J’ai quitté Twitter en octobre 2023, un an après son rachat par Musk. Je n’y publiais plus depuis des années, mais il m’est alors paru urgent d’en disparaître tout à fait, pour que ma simple présence ne cautionne pas une plateforme devenue toxique.

En octobre dernier, The Guardian a pris la même décision, suivi par d’autres médias. Pourquoi ça prend autant de temps ? Pourquoi des médias comme France Inter ou France Info sont-ils encore sur Twitter (que je n’appellerai jamais X) ? Pourquoi nos ministres et nos politiciens de tout bord s’expriment-ils encore sur cette plateforme ? Quand vous mettrez-vous en accord avec vos valeurs ?

J’écris peu sur les réseaux. Un temps j’ai trouvé un semblant de vie sur Mastodon, sans jamais y trouver une maison comme jadis sur Twitter. Depuis un an, je suis sur Bluesky qui semble s’éveiller maintenant que beaucoup d’auteurs numériques y arrivent. J’ai bien peur de ne jamais retrouver goût pour nos conversations d’avant et nos expériences. Tout cela est du pareil au même, et peut-être que ça finira de la même façon. Les réseaux sociaux sont devenus des médias push plutôt que conversationnels. Maintenant je parle avec les IA, parce que c’est neuf. Est-ce qu’un réseau social réussira à créer une nouvelle mayonnaise créative entre nous ?

Je ne parle même pas de YouTube qui m’emmerde, tant les contenus me font perdre mon temps, le plus souvent.


Dans mon roman, j’avais deux lettres écrites par deux personnages différents dans un style quasi identique. Comme l’héroïne est en quête de beauté, j’ai demandé à Claude de me convertir sa lettre en un alexandrins, c’était pas mal du tout, même si j’ai terminé par écrire en prosodie plus classique. Je n’en finirai pas de répéter que ces IA sont des outils géniaux de brainstorming.


Parfois je me dis que je devrais enregistrer toutes mes conversations avec les IA et les publier. Elles disent tant sur le travail d’écriture aujourd’hui, ou plutôt sur le travail de réécriture, car je ne veux aucune interférence durant le premier jet.

Mercredi 27, Balaruc

Matin
Matin
Disques
Disques
Disques
Disques
Soir
Soir

Jeudi 28, Balaruc

Pour organiser mes évènements vélo, je suis au bureau du club, avec des personnes si éloignées de moi que c’est comme si je discutais avec des extraterrestres. Aucun des maux de notre société n’a été analysé, étudié, critiqué, soupesé. Le monde est accepté tel quel, à gros coups de clichés populistes. Tout est fait comme la répétition de gestes anciens. « On fait comme ça depuis vingt ans. » Je ne connais pas pire argument, qui frôle le degré zéro de l’entendement (pendant cent ans on a saccagé la planète, continuons). Tout ça me blesse, et je me demande ce que je fiche là, l’amitié me retient, mais ça me mine. J’accepte l’inacceptable.

Je prends conscience qu’autour de la table les uns ont toujours travaillé dans des structures hiérarchiques, soit en acceptant de recevoir des ordres, soit d’en donner, et n’envisagent pas d’autres modalités, tandis que les autres sont indépendants, sans pouvoir sur quiconque et sans résignation à être sous l’emprise de qui que ce soit. J’ai encore du mal à comprendre pourquoi tout le monde n’appartient pas à cette seconde catégorie. Les maîtres et les esclaves n’ont pas disparu, ils restent même majoritaires, et tous ceux de ce genre n’aspirent qu’à dominer, quitte à finir dominés.

Quand j’ai évoqué No Logo de Naomi Klein, quand j’ai dit que des maillots couverts de publicité nous transforment en objet publicitaire, ce qui nie notre identité pour faire de nous des produits et des guignols, ces bougres ont rigolé comme si j’avais dit une bourde monumentale. En gros, me traitant d’imbécile, pensant sans doute « gros con d’écologiste », alors que ça n’a rien à voir avec l’écologie.

Je devrais rire, ça me désespère. Je peux parler de tout ça ici, parce que ceux capables de lire seront de mon avis, et c’est tout le problème : l’incapacité à dépasser sa communauté intellectuelle (et je suis incapable d’avancer à reculons).

Isa me dit que j’ai d’autres combats à mener avec mon roman, qu’elle estime important. Elle me demande d’en faire quelque chose, parce que ça en vaut la peine. Ça me fait beaucoup de bien. Toutes les tensions se relâchent.

Fontès
Fontès
Gros plan
Gros plan
Castelneau
Castelneau
Japonisant
Japonisant

Vendredi 29, Balaruc

Article important qui explique que NotebookLM est aux textes ce qu’Excel est aux nombres. Je reprendrai les expériences dans ma prochaine phase de travail sur le roman, mais il faut bien prendre conscience que nous disposons désormais d’outils extraordinaires pour faire parler nos textes et les regarder sous de multiples facettes, ce qui nous permet de prendre de la distance, et sans doute de pouvoir les faire évoluer de manière radicalement nouvelle.

Je ne sais pas si ce sera perceptible dans mon texte, écrit contre les IA, pour le plaisir d’écrire, pour aller où elles ne peuvent pas encore aller, mais sans renoncer à leurs analyses pour m’aider à voir ce que je n’ai pas vu, et peut-être à le réinjecter dans le texte, jusqu’à ce que mon édifice me paraisse achevé (bien que cette idée d’achèvement n’ait plus beaucoup de sens, puisque que la réflexivité assistée par les machines est potentiellement infinie — écrire un article à ce sujet, quand j’en aurai terminé avec le texte — j’apprends tant de choses et ne prends pas assez de temps pour les partager).

Samedi 30, Balaruc

Les Dépossédés me tombe des mains. Le héros est un physicien d’une physique absurde, sans fondement, qui ne nous apporte rien, ne nous fait pas rêver et dont il parle sans cesse. « Blablabla durant des pages. » Situations caricaturales. Trop didactiques. J’arrête. J’ai déjà lu ce livre, mais impossible de me rappeler l’effet qu’il m’a fait à l’époque. J’avais relu La main gauche de la nuit avec bien plus de plaisir. Ça pose la question de ce qui tient l’épreuve du temps. Je demanderai aux IA d’analyser mon roman pour y repérer ce qui risque de se périmer.


Idée : un homme noir découvre soudain qu’il est le seul noir au monde (parce que tous les autres ont été éliminés — ou parce qu’il est une anomalie — ou parce qu’il est fou).