Mardi 1er, Balaruc
David Camus se fait bousculer par les rétrogrades qui hantent Mastodon, au prétexte que je le passe au crible de ma machine à interviewer. Je lui réponds : « La plupart des gens ferment les yeux sur ce qui nous arrive. Le contraire de ce que faisait ton grand-père. Ce n’est pas en fermant les yeux qu’on sauvera notre peau. C’est comme face à la maladie, si tu la nies, elle te bouffe (tu es bien placé pour le savoir, moi aussi avec Isa et son cancer). »
Un gars me reproche d’utiliser sur mon blog un popup pour présenter Épicènes (qui s’affiche une fois par semaine/visiteur). Il me dit que c’est une agression. Je lui dis que je partage des contenus gratuitement depuis 30 ans sur le net, que j’attends un retour, qu’acheter un de mes livres est une façon de montrer son intérêt pour mon travail. Il insiste. Je finis par lui demander ce qu’il partage gratuitement sur le net. Bien sûr, aucune réponse. Maintenant, je conviens que ce popup n’est pas des plus heureux, mais la plupart de mes lecteurs fidèles me lisent dans leur boîte mail. Reste qu’acheter mes livres est un truc important, parce que ça me donne la liberté d’en écrire d’autres, et incidemment d’écrire ce journal qui se nourrit de mes pensées parallèles à l’écriture de textes plus structurés (me faudrait développer cette idée et aussi trouver une autre technique qu’un popup).

Mercredi 2, Balaruc
Parmi les quelques articles publiés sur Épicènes, au moins trois l’ont été par des instabookers à l’aide d’IA. Je reconnais le ton élogieux, les formules, la structure du discours. Qui se rend compte de la supercherie ? Sur les comptes des instabookers incriminés les commentaires sont-ils aussi écrits par des IA ? Une industrie du vent, pour attirer l’attention, recevoir des livres gratuitement, immédiatement remis en vente dans les solderies.
Jeudi 3, Balaruc
Est-ce que j’écris pour me fuir ? Pour devenir cet autre qui écrit, qui ne fonctionne pas tout à fait comme moi. Est-ce que déjà, après deux phrases, je suis en train de devenir cet autre, et quel autre, parce que j’imagine qu’il en existe plusieurs ? Ou est-ce le contraire, est-ce que je deviens davantage celui que je suis au plus profond ? Tout ce que je sais c’est que l’écriture produit en moi un déplacement, sans que je sache si c’est vers mon centre ou un monde extérieur. Écrire est un voyage.
Michel m’écrit : « Continue tes carnets mensuels, le temps file discrètement… » Pas si discrètement parfois, comme avec la maladie qui le sculpte, ou quand les enfants quittent la maison, ou que le copain le plus âgé de notre groupe vélo s’en prend une belle ce matin et rentre de la clinique comme une momie. Et puis il y a des moments de pure joie, comme quand nous abandonnons nos vélos et nous jetons dans l’Hérault, en amont de Pézenas, face au moulin de Roquemengarde.

Dans un article scientifique, je lis : « La masturbation in vitro ». Il me faut un instant pour comprendre que quelque chose cloche. Je reviens en arrière : « La maturation in vitro ». Combien de fois mon cerveau remplace des mots par d’autres et me fait lire des trucs que personne n’a jamais écrits ?
Chaleur extrême. Tout brûle, l’eau de l’étang comme du cuivre en fusion à la sortie d’un laminoir. Quand je suis monté me brosser les dents, l’émail du lavabo était chaud. Le dentifrice aussi. Tout est chaud.
Tisaac : « John Cage cherchait les assemblages imprévus dans l’aléatoire, dans la surprise du vivant. Y aurait-il un lien entre l’IA et l’aléatoire ? Entre l’usage de l’aléatoire par John Cage et l’usage de l’IA par Thierry Crouzet ? J’ai l’impression que rien ne pourrait être plus faux ou plutôt qu’il y a des attitudes totalement différentes chez John Cage et Thierry Crouzet. Cage me semble avoir voulu fuir l’intentionnalité alors que Crouzet me semble vouloir justement en mettre beaucoup. Pas toujours mais la plupart du temps. »
C’est drôle parce que j’ai écrit il y a longtemps, Bug, un petit éloge du hasard dans la création. J’utilise beaucoup les IA pour brainstormer, pour faire jaillir de l’imprévu, rarement pour atteindre un objectif « littéraire » précis (c’est différent quand je code — mais là aussi, quand elles se plantent, j’apprends beaucoup et ça me donne des idées.)
J’apparais comme un auteur hypercérébral. Ce n’est pas volontaire. J’aimerais être plus farfelu, plus romantique.

Vendredi 4, Balaruc
Enfin, du nouveau sur Parcoursup, toujours pas l’école attendue, mais une prépa intéressante, Daudet à Nîmes, inattendue pour le coup, voilà les cartes rebattues après quasiment cinq semaines d’attente. Émile peut enfin effectuer un vrai choix, jusque-là il s’était contenté d’éliminer des propositions, sans leur prêter attention. Que ce processus est long et pénible. Pourquoi Parcoursup ne donne-t-il aucune visibilité sur les possibilités restantes et ne mesure-t-il pas la tension réelle de la file d’attente ? Pourquoi tous les lycées n’effectuent pas les mêmes relevés de notes, certains en deux trimestres, d’autres en un seul semestre (dernier choix qui pénalise ceux qui, comme Émile, ont démarré la terminale avec le pied sur le frein) ? Pourquoi laisser les élèves dans le noir ? Si j’en avais le courage j’écrirais « Parcoursup ou de la maltraitance ».


Samedi 5, Balaruc
Suite à mon article critique sur Mastodon, on me dit « J’en ai marre des gens "intéressants" et j’aime savoir ce que pensent les gens "normaux". » Je réponds : « J’ai des amis normaux, mais en ligne je cherche les anormalités de chacun. »
Lundi 7, Balaruc
David me pointe un passage de La Splendeur des Amberson d’Orson Welles où tout ce qui est dit sur la voiture évoque ce qui est rabâché sur l’IA, les uns et les autres ne prenant pas conscience qu’ils perdent leur temps : « Quand on a peur du changement, on a le changement et la peur. »
Mardi 8, Balaruc
C’est chaque année la même chose : un automobiliste jette un mégot sur l’autoroute A9 et un morceau de garrigue part en fumée. Deux fois en deux jours ! Deux coins de nature magnifique où je fais du vélo, la Gardiole à côté de chez moi, puis les environs du golfe Antique dans l’Aude. Non contents d’être indifférents à leur santé, les fumeurs se moquent de nous, ils s’en fichent, ils nous méprisent. Hier, j’ai eu cette conversation avec mon coiffeur (oui, ça m’arrive d’aller chez le coiffeur). Il est fumeur et me disait qu’il se promène avec une bouteille d’eau pour y jeter ses mégots. Bravo, mais les autres ? Vous êtes des criminels.
Grosse surprise Parcoursup : une place à l’internat de la PCSI de Nîmes. Difficile de renoncer à ce confort.
Dimanche, départ pour la Bretagne et notre bikepacking estival. Depuis des années, je ne raconte jamais mes voyages à vélo dans mon carnet, mais dans mes billets Born to bike. Pourtant, c’est ici la place naturelle de ces textes, comme quand je voyageais de façon plus classique. Aussi envie de prendre des notes audio au cours du voyage. Annoter de façon différente, essayer d’autres pratiques, toujours tenter quelque chose. Des rêves dans cette période de grande paralysie intellectuelle. Je suis coincé dans un interstice de la vie. Et voilà qu’un nouvel incendie éclate au nord est de la maison.


Jeudi 10, Balaruc
Parcoursup terminé. Émile sera donc en prépa à Nîmes, une prépa de milieu de tableau, avec déjà une moyenne de quasiment 16 pour les bacheliers, ce qui exigera qu’il se mette sérieusement au travail s’il veut atteindre une classe étoile, presque les seules qui donnent une chance d’obtenir une école d’ingénieur du haut de tableau.
Samedi 12, Balaruc
Depuis deux semaines, une page web était ouverte, que je n’avais pas lue, The Snowflake Method For Designing A Novel. Ne la lisez pas, parce qu’elle donne des conseils stupides malgré sa popularité. Elle envisage l’écriture comme un processus industriel, avec méthode, alors que non, il faut abandonner toute méthode, se planter, perdre du temps, écrire pour rien, jeter, recommencer, se prendre des murs, alors l’écriture procure de la joie et peut-être permet de découvrir des merveilles. Ne pas écrire pour des lecteurs hypothétiques mais d’abord pour soi, pour le plaisir d’écrire, de gratter la surface du monde et de soi, et alors peut-être faire des cadeaux aux lecteurs, des cadeaux imprévus, venus de mars ou d’une autre galaxie.


Dimanche 13, Mont Saint-Michel
TGV jusqu’à Paris avec les vélos démontés. Peu avant la gare de Lyon, nous les remontons dans le couloir exigu, puis filons déposer les housses rue Crémieux et fonçons gare Montparnasse où nous retrouvons N, un nordiste croisé une fois sur un 727, avec qui Cyril et moi n’avons jamais réellement discuté.
J’ai pris goût à lancer des invitations à se joindre à nos équipées. Presque toujours notre goût commun pour le voyage à vélo suffit à nous réunir. Je pense à JM, Jacques, Will, Artur et beaucoup d’autres devenus des amis, avec qui nous avons partagé des moments d’intense proximité. Je me sens parfois plus intime avec eux qu’avec des amis de longue date. Voyager à vélo, c’est comme voyager en bateau : on réussit à s’emboîter, à se compléter, ou le rejet de greffe est violent. Oui, parfois ça ne marche pas, de quoi ruiner un voyage, mais le risque nous prépare de belles fraternités.
Un TER nous mène à Villedieu-les-Poêles, en Normandie. Incendie à Clamart. Retard de 45 minutes. Assis en face de moi, un gros jeune homme en t-shirt jaune fluo, genre tenue de footballeur américain. Il passe les trois heures du voyage hilares devant son téléphone, sans nous regarder une fois, tout en vidant canette de bière sur canette de bière.
Presque 18h quand on débarque sur un quai détrempé par l’orage. On commence à pédaler. Tonnerre, pluie. On s’abrite dans un bois. Les feuilles surchargées d’eau finissent par lâcher sur nous de grosses gouttes froides. Nous pédalons jusqu’à Avranches sous une pluie battante. Un restaurateur à l’allure de truand, débordant de muscles enrobés de gras, nous vante la qualité de son menu tout en maltraitant un serveur freluquet. Il nous sert de la bouffe congelée. Le soleil réapparaît.
Descente vers la baie du Mont-Saint-Michel que nous longeons par un sentier entre les herbes hautes. Sur les cartes de nos GPS, nous sommes en bord de mer. À l’horizon de l’étendue herbeuse flotte le mont. Nous cherchons une zone de bivouac, finissons par monter nos tentes sur l’arrière-pelouse d’un gîte inoccupé.




Lundi 14, Les Sables d’Or-les-Pins
On se remet en route avant 7h, question de ne pas se faire traiter de squatteurs. Approche du mont par le sentier côtier. Je le bombarde de photos, sachant que les mêmes ont déjà été prises cent fois et l’idée me vient d’un montage où le mont apparaîtrait de plus en plus grand. Nous arrivons sur la presqu’île avant les touristes, remontons les ruelles à vélo jusqu’à la cathédrale. Expérience étonnante dans un lieu habituellement bondé. Quand nous repartons, nous croisons les premiers bus.







Et puis le mont s’éloigne peu à peu, jusqu’à se retrouver entre nous et le soleil…



Nous nous arrêtons dans la délicieuse boulangerie du Vivier-sur-Mer. Je dicte mes notes. Ce n’est que quand je m’assieds à table et discute avec Cyril qu’une idée me vient, celle justement de mon incapacité à écrire par la parole. Avec elle, je ne peux que m’en tenir au factuel. Rien d’imprévu ne surgit.
Quand je parle, je suis un mec normal, pas du tout un écrivain. Je me contente de commentaires, comme souvent mes photos, là pour documenter. Tout ça très loin de la littérature du rush, celle qui m’emporte en territoire inconnu. Je parviens à dicter tout ça, avec la plus grande difficulté. Cyril commente : « Il est pas tout seul dans sa tête et il a du mal à vivre avec tout ce monde, c’est difficile pour lui. »
Nous roulons jusqu’à Saint-Malo, franchissons le barrage de la Rance, puis rejoignons la maison de vacances de Phil, un ami de JM qui va se joindre à nous, chez qui Jacques est arrivé avant nous. Nous voilà cinq. Nous faisons connaissance. Phil est un grand reporter nouvellement à la retraite, qui vit à Moscou avec sa femme elle aussi journaliste.
J’aime nos groupes par leur mixité de professions : un journaliste, un mécano, un artisan, un réparateur d’ordinateurs, un auto proclamé écrivain lui aussi ancien journaliste, ça c’est moi. Un cocktail potentiellement explosif mais qui s’il fonctionne est l’occasion de bonnes rigolades.
Phil nous guide sur ses singles préférés. Quand nous arrivons au château du Guildo, nous sommes plus qu’à une quarantaine de kilomètres de Saint-Brieuc où demain à 12h30 nous devons récupérer JM, le Parisien, et Seb, le Brestois. Nous quittons la trace et Phil nous guide vers Matignon, puis vers le cap Fréhel. Peu après Port-Nieux, alors que nous remontons vers le cap le long de la baie de Fresnaye, nous croisons deux piétons qui me regardent avec attention.
Quelques secondes plus tard, Jacques, dernier de notre file indienne, nous crie de nous arrêter. Il discute avec les piétons. Il nous raconte. « Ils m’ont dit : c’est Thierry Crouzet ? Je leur ai répondu : oui, c’est Thierry. Puis j’ai reconnu Martine, que j’ai croisée sur la Baroudeuse. » Nous passons un bon moment à discuter de nos escapades, ne cessant de nous étonner du hasard de notre rencontre, sur une route où jamais nous n’aurions dû passer si nous n’étions pas en avance sur notre itinéraire.
Quand nous repartons, Cyril me dit « Ça doit te faire plaisir d’être reconnu, ça veut dire que ton travail a du sens pour beaucoup de gens. » Moi : « J’aurais préféré être reconnu pour mes affaires de littérature plutôt que de vélo. »
Après le cap et la côte sauvage, nous entrons dans un camping peu avant les Sables d’Or-les-Pins. Impossible de payer. Il est trop tard. Le lendemain, il sera impossible de payer avant 8h30. Alors nous pédalons jusqu’à la ville où nous nous régalons de crêpes, avant de poursuivre jusqu’à un second camping où on se fait presque insulter par le tenancier du snack parce que nous arrivons trop tard (21h30). Genre : « Ce n’est pas une heure pour débarquer chez les gens. » Il nous laisse toutefois nous installer, sachant que le lendemain nous serons repartis avant l’ouverture des bureaux.
Nous sommes en décalage avec les autres touristes. Ils se posent dans les campings alors que nous voulons y prendre une douche, y dormir et repartir au plus vite, et nous n’effectuons ce choix que quand il est difficile de trouver des bivouacs sauvages.










Mardi 15, Tréguier
Nous longeons la superbe baie de Saint-Brieuc jusqu’à la gare où nous pêchons JM et Seb. Je connais JM depuis trois ans et j’ai l’impression que ça fait des siècles : nous passons chaque année deux semaines à pédaler ensemble et nous avons le temps de nous raconter nos vies. Seb est un nouveau venu dans la bande, même si nous échangeons par mail depuis longtemps. And then they were seven.
Je pourrais presque écrire un livre sur les boulangeries. La plupart proposent des produits surgelés, ou précuits, présentés avec art pour nous tromper. Au Levain Briochin ne nous déçoit pas. Mais pas question de nous éterniser dans la ville. Nous reprenons la route dans des paysages agraires monotones, entrecoupés de bois avec des chemins agréables, mais pas assez longs et joueurs pour nous distraire.
N a la fâcheuse tendance de nous doubler par la droite, de sucer nos roues puis de nous planter des accélérations dans les montées, ce qui n’en finit pas de nous agacer tour à tour. Je le lui dis, le lui répète, mais il continue, incapable de prendre un relais à notre allure, se sentant toujours obligé d’accélérer. Je ne suis pas le roi de l’empathie, mais j’ai trouvé mon maître dans l’incapacité de prendre en compte autrui. Et plus il m’agace, plus je me dis que moi aussi j’agace les autres.
Tous les deux n’arrivons pas à communiquer. Face à face, nous devenons autistes. Je ne me sens pas très bien en sa présence, dans la peau du bobo incapable de se mettre dans la peau de l’ancien ouvrier, mais ça ne me fait pas ça avec Jacques. Il est fou Jacques, conspirationniste en prime, mais je l’aime. Il possède une intelligence détournée de la rationalité, une intelligence azimutée, qui fait de lui un être curieux, intrigant, et toujours la main sur le cœur. Ce n’est donc pas une différence sociale qui nous embrouille, sinon elle m’embrouillerait avec Jacques, ni une différence politique ou philosophique, c’est plutôt un néant. Une irrémédiable barrière que j’essaie de franchir, mais elle est trop haute pour mes faibles aptitudes relationnelles.
Phil, c’est tout le contraire : homme de radio, il parle, il parle, il nous raconte sa vie en long en large. Nous fait revivre le Rwanda et les massacres, les corps découpés entassés dans les églises, jusqu’aux larmes. Il nous raconte sa vie à Moscou, où tout est fait pour acheter la paix sociale.
Nous atteignons Paimpol quand il commence à pleuvoir. Nous nous réfugions dans une crêperie, que nous quittons avec peine. Je tente une nouvelle dictée. Des bribes de pensées à tisser pour en faire un texte lisible, que je réinventerai une fois de retour devant un clavier. Contrairement à Phil, je ne sais pas parler, j’ai programmé mon cerveau pour qu’il écrive. Il me faudrait des mois de bafouilles pour que quelque chose émerge.
Je n’ai pas envie d’écrire un journal de cycliste, juste un journal de voyage, à vitesse intermédiaire entre marche et voiture. En Bretagne, les paysages se renouvellent peu. On reste dans le granitique. Il y a les côtes sublimes, puis les terres agraires monotones, sans cesse moutonnantes, mais jamais suffisamment pour dégager des perspectives saisissantes.
Ce matin, j’ai aimé les maisons cossues en surplomb des plages et des falaises. Elles dégageaient une force tranquille, une sorte d’éternité solide. Une opposition frontale aux éléments. Elles me paraissaient à leur place, avec leur point de vue choisi, leur agencement à l’image de leurs occupants imaginaires.
J’aimerais avoir davantage de temps, m’arrêter dans chaque commune, les explorer à pied, avec un carnet d’aquarelle. À vélo, je passe. Je n’ai pas envie de m’éterniser, parce que le vélo est une sorte de bateau qu’on ne peut quitter, sauf pour de brefs bains de mer. C’est ainsi qu’il faut voir le voyage à vélo : un voyage dans un bateau dont on ne pourrait pas quitter le bord, parce qu’un vélo laissé seul disparaît aussitôt. Les histoires de bikepackers dépossédés de leur monture ne manquent pas. Le vélo nous propulse tout en étant une ancre.
Nous bivouaquons à Tréguier, sur les berges de l’estuaire de La Guindy, face au tombeau d’Anatole le Braz, écrivain grand-père de Tina Weymouth, bassiste des Talking Heads, autrice des paroles françaises de Psycho Killer qu’est-ce que c’est ?
Ce que j’ai fait, ce soir-là
Ce qu’elle a dit, ce soir-là
Réalisant mon espoir
Je me lance vers la gloire, OK












Mercredi 16, Scrignac
Quelle nuit ! « Ce que j’ai fait, ce soir-là ? » Je n’ai pas beaucoup dormi. Vers minuit, des cris me réveillent. Deux ou trois garçons éméchés, une fille. « Suis pas un PD. Je le fais. Vas-y. Vas-y. » Ça continue un peu plus loin. Je ne comprends pas tout. Je me rendors, me réveille. J’entends la fille dicter des chiffres. Plus tard, des paroles plus proches : « Tu as vu le feu d’artifice ? » Le flash d’une lampe torche illumine alors ma tente. Au loin, vers le parking à camping-car, un gyrophare. Une voix autoritaire s’élève : « Il va falloir déplacer les tentes. » On s’arrache un à un de nos sacs de couchage. Devant nous, des pompiers. Nous comprenons ce qui se passe. Un des garçons est tombé dans l’estuaire de La Guindy et s’est envasé jusqu’à la taille (on comprends qu’il s’est jeté d’un parapet en balcon pour impressionner ses amis). Il ne peut plus bouger. Il est prisonnier des sables mouvants. Les chiffres dictés par la fille étaient les coordonnées GPS de l’accident lors de l’appel des secours.
D’autres pompiers arrivent, la police aussi. Finalement, nous n’avons besoin que de déplacer la tente de JM (lui qui croyait s’être mis à l’écart et ne rien risquer). Nous nous recouchons pendant que les secouristes s’affairent, à coups de marteau plantant des pieux dans la terre pour installer un treuil. Le matin, alors que nous rangeons nos affaires, une passante nous dit « Vous avez oublié là-bas une couverture de survie », je lui réponds : « Cette nuit, un gamin est tombé dans la vase », elle répond : « OK » et s’en va sans montrer plus de curiosité. En mettant au propre ces notes, je ne découvre aucune mention de l’incident dans la presse locale mais un fait-divers semblable s’est produit dix ans plus tôt. Voilà pourquoi la passante n’a pas été surprise, peut-être.
Nous ne sommes pas partis qu’il se met à pleuvoir. Nous ne voyons rien de la côte de granit rose. Enfin une éclaircie quand nous atteignons la plage de Saint-Efflam, où deux food trucks nous accueillent. Encore une fois, dès que nous nous éloignons de la côte, nous nous ennuyons, subissant sans grand enthousiasme les montagnes russes bretonnes. Mais soudain, un chemin nous jette sur les rives de la rivière de Morlaix. Nous la remontons jusqu’à la ville au célèbre viaduc. Nous la quittons par la piste cyclable qui se dirige vers les monts d’Arrée. Nous nous arrêtons dans l’ancienne gare de Scrignac transformée en gîte étape.








Jeudi 17, Brest
Alors que nous nous arrêtons pour grignoter au bord du lac de Brennilis, du nom de la première centrale nucléaire française, Phil prend conscience qu’il a perdu son téléphone (il avait déjà perdu et retrouvé ses lunettes). Nous localisons l’appareil 12 km en arrière, devant la boulangerie de Huelgoat. Phil rebrousse chemin par la route pendant que nous traversons les monts d’Arrée, par les premiers chemins purement VTT depuis le début du séjour. Quand nous nous arrêtons près d’une source pour nous rafraîchir, Seb nous joue des extraits de Jean de Florette et de Manon des sources, deux films dont il connaît les dialogues par cœur. Quel acteur ! Quel comique !
Après la traversée du parc régional d’Armorique, avec enfin un point de vue quand nous atteignons la chapelle Saint-Michel à 381 m, nous plongeons vers la presqu’île de Plougastel, puis vers Brest, où nous logeons dans l’auberge de jeunesse, inaugurée en 1983 et dessinée par Roland Schweitzer, œuvre architecturale majeure que j’ai tout de suite perçue comme un résumé de l’architecture du XXe siècle, entre Jean Prouvé, Alvar Aalto et Le Corbusier. Un pur chef-d’œuvre bois-béton. Le choc esthétique du voyage.








Vendredi 18, Douarnenez
On quitte Brest par le bateau, traversant la rade jusqu’à la presqu’île de Crozon. Paysage à couper le souffle, superbes sentiers côtiers, lande fleurie qui nous fait tous penser au Chien de Baskerville : « The longer one stays here the more does the spirit of the moor sink into one’s soul, its vastness, and also its grim charm. »
On déjeune chez Seb et Presci, les amis de JM, dont la maison se trouve par le plus grand des hasards sur notre trace. Merveilleux accueil. Phil nous quitte. Il n’espérait pas nous suivre aussi longtemps, mais son genou le rappelle à l’ordre. On repart avec peine, sur des chemins et des routes qui font mal aux jambes, sans nous apporter de réelles satisfactions vélocipédiques. Nous esquivons le Menez Hom et ses 329 m, dînons à Locronan, puis campons à Douarnenez, ma ville fétiche en Bretagne. Une tempête s’annonce pour le lendemain après-midi, avec un dimanche terrible et un lundi et mardi guère ensoleillé.
























Samedi 19, Rennes
Au réveil, JM nous annonce qu’il nous quitte : il ne trouve aucun train avec vélo démonté pour rentrer sur Paris le lundi soir. Nous ne sommes plus que cinq et la mayonnaise qui tenait le groupe se délite. Nous pensons tous à la météo défavorable qui s’annonce, je pense à la maison, à Isa malade, aux enfants.
On profite du soleil en terrasse près du marché de Douarnenez, puis on pédale jusqu’à la pointe du Raz par la route pour tenter d’y arriver avant la tourmente. Trop de touristes, lieu qui n’a d’attrait que par sa position extrême. Maisons moins ancrées, moins cossues qu’au nord ou que sur Crozon. Nous filons vers Audierne, toujours par la route. Il commence à bruiner pendant que nous déjeunons. Avec Cyril et Jacques, nous décidons de bifurquer sur Quimper pour rentrer sur Paris, puis chez nous.
Nous ne trouvons pas de place vélo pour Rennes, mais achetons tout de même des billets TER. Le contrôleur nous refuse l’accès du train, alors qu’aucun autre vélo ne se présente sur le quai. Au dernier moment, il nous laisse embarquer. Finalement il n’y aura que sept vélos sur neuf places possibles dans la rame. Le service de réservation vélo de la SNCF est déficient, ce n’est pas une nouveauté. Dans cette compagnie, on fait tout pour nous dissuader de voyager avec des vélos.




Dimanche 20, Balaruc
Pendant que Seb et N abandonnent à leur tour, je lis comme souvent un article inspirant de Maria Popova. Et si j’écrivais la maison, ce que ça implique un lieu à soi dans le monde, un lieu où on est pleinement, indifférent aux agitations du monde, d’autant plus important maintenant qu’Isa est assignée à résidence (et de voir ces maisons perchées en Bretagne nord, et aussi ces blocs stéréotypés par les fenêtres du train retour, tout ça me donne envie d’écrire sur la maison.) Ma vie « ordinaire » reprend. Des idées me viennent, peut-être pour occuper les mois à venir. Demain j’ai 62 ans.

Jacques a pris la photo du voyage. Descente vers le port de pêche de Douarnenez. J’étais devant, je me souviens de la lumière, mais Jacques a eu le réflexe incroyable de la saisir alors que nous étions en déplacement. On dirait une lumière de studio, presque irréelle.

Lundi 21, Balaruc
J’ai toujours été fasciné par le génie du lieu, par ces endroits naturels ou chargés d’histoire qui exhalent une force vitale indéniable, et je prends conscience que j’ai tenté avec notre maison de construire un de ces lieux, de lui donner une force propre, et beaucoup de gens qui y viennent me disent la ressentir. Isa présente la maison comme l’œuvre de notre couple, œuvre au sens artistique et mystique. Alors la dire, ce qu’elle a de particulier, son rapport à l’espace, au lieu où elle repose, à sa place dans le temps. Raconter la maison comme je parlerais d’un tableau, comme j’ai parlé d’Ératosthène ou de Didier Pitter, en faire une sorte de biographie.
Popova écrit : « Anything you polish with attention will become a mirror. Anything to which you give yourself fully, vest all your strength and risk all your vulnerability, will return you to your life annealed, magnified, both unselved and more deeply yourself. It can be a garden, or a desert, or a hare. It can be, perhaps most readily, a place. “Place and a mind may interpenetrate till the nature of both is altered,” the Scottish mountaineer and poet Nan Shepherd wrote in her stunning love letter to a mountain. »
La maison est une de mes œuvres comme mes livres, mon carnet, mes traces vélo. J’ai joué avec elle dans Rush, mais y revenir d’une autre façon, la dire, et dire l’importance de son lieu, de son centre, de ce point qui nous rend solides même quand nous en sommes éloignés.
Mardi 22, Balaruc
Écrire la maison serait un antilivre d’action, puisque la maison est immobile même si elle se transforme avec nous. Faire de la maison l’héroïne d’un roman comme parler d’une femme ou d’un homme aimé, parler seulement de lui ou d’elle et de ceux qu’ils croisent, faire leur éloge à longueur de page. Je ne sais pas à quoi pourrait ressembler ce texte, j’en devine simplement la possibilité.
Mercredi 23, Balaruc
À deux semaines d’intervalle, je regarde deux vidéos sur l’intelligence des LLM, la première par Underscore_, par des techos, la seconde par Monsieur phi, plus vulgarisée (mais tout aussi délayée). Je ne vois pas ce qui empêchera l’AGI. Mais quid de la créativité ? Quand est-ce qu’une IA sera plus créative que nous ? Est-ce que nous serons dépassés ? Je ne suis pas sûr que ce soit possible, c’est la thèse défendue dans One Minute et dans Rush. Peut-être égalés, mais pas dépassés.
Incidemment, au milieu de la nuit, j’ai commencé à écrire sur la maison. Trois pages. Un texte où il n’est pas question d’IA et que de toute façon elles ne pourraient pas écrire. Envie de mener de front ce projet avec un autre où je tenterai de m’augmenter avec les IA. Confronter l’humain ordinaire au cyborg.
Passionnante conversation entre Elan Barenholtz et William Hahn sur une nouvelle théorie de l’esprit, notre cerveau comme LLM, un operating système qui tourne différents logiciels, et Dieu possiblement un de ces logiciels qui influence aussi bien les croyants que les athées. En ce sens, Dieu existe, c’est une app.
Nous avons commencé par penser le cerveau comme un ordinateur (et l’univers aussi), maintenant nous le voyons comme un LLM, une machine prédictive (et l’univers aussi). Un nouveau cadre technique engendre un nouveau cadre interprétatif. C’est assez banal, en fin de compte.
Tout en appréciant cette conversation, je me suis demandé d’où sortaient ces idées, qu’est-ce que nous avions pour les étayer ? J’aurais pu opposer la même critique à Platon, Kant ou Schopenhauer. Nous avons besoin de systèmes pour décrire notre façon de voir le monde. Différence : nous devenons capables de reproduire notre façon de parler avec des machines. Nous approchons de la preuve expérimentale. Un nouveau cadre conceptuel émerge qui mettra au rebut une grande partie des anciennes théories de l’esprit.
Reste un problème que je soumets à Elan Barenholtz. « Quand on a inventé les avions, on n’a pas déduit qu’on avait compris le vol des oiseaux, ni ceux des insectes, ni ceux des chauves-souris, l’évolution ayant découvert des solutions différentes à un même problème. Que les LLM arrivent à parler ne démontre en rien que nous parlons comme eux (de façon autogénérative, c’est-à-dire mot après mot selon un processus récursif et avec une prédiction des mots probables avant même que nous soyons très loin engagés dans un discours). Pour affirmer la similarité, il faut démontrer la similarité des processus mis en œuvre, sinon on en reste à l’analogie. »
J’ai regardé une autre vidéo de Barenholtz, où il finit par expliquer qu’il n’a encore aucun papier publié en peer review sur le sujet. Tout cela hautement spéculatif. C’est comme si au début de l’aviation on avait tenté d’expliquer le vol des oiseaux avec des hélices invisibles.
Je ne suis tombé sur cette discussion que parce qu’une amie me l’a pointée. Sur le web, on trouve beaucoup de contenus à la limite de la science-fiction. Sans esprit critique, on peut se laisser séduire, se laisser détourner de la rationalité avec la plus grande facilité.
Jeudi 24, Balaruc
Réponse de Barenholtz :
« That is just the right question and I appreciate the airplane analogy. Let’s take it seriously because it actually illustrates my point well. We observed the function of flight in nature, applied some basic techniques, and in the process discovered the principles that made flight possible-lift via forward momentum—in machines and birds. The specific means of leveraging this principle may be different (e.g., propellers instead of flapping), but the core principles that made flight possible are the same and were discovered, not engineered.
« The same is true here. LLMs revealed that the structure of language supports internal prediction—with no world model, no grounding, no explicit syntax. That this even works was a massive surprise. Language turns out to be autogenerative: it contains within itself the structure necessary to produce more of itself, purely through predictive continuation. This didn’t have to be true. But it is. That was the key discovery.
« And if this predictive structure is sufficient to generate naturalistic language, the burden is now on those who believe human language is generated through a completely different kind of mechanism to explain why language would evolve with such a rich, predictive structure incidentally. That would be like discovering that the airfoil shape produces lift, then insisting birds must fly some other way.
« How that structure is leveraged—through autoregression or another predictive process—is a separate question. I argue (and present data in an upcoming paper) that humans also generate language autoregressively, in a similarly recursive, context-sensitive way. But that’s secondary. The foundational insight is that language itself contains a self-generating structure, and that is what LLMs have now proven beyond any reasonable doubt. »
Vendredi 25, Balaruc
Ma réponse : Votre théorie me paraît expliquer beaucoup de choses au sujet du langage humain. « LLMs revealed that the structure of language supports internal prediction—with no world model, no grounding, no explicit syntax. » En effet, plus personne ne peut remettre en question cette affirmation. Oui, c’est une découverte majeure : le langage n’a pas besoin d’une grammaire (ce que Pinker avait déjà démontré, il me semble). Je pense comme vous que quelque chose du même ordre que dans les LLM se joue en nous, et d’ailleurs, en tant qu’écrivain, je l’ai toujours su. Je ne pense pas mes phrases, elles jaillissent mot à mot (c’est plus compliqué en anglais).
Je m’efforce de critiquer vos affirmations parce que je devine que vous allez subir des attaques de toutes parts. Quand vous m’écrivez : « The core principles that made flight possible are the same and were discovered, not engineered. » Je n’en suis pas sûr : quand on faisait voler des boulets de canon, on ne pouvait rien en conclure au sujet du vol des oiseaux et de l’aérodynamique (et d’ailleurs le vol des oiseaux n’a réellement été compris que bien après la maîtrise des avions — on n’a jamais prétendu que les oiseaux volaient avec des hélices, par exemple). En résumé : découvrir que les ailes produisent de la portance ne nous dit rien sur comment l’oiseau contrôle dynamiquement cette portance, module ses battements, ajuste l’angle d’attaque en temps réel. La fonction et son implémentation restent deux questions distinctes.
Même si les principes du vol ont été découverts plutôt qu’ingénieurés, cela ne s’applique pas nécessairement au langage. Les LLM utilisent peut-être une structure qui existe dans le langage sans être celle que le cerveau utilise (voir plus loin exaptation).
Mais peut-être que le vol est un mauvais exemple, puisque c’est un processus dont le mécanisme est observable, contrairement au langage qui se joue dans nos cerveaux comme dans les LLM.
Prenons un autre exemple classique : la vision, redécouverte plus d’une vingtaine de fois par l’évolution avec des mécanismes différents. Quand nous inventons la photographie, ça ne nous apprend pas grand-chose des différentes visions dans le domaine animal. Mieux encore : quand nous connectons une caméra à un ordinateur, comprendre ce processus ne nous permet pas d’affirmer grande chose de comment nous voyons nous-mêmes. Bien sûr certains processus physiques sont les mêmes, mais le traitement du signal est totalement différent (comme il est différent dans différentes espèces animales). Connaître une fonction et être capable de la reproduire ne nous enseigne peu sur comment elle est mise en œuvre par ailleurs.
Autre exemple : nous capturons l’énergie solaire avec des cellules photovoltaïques en silicium, mais ce processus n’a rien à voir avec la photosynthèse des plantes. Maîtriser la technologie solaire ne nous révèle rien sur les mécanismes moléculaires de la photosynthèse.
Ou encore : nous naviguons avec GPS, boussoles et cartes, mais de nombreux animaux ont des capacités de navigation que nous ne comprenons toujours pas entièrement. Les oiseaux migrateurs, les tortues marines, les saumons qui retrouvent leur rivière natale — ils utilisent probablement le champ magnétique terrestre, les étoiles, les odeurs, mais les mécanismes exacts restent mystérieux (et sans doute divers). Nos systèmes de navigation très efficaces ne nous éclairent pas sur ces GPS biologiques (on pourra sans doute appliquer la logique LLM à cette navigation animale).
Dans l’entretien avec William Hahn, vous avez dit que vous ne croyez pas à l’existence d’une mémoire à long terme et à court terme, que tout ça n’avait plus de sens. Pourtant, certaines lésions détruisent l’une ou l’autre de ces mémoires. C’est largement documenté. Les LLM disposent d’une mémoire à long terme, leur espace vectoriel, mais le contexte qu’on fait suivre de prompt en prompt peut être vu comme une mémoire à court terme. Il est impossible de traiter le cerveau comme une boîte noire, à la façon des béhavioristes, et enterrer la neurobiologie.
Je crois comme vous que nous n’avons jamais été aussi prches de comprendre le langage et la bataille va faire rage avec les orthodoxes. J’essaie de vous opposer des objections de principe, plus pour vous aider que vous contredire. Parce que si vous avez raison, c’est plus que rafraîchissant et exaltant. Il faut ouvrir la boîte noire, connecter votre modèle à la neurobiologie, sinon on en reste à une approche métaphysique infalsifiable.
C’est paradoxal parce que je vous réponds à un niveau métaphysique. Mais il me paraît important de proposer des expériences pour tester ou réfuter votre intuition, ce qu’exige toute bonne science. Par exemple, comment tester l’autorégressivité du langage humain ? Comme je l’ai dit, ma pratique littéraire m’a convaincu de cette autorégressivité, mais être convaincu ne suffit pas.
Quand vous écrivez « And if this predictive structure is sufficient to generate naturalistic language, the burden is now on those who believe human language is generated through a completely different kind of mechanism to explain why language would evolve with such a rich, predictive structure incidentally. » Vous renvoyez ainsi la balle dans le camp adverse, mais cette contre-attaque me paraît dangereuse. L’argument « pourquoi cette structure existerait-elle si ce n’est pas ainsi qu’on l’utilise ? » ignore un principe fondamental de l’évolution : l’exaptation. De nombreuses structures biologiques servent à des fonctions différentes de celles pour lesquelles elles ont évolué. Les plumes des oiseaux ont d’abord servi à la thermorégulation avant d’être recyclées pour le vol.
Le langage pourrait avoir évolué avec une structure prédictive pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’autorégressivité — peut-être pour faciliter la transmission culturelle, l’apprentissage social ou la coordination de groupe. Cette structure pourrait permettre aux LLM de fonctionner sans que ce soit le mécanisme que notre cerveau utilise réellement (comme les dinosaures n’utilisaient pas les plumes pour voler).
Je ne cherche pas à contredire. Pour embrasser vos idées au-delà de la pure spéculation, j’ai besoin de davantage de science.
Je résume l’échange sur mon Substack anglais. Barenholtz s’est contenté de me répondre qu’il devait étayer sa théorie.

Dimanche 27, Balaruc

Lundi 28, Balaruc
Je finis par monter quatre photos du Mont Saint-Michel. J’ai pris toutes les photos de Bretagne en ProRAW, mais je ne sais pas vraiment les développer. Faut que je finisse par me mettre à Lightroom.




Mardi 29, Mont-Dore
Escapade de trois jours en Auvergne avec Lio et Didier que nous initions au bikepacking. Un des plus beaux endroits de France pour le vélo. Merveilleux villages, points de vue à couper le souffle, chemins doux sous nos pneux. Les télécabines de la Perdrix à Super Besse nous amènent sous le sommet du Puy de Sancy. Liaison interdite à vélo. Va savoir pourquoi, peut-être pour éviter les accidents avec les nombreux randonneurs. Nous croisons des gendarmes qui nous rappellent l’interdiction, sans hausser le ton, sans doute parce que nous descendions avec prudence, nos vélos chargés comme preuve de notre modération.













Mercredi 30, Lugarde
Jambes lourdes. J’ai de plus en plus de mal à encaisser les gros dénivelés, plus de 2 400 mètres pour 110 km aujourd’hui. Mais que de merveilles. Sublime contournement du puy de Dôme, puis magnifique paysage au sommet de La Banne d’Ordanche à 1 500 avant de plonger sur La Bourboule.









Jeudi 31, Balaruc
Retour à la maison lessivé, mais des étincelles dans les yeux. Avant le sommet du puy Mary, nous empruntons le sentier vers le col de Cabre au-dessus du Lioran. Nous poussons/portons les vélos, avant d’enfin plonger vers la vallée par les pistes de ski. Télécabine pour le plomb du Cantal. Descente dans les cailloux, puis sur les chemins de graviers noirs jusqu’à la découverte du voyage : Murat, magnifique ville en fond de vallée.



